« Place publique » d’Agnès Jaoui

Place publique : AfficheDurée 98 mn

Nationalité : France

Avec Jean-Pierre Bacri (Castro) , Agnès Jaoui (Hélène) , Léa Druker (Nathalie) Hélèna Nogerra … 

Année : 2018

 

SYNOPSIS: Castro, autrefois star du petit écran, est à présent un animateur sur le déclin. Aujourd’hui, son chauffeur, Manu, le conduit à la pendaison de crémaillère de sa productrice et amie de longue date, Nathalie, qui a emménagé dans une belle maison près de Paris. Hélène, sœur de Nathalie et ex-femme de Castro, est elle aussi invitée. Quand ils étaient jeunes, ils partageaient les mêmes idéaux mais le succès a converti Castro au pragmatisme (ou plutôt au cynisme) tandis qu’Hélène est restée fidèle à ses convictions.

Leur fille, Nina, qui a écrit un livre librement inspiré de la vie de ses parents, se joint à eux.

Alors que Castro assiste, impuissant, à la chute inexorable de son audimat, Hélène tente désespérément d’imposer dans son émission une réfugiée afghane. Pendant ce temps, la fête bat son plein…

D’abord, j’ai été déçue.
Mais c’est plus fort que moi, j’aime Agnès Jaoui, j’adore Jean-Pierre Bacri alors j’y regarde de plus près, je cherche le flacon (presque) à moitié plein.

Je vois donc le côté grosse fatigue, très touchant, le fond de tristesse maquillée en aisance joyeuse, les bobos à l’aise, qui s’amusent ou font mine de, leurs travers caricaturés et comme vomis sur la pelouse impeccable de cette très belle maison à 35mn de Paris, à fond dans le vertige des conventions de ce milieu focalisé sur l’audiovisuel, le jeunisme obligé. Tous des pantins suspendus au verdict de l’audimat, du regard des autres voulant plaire, devant plaire. Avec parfois quand même une volonté de voir un peu plus loin, de soutenir des causes, de s’investir dans le social, tiens, d’aider les migrants, à bonnes distances, hygiène oblige. Sur le papier, c’est déjà ça.

En sortant de la projection, je me suis dit qu’ils ne s’étaient pas foulés, ayant espéré retrouver des dialogues à la hauteur du « Goût des autres » … Mais avec le recul … Jaoui-Bacri jettent leurs répliques « drôles » dans la BA, à dessein, pour évacuer la légèreté en avant-scène. Car ce n’est pas leur propos.

Le film est triste, mélancolique et la vacuité des dialogues souligne la superficialité de ce monde, de leur monde où comme partout ailleurs l’argent et la notoriété ne peuvent tout simplement rien contre la vieillesse, où on perd ses cheveux comme les autres (Castro n ‘a pas d’implants mais une moumoute qui nous rappelle les hommes à moumoutes qu’on a rencontrés en vrai  : c’est très visible, moche et toujours émouvant), un monde où on ne peut pas raccourcir les distances, 35mn à vol d’oiseau ≠ par la route (ou bien on « monte » en catégorie et on passe à l’hélico), où les vieux beaux couchent (allez, pas très longtemps) avec des femmes (très) jeunes pour se persuader et surtout persuader les autres qu’ils sont passés poireaux : tête blanche et queue verte, un monde où, déplacés à la campagne, on n’est pas les rois du monde, où il y a toujours un chien qui aboie et des voisins qui sont en horaires décalés, où les enfants devenus grands croisent avec les « adultes » leurs sacrées fêlures que le meilleur maître de Kintsugi ne pourra jamais embellir, où il faut bien finir par faire le deuil de sa jeunesse, accepter le riche rustre russe, prendre des selfies, écouter Mister V. Les feuilles mortes se ramassent à la pelle, les souvenirs et les regrets aussi, fini tout ça, ringard. 0 like.

Tous ces gens vivent sur leur « place publique » qui rétrécit, n’existe déjà quasi plus. Déménagée sur les réseaux sociaux et les codes ont changés. Circulez, y’a trop à voir.

Agnès Jaoui marque un pas. Elle regarde devant et elle a peur, forcément, comme tout le monde.
« Place publique » ne provoque pas le rire Jaoui-Bacri délicieusement amer et on n’était pas venu pour pleurer …
C’est pourtant à pleurer.
Amèrement toujours.
C’est moins délicieux. Mais quand même.

Jabac auto-déclarés ringards dans la lumière sublime d’Yves Angelo.

Bouleversant. Quand même.

Marie-No

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