Le journal de Dominique (5), In memoriam Michael Lonsdale

Juliette Gréco est morte.
Deux jours plus tôt, Michael Lonsdale tirait sa révérence dans la plus grande discrétion, il me semble en avoir entendu l’annonce après celle, divulguée avec fracas, de Juliette quand il est mort le premier, par une phrase lancée aux infos de 23 heures sur France Inter et puis plus rien. Seule, me semble-t-il, la chaîne France 5, en la personne de Dominique Besnehard, lui rendra hommage en remplaçant, dans son émission Place au cinéma, la projection de Chantons sous la pluie par Des hommes et des dieux, c’est quoi ça, des hommes et des dieux, pourquoi il n’y a pas Chantons sous la pluie, je fulmine jusqu’à ce que me revienne le titre du film de Xavier Beauvois dans lequel joue Michael Lonsdale, alors d’accord, c’est bien.

Et Arte diffusera India song de Marguerite Duras, le jeudi suivant à 23h 40. Souvenir lointain du film où j’avais entraîné Claudine, et de celle-ci commentant, après la séance : « Je m’endormais pendant un quart d’heure et quand je rouvrais les yeux, il y avait toujours la même image… ». C’est sûr que les plans sont longs, il y en a un qui dure six minutes, caméra fixe braquée sur les personnages figés comme dans un tableau, d’ailleurs c’est un tableau, artistiquement composé, Delphine Seyrig allongée alanguie sur un canapé, quatre hommes assis debout autour d’elle, rien ne se passe à l’image, tout est dans les voix off, ce film, c’est de la littérature. Et si rien ne bouge ou si peu ou si lentement, n’est-ce pas parce qu’il fait si chaud « Cette chaleur ! Le seul remède, l’immobilité, la lenteur, ralentir le sang » dit une voix qualifiée au générique de fin d’ »intemporelle », on ne sait pas qui parle. Usage d’un grand miroir pour agrandir l’espace et dédoubler les personnages, lesquels ne sont que des reflets, « J’ai tiré sur moi à Lahore sans en mourir » dit Michel pas encore Michael en 1975 Lonsdale, interprète du vice-consul de Lahore qui a été rapatrié à Calcutta où il se retrouve en présence de son grand amour, Anne-Marie Stretter, née Anna Maria Guardi d’une mère vénitienne, et s’éclaire pour moi le mystère du titre d’un autre film de Marguerite Duras Son nom de Venise dans Calcutta désert que je n’ai pas vu et que j’aimerais bien voir, maintenant que j’ai revu India Song

Et bientôt sur le blog des Cramés je lirai ceci : « Pour les scènes du couple Tabard, François Truffaut avait demandé à Michael Lonsdale la permission de tourner dans son grand appartement pour sa belle lumière et la vue sur la tour Eiffel. On imagine Michael Lonsdale, alors, profondément heureux : il tournait avec Delphine Seyrig. Il s’appelait Georges Tabard, elle était Fabienne Tabard, et elle était là, chez lui, avec lui. On sait [eh bien non, je ne savais pas] qu’elle fut la seule femme de sa vie : “J’ai vécu un grand chagrin d’amour et ma vie s’en est trouvée très affectée. La personne que j’ai aimée n’était pas libre… je n’ai jamais pu aimer quelqu’un d’autre. C’était elle ou rien et voilà pourquoi, à 85 ans, je suis toujours célibataire ! Elle s’appelait Delphine Seyrig.” Le dictionnaire de ma vie, 2016. Aussi, quand le vice-consul de Lahore crie Anna Maria Guardi par les rue de Calcutta, je découvre avec émotion que par sa voix Michael Lonsdale hurlait son propre désespoir.

Mercredi 23 septembre 2020

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