Municipale- Thomas Paulot…

Week-End Jeunes Réalisateurs 26 et 27 mars 2022 
7 films, 7 mondes 

MUNICIPALE : Quand la fiction est fracassée par le réel.

Les réalisateurs scénaristes sont trois amis depuis le lycée ; Thomas Paulot, Ferdinand Flame et Milan Alfonsi. Le déclic est venu pour ces trois amis, lors des élections présidentielles . Il s’agit donc d’un travail collectif, dont l’écriture a commencé en 2018 lorsque Thomas Paulot a terminé ses études d’Art dans des écoles en Suisse. Au départ, il voulait tourner un film dans le village de son grand-père ( comme Sylvain Desclous pour  » La campagne de France » tourné à Preuilly -sur-Claise ) localisé dans les Ardennes . Mais le village ne comptant que 60 âmes, l’échantillon était trop restreint c’est là que Revin ( cité ex- industrielle ) 7.000 habitants s’est imposée.

L’idée clé de départ se résume en une phrase, tel un mantra :  » Se servir de la fiction pour générer un documentaire ». A partir de là, ils découvrent une littérature liée au municipalisme, à l’autogestion et à la crise du système représentatif. Concrètement, l’idée du film ( originale ) mais risquée, réside dans l’engagement d’un acteur professionnel ici Laurent Papot ( donc fictionnel et engagé par un contrat de travail comme il le répète à plusieurs reprises ) pour monter une liste composée de vrais citoyens de Revin, à laquelle il se présente comme tête de liste pour être élu maire. Mais il l’affirme, s’il est élu, comme il est acteur et non homme politique il démissionnera pour laisser la place aux citoyens de Revin ( idée de mise en pratique de l’autogestion ).

Pendant presque un an les trois réalisateurs ont sillonné les rues de Revin cherchant à développer des liens avec les habitants et leur expliquant leur projet de film et de politique . Il s’agit d’un projet de cinéma expérimental, qui rapidement est mis à mal par la confrontation au réel.

Le film débute par l’arrivée de l’acteur/ futur maire dans le scénario, Laurent Papot, sous la pluie et le froid, dans ces beaux paysages de forêts ardennaises traversées par les méandres de la Meuse ( mais si , mais si c’est beau ! ). Assez rapidement s’installe un des rares dispositifs du film qui marchera ; le local de campagne, lieu neutre de rencontres entre les Revinois et l’acteur et les techniciens ( la décision a été prise par les réalisateurs de ne jamais montrer le matériel, caméra, perche)

Mais les lignes sont brouillées entre le vrai et le faux, et le spectateur se retrouve inévitablement en proie au doute tout comme les habitants de Revin, quant à la sincérité du candidat, dont le programme électoral réside dans l’unique idée de donner la direction de la ville aux habitants. Le candidat /acteur, Laurent Papot, lui-même est dérouté et le film s’éloigne de plus en plus du scénario d’origine. L’hypothèse de départ est sans cesse bousculée et beaucoup de Revinois ont lâché l’affaire assez vite, la campagne tournant sur les problèmes de représentativité plus que sur les contenus politiques. Un groupe (d’hommes surtout ) croit au projet, comme Karim, ce sont des syndicalistes, militants de gauche, déçus et intéressés par l’idée de réinventer le politique;

L’acteur lui-même doit rectifier le tir, surtout après l’échec de la formation de la liste, il apparaît déçu, fatigué mais a su faire de ses difficultés des idées de mises en scène et de relance du film. Le réel pourtant s’invite de manière à la fois politique et cinématographique, avec la scène tournée dans la fonderie, les paroles de la jeune Jenifer, qui crie son désespoir devant l’inaction du politique ou l’intervention du leader des gilets jaunes.

Le réalisateur explique que dans son film il n’est pas question de vrai ou faux mais de croyance. Croyance à la fiction, au cinéma et à la politique. Ce film a produit beaucoup de fiction mais n’a pas eu d’action sur le réel ( quelques amitiés entre l’équipe du film et des militants tels Karim). Le film est devenu davantage un documentaire sur un comédien en train de jouer..

D’où un très long travail de montage, d’août 2020 à mars 2021, il y avait 200 heures de rush et 900 heures de déruschage ont été nécessaires !

Au final, le projet ayant été conçu par des cinéastes urbains et parisiens, le résultat n’est pas étonnant mais Revinois et cinéastes s’accordent pour reconnaître qu’il faut refonder notre vie démocratique.

Françoise

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