Tout est plus beau la nuit à « Diamond Island « (3)

Présenté par Françoise Fouillé
Film cambodgien (vo, décembre 2016, 1h43) de Davy Chou avec Sobon Nuon, Cheanick Nov et Madeza Chhem

Selon le réalisateur Davy Chou, le sujet du film réside dans le rapport passionnel et cruel entre la jeunesse et le mythe de la modernité en marche au Cambodge. il explique : « Il y a une sorte de surgissement brutal de la modernité dans un pays qui n’est pas du tout habitué à ça. Le pays est comme précipité dans le futur et la jeunesse qui née pendant une période de privation conséquente à une Histoire excessivement tragique y perd ses repères. Le film s’articule autour du désir, à la fois naïf, violent et sans recul qu’engendre ce surgissement, à tous les niveaux de la société ».

Donc si Davy Chou part bien du réel qu’il a observé longuement sur les vrais jeunes, les vrais chantiers de Diamond Island, travaille ensuite sur la déréalisation et le superficiel, dans sa mise en scène.
C’est un monde complètement faux et artificiel qui se dévoile, sur les chantiers le jour comme dans les fêtes la nuit, D.C. n’ a jamais eu l’intention de faire un reportage sur les conditions de travail de ces ouvriers, même si des éléments ( les immeubles en cours de construction, les baraquements où vivent les jeunes, l’accident de Dy qui fait des heures sup… ) ouvrent sur la réalité.
En fait il veut attirer notre attention sur l’attractivité que ce lieu exerce sur les jeunes, ce miroir aux alouettes, qui les fait attendre la nuit magique malgré la fatigue, tels des papillons attirés par la lumière.
Tout est dans le style, déroutant peut- être mais adapté à son propos.
Si l’on veut revenir sur ces éléments stylistiques ( qui font toute la qualité et l’originalité du film ) on peut évoquer; l’utilisation de plans larges dont certains tournés avec des drones, par exemple pour les ballets des motos.
Les gros plans fixes sur les visages, sur les corps, les gestes très précis, qui s’éternisent ( d’où l’impression de lenteur du film ) et cherchent à capter les émotions, voir tous les plans avec Bora, Bora et Aza, ou le groupe de jeunes.( il ne fait jamais de plan/contre- champ ).
Le choix des couleurs volontairement saturées, qui opposent le jour et la nuit. Le jour, une lumière blanchâtre qui tombe, mais aussi les couleurs vives des vêtements et baraquements. Et surtout la nuit genre  » nuit américaine » où toutes les couleurs sont outrées, par les néons, le fluo des manèges, les portables éclairant les visages, le frisbee, les motos tachetées de blanc et bleu, la neige qui tombe, et même l’insertion d’une vidéo promotionnelle trouvée sur Youtube.
La bande-son participe aussi de ce côté artificiel, avec la musique, les bruits ambiants ( chants d’oiseaux..) les paroles en langue khmer. Là aussi D. Chou a renforcé le côté artificiel en post-synchronisation, en poussant les voix et ambiances. Voir la scène en boîte de nuit où Bora discute avec Solei et par magie le fond sonore s’estompe pour accéder à leur échange.
Outre le style il y a bien sûr les belles histoires d’amour ( entre les frères, avec la mère pour Bora ) entre les filles et les garçons et leur apprentissage du flirt et leur approche du corps ( jolie scène de Bora plein de tendresse et de timidité avec Aza) et aussi les amitiés dans les différents groupes de jeunes.
Ces personnages ont un visage, un corps, un regard dont on se souvient et qui nous touche et c’est là la réussite du jeune réalisateur, qui tout en travaillant la surface , l’aspect poétique, nous achemine vers le drame et le cauchemar.

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