« Paris la blanche » de Lidia Terki

 

Présenté par Françoise Fouillé
Film français (mars 2017, 1h26) de Lidia Terki avec Tassadit Mandi, Zahir Bouzerar, Karole Rocher, Sébastien Houbani, Dan Herzberg et Marie Denarnaud
Titre original : Toivon tuolla puolen
Distributeur : ARP Sélection
Synopsis : Sans nouvelles de son mari, Rekia, soixante-dix ans, quitte pour la première fois l’Algérie pour ramener Nour au village. Mais l’homme qu’elle finit par retrouver est devenu un étranger.

Ce film fait ouvrir les yeux et regarder en face la misère de ces hommes qui ont passé leur vie, loin de chez eux à travailler ici sur les chantiers, à construire des barres d’immeubles pour loger les autres. Le bilan est déplorable . Ils y ont passé leur vie tout en étant, dans leur tête, au moins les premières années, persuadés du retour prochain et définitif au pays, au bled où « pour l’instant » ils vont presque chaque été construire la famille, concevoir les enfants Qui, l’un après l’autre, naîtront en leur absence. Quelle destin que celui de ces femmes qui auront passé leurs vies à attendre leurs maris, seuls soutiens financiers de la famille, donc interdites d’exigence de changement.

Lidia Terki peint délicatement le portrait de cet homme rendu sans attache, s’interdisant de s’imposer à des enfants dont les semaines, les années ont fini par l’éloigner à jamais. Ses séjours au bled se sont espacés et puis il n’y est plus allé. Il ne connaît pas le dernier de ces enfants, tous en photo épinglés sur son mur. Retraité, il n’a même plus le « refuge » abrutissant du travail et est condamné à passer désormais tout son temps dans ce logement exigu, dans cet environnement dévasté, seul. C’est là chez lui. Nour/Zahir Bouzerar est bouleversant.
On passe par Pigalle et sa vie de quartier où Tara/Karole Rocher, fait figure d’ange. D’elle et des personnages autour d’elle, aux vies difficiles, émane une force vitale, une énergie qui irradie et se propage. Ils sont concernés par cette femme âgée qui s’écroule. Cette solidarité est réconfortante car toute cette misère humaine, ces vies abîmées, saccagées font vraiment « mal aux tripes ».
L’irréparable continue d’être commis.

Ce film m’a beaucoup intéressée. Mais je mets un gros bémol sur le choix de l’actrice principale, Tassadit Mandi. Autant je l’avais trouvée très bien dans « Asphalte » de S.Benchetrit, autant je trouve qu’ici, c’est vraiment une erreur de casting. Pour moi, elle n’est pas du tout le personnage de Rekia. Et je la trouve, pour tout dire, par moments à la limite du cabotinage. Dommage.

Marie-Noel

 

3 réflexions au sujet de « « Paris la blanche » de Lidia Terki »

  1. Je respecte ton avis, mais je le trouve un peu dur, d’abord parce que je trouve Tassadit Mandi sympathique et aussi parce qu’elle avait un rôle difficile, celui de Rekia, un grand personnage.

    J’hasarde qu’on a des difficultés avec Rekia parce que c’est une sainte. Son amour inconditionnel, sa détermination, sa manière de faire comme si de rien n’était, qu’on peut aussi appeler le pardon. Un pardon dans son regard et dans ses gestes pudiques. Qui peut s’identifier à cette femme ? C’est la difficulté de ce genre de personnage, elle est non seulement hors d’atteinte mais personne ne trouve souhaitable d’atteindre ce qu’elle a atteint. Parce que Nour, il abandonne sa famille, tout de même, il ne faut pas oublier ça.

    Mais le comportement de Rekia était nécessaire, parce que Nour son vieux mari, comme des dizaines de milliers d’autres, s’est sacrifié pour que vive cette famille. C’est à dire qu’il est allé travailler, travailler dur. Il a construit des immeubles, où vivent maintenant des familles qui ont une autre histoire. Il les a construit, mais il n’y vit pas. Il vit dans une petite pièce, dans un foyer de banlieue. Cette petite pièce est juste la différence qui le sépare de quelqu’un qui vit dehors et plus petit que ça, ce sera son cercueil.

    Nour est un exilé, exilé de ses racines, exilé parmi les français, exilé à l’intérieur de lui même. Il y a des exilés conquérants, d’autres qui ne demandent qu’à passer inaperçus, sans trop déranger. Nour n’estime pas devoir « rentrer », et sans avoir entendu son fils, il a envisagé ce qu’il pense de lui -Alors, ne rien réveiller, ne rien bouleverser, rester digne, disparaître sans bruit-

    Tassadit Mandi voulait à toute fin ce rôle nous dit Françoise, elle devait avoir conscience qu’elle jouait un des plus beaux rôles de sa vie. Pour que cette ultime rencontre soit possible entre Rekia et Nour, il fallait que Rekia soit certainement ce qu’elle est durant ce film. Cette main tendue en dépit de tout, qu’on peut refuser et qui accepte qu’on la refuse. Une sainte. On ne joue pas une sainte sans risquer de se brûler les ailes, mais pour ce rôle, elle était de mon point de vue, comme on le dit, la femme de la situation.

  2. Je suis d’accord avec ton analyse du personnage de Rekia.
    Et, justement, parce que le rôle est beau et difficile, on ne peut se satisfaire de cette interprétation. Non, vraiment, Tassadit Mandi n’est pas à la hauteur.
    Comme nous l’a dit Francoise, ce n’est pas elle que Lidia Terki avait choisie au départ. L’actrice est tombée malade et Tassadit Mandi s’est alors battue pour avoir le rôle. C’est, selon moi, une erreur de lui avoir confié.
    Plusieurs Crames étaient hier soir du même avis que moi (ce qui me rassure toujours …)

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