Lindy Lou- Florent Vassault

 

Présenté par Claude Guillaumaud-Pujol et avec le soutien de Amnesty International, du MRAP et de l’ACAT

Film français (vostf, octobre 2018, 1h24) de Florent Vassault

 Il y a plus de 20 ans, Lindy Lou a été appelée pour faire partie d’un jury. Depuis, la culpabilité la ronge. Sa rédemption passera-t-elle par ce voyage qu’elle entame aujourd’hui à travers le Mississippi, dans le but de confronter son expérience à celle des 11 autres jurés avec lesquels elle a condamné un homme à mort.

 

Excellente soirée hier soir,   ce documentaire était rendu intéressant par le débat mené par Claude G-P, Universitaire, militante contre la peine de mort, femme de terrain, qui connaît ce sujet, qui a été visiteuse des couloirs de la mort. Elle indique en fin de film, un élément fort  du débat, à savoir que les jurés ne sont retenus qu’à condition d’être favorables à la peine de mort…

Cette jurée n°2, 20 ans après, alors que le condamné a été exécuté, rencontre un à un les anciens membres du jury. Certains se défilent,  un d’entre eux ne se souvient plus bien, un autre manifeste des défenses obsessionnelles,  les autres se souviennent, en discutent avec courtoisie, et un quart des membres manifeste des regrets.  L’objectif du film est réussi, dans la mesure où il démontre que  cette expérience laisse des traces définitives. On peut en effet classer parmi les sujets souffrants, outre ceux qui ont des remords,  l’obsessionnel et « l’amnésique ». Ce qui pour ce jury, porte à 50% le nombre de jurés qui souffrent d’avoir condamné un homme à mort.

Et donc, que cette population composant le jury est amenée, sans avoir pu en mesurer les conséquences personnelles, à prendre une décision fatale et risquer de souffrir le reste de sa vie de cette décision.

Le film, nous montre aussi que ces jurés sont des gens bien intégrés dans la société, qu’ils l’aiment, et la plupart vivent dans de spacieuses demeures, ont de belles  (et grosses) voitures, ils pratiquent le tir, disposent de pistolets dans leur voiture etc. Ils sont le plus souvent bons chrétiens. Donc ici,  un jury blanc,  aux membres assez opulents (et corpulents), représentants de la couche moyenne supérieure de la société.

Il y a aussi une histoire dans l’histoire, le lien personnel de cette jurée n°2 avec le condamné dans les couloirs de la mort. Cette histoire n’est pas très claire, et colore d’une manière particulière tout le film. Nous laisserons de côté ce point qui à lui seul vaudrait un bon paragraphe.

Ce que j’en pense : Je fais mienne l’observation de  Didier Fassin(1), Punir est une passion contemporaine. Et là je vais le citer : aux USA, il y a  2,3 millions de prisonniers et si l’on additionne les libertés surveillées, et les aménagements de peine on obtient  7 millions de personnes.  Je retiens aussi la question de l’automaticité de l’aggravation des peines exposée par la conférencière. Le trait d’union  principal des détenus, le blanc y est minoritaire, ils sont très majoritairement pauvres.

Ce phénomène absurde se diffuse au reste du monde. La fonction d’enfermement, de punition et de surveillance est en expansion continue, presque partout.

Les exécutions capitales sont l’écume de la vague de ce système qui apparait fou,   mis en place par des pouvoirs malades  de sociétés malades.

Pour légitimer sa pratique de la peine de mort, les institutions américaines ont besoin de jury populaire. Et donc le film nous dit : « lorsqu’un jury populaire rend une sentence de mort, ça bouleverse douloureusement  la vie des jurés qui l’ont prononcé ».  Nul doute, si cette observation fait son chemin,  que les autorités qui verront ce film auront deux options :  soit mettre des psychologues à disposition du jury avant et après, soit  modifier les conditions de sélection des jurés. (on peut aussi mixer ces deux options). .

Montrer que les membres du Jury sont affectés par leur décision, qu’ils en deviennent eux aussi victimes, a son mérite . Néanmoins, j’aurai  été plus intéressé  de voir comment fonctionne ces jurys.  On se souvient du film « 12 hommes en colère »,  qui montre que cette colère n’est pas toujours mauvaise conseillère, un  jury en effervescence.  Ce qu’on ne nous montre guère, ce sont  les codes explicites et implicites de fonctionnement du système, les contraintes qu’il impose, ses injonctions etc.   Un système dont on peut suspecter qu’il a surtout besoin de  légitimer sa violence (violence d’Etat)  derrière cet apparat de démocratie que représente un jury populaire. Un jury populaire qui pense avoir un libre arbitre mais qui en réalité se découvre très  contraint. (Otage me vient à l’esprit).

Georges

 

(1) Didier Fassin : Punir, une passion contemporaine (Seuil, janvier 2017) 

 

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