Tu mérites un amour de Hafsia Herzi

Tu mérites un amour : Affiche

Film français (septembre 2019, 1h39) de Hafsia Herzi
avec Hafsia Herzi, Djanis Bouzyani, Jérémie Laheurte,
Anhony Bajon, Sylvie Verheyde, Samir Guesmi
Soirée-débat mardi 5 novembre 2019
présentée par Laurence Guyon

 

Le récit, urbain et estival, poétique, d’une rupture et de la quête du désenchantement, du désenvoûtement.
Lila a Rémi dans la peau et ça, c’est incontrôlable.
Lila court dans les rues vers la preuve de son infortune, vers le début de son désespoir, on la suit, le pas est rapide, déterminé, sous la chevelure qui ondule, ça se bouscule dans sa tête et la caméra nous bouscule aussi en la suivant de très près, nous emportant vers ce chavirement. C’est joué : Remi lui ment, la trompe, c’est bien lui, là, devant elle, pas possible de se raconter des histoires.
Maintenant, c’est l’après qui commence. La colère fait place à l’hébétude, au déni, puis aux larmes et la caméra se fixe, alternant les cadrages resserrés et les gros plans sur le visage de Lila, mesurant l’équilibre perdu, guettant l’apaisement de son cœur.

Rémi ne la respecte pas donc Lila ne se respecte plus et, pour s’étourdir, pour ne pas se jeter dans le vide, Lila, désincarnée, s’aventure dans des relations impossibles. Elle se regarde manquer de force et se laisser couler dans le tourment de son âme, dissociant son corps vigoureux à son esprit douloureux, désunifiée.

Un amour qui se délite, un couple qui se sépare, le sujet est éternel, mille fois vu au cinéma et dans la littérature de toutes les époques.
Hafsia Herzi réussit à nous faire ressentir la douleur ressentie par Lila. Elle la distille dans ses veines et on la sent couler dans les nôtres. C’est assez extraordinaire et c’est ce qui fait l’émotion et la singularité de Tu mérites un amour.

S’ajoute à cela, le casting particulièrement réussi des nombreux personnages secondaires et l’art de les faire tous, en quelques minutes, exister et particulièrement Ali, formidable Djanis Bouzyani, dévoué absolu à son amie, cherchant à entrer dans son esprit, quitte à user d’un gri-gri, pour en extirper le poison répandu par Rémi. Ali la revigore, la regarde pleurer, l’amène à sourire et la fait rire. Un beau tableau de l’amitié.
Sous-jacente est la crainte de ne pas pouvoir croire et se fixer à un amour, de continuer à papillonner, la quarantaine venue, comme Ava, dans la lumière glaciale des néons, s’accrochant aux ailes glaçantes de la jeunesse enfuie.
La réussite du film tient aussi dans la justesse de chaque scène, comme autant de pas vers la sortie de cet amour toxique. Une succession de scènes nécessaires, ponctuées du regard de Lila, -et quel regard !-construisent une histoire, l’histoire de ce désamour -là, unique évidemment.

Se nourrissant pourtant du collectif, du lien à l’autre qu’elle sait salvateur, on voit Lila, par instant incapable de goûter au bonheur familier d’un pique-nique entre amis, obligée, à ce moment, de partir, ne pouvant pas faire autrement, devant fuir pour se retrouver seule et se concentrer pleinement sur sa peine, s’en nourrir, se délecter de l’ultime vestige de son amour perdu.

La caméra fluide de Jérémie Attard capte les ressentis de l’intoxication amoureuse, de l’attraction et la répulsion, de l’amour et du dégoût. En incarnant son personnage principal, tel un peintre se représentant lui-même parmi  une assemblée de personnages, Hafsia Herzi s’offre en incarnation de Lila au milieu de ses personnages charismatiques, les faisant exister, tout en étant, elle, de tous les plans.
Et puis, il y a Anthony Barjon. Au cinéma, on a rarement lu mieux que dans ses yeux la fulgurance du coup de foudre, la naissance de l’amour.
Et quand Charly dit le poème, c’est d’un romantisme chavirant.
On a la gorge nouée.

Marie-No

 

« Tu mérites un amour décoiffant, qui te pousse à te lever rapidement le matin, et qui éloigne tous ces démons qui ne te laissent pas dormir.

Tu mérites un amour qui te fasse te sentir en sécurité, capable de décrocher la lune lorsqu’il marche à tes côtés, qui pense que tes bras sont parfaits pour sa peau.

Tu mérites un amour qui veuille danser avec toi, qui trouve le paradis chaque fois qu’il regarde dans tes yeux, qui ne s’ennuie jamais de lire tes expressions.

Tu mérites un amour qui t’écoute quand tu chantes, qui te soutiens lorsque tu es ridicule, qui respecte ta liberté, qui t’accompagne dans ton vol, qui n’a pas peur de tomber.

Tu mérites un amour qui balayerait les mensonges et t’apporterait le rêve, le café et la poésie »

Frida Kahlo

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