Elle s’appelait Maria Schneider

Au cours de sa conférence sur Bernardo Bertolucci, Jean-Claude Mirabella nous a indiqué la couleur du Dernier tango à Paris : orange. Parce que tous les films de Bertolucci ont une couleur et s’inspirent d’un peintre : ici, c’était Francis Bacon. Mais pour l’actrice principale, Maria Schneider, je crains que la couleur n’ait plutôt été le noir. La scène du viol par sodomie qui lui a été infligée n’était pas prévue au scénario. Nous l’avons brièvement évoquée le jour de la conférence mais les avis étaient divergents sur la présence ou non de cette scène au scénario. Dans une vidéo datant de 2013, Bertolucci a admis avoir piégé Maria Schneider : «J’ai été horrible avec Maria, je voulais sa réaction en tant que fille et non en tant qu’actrice, je voulais qu’elle se sente humiliée…» Il dit en avoir eu l’idée le matin, au petit-déjeuner avec Marlon Brando en beurrant des tartines. Brando devait garder le silence et surprendre Maria. La scène était simulée, nous sommes tout de même au cinéma mais les dégâts qu’elle a causés dans la vie de cette jeune actrice de 19 ans, mineure à l’époque, en rupture familiale depuis ses quinze ans, furent irréparables. Elle ne savait pas qu’elle aurait pu, à l’aide d’un avocat, faire couper cette scène non écrite au montage.

Si ce sujet vous intéresse, je vous encourage à lire le très beau récit écrit par sa cousine Vanessa Schneider journaliste au journal Le Monde. Quand Maria avait quitté sa mère, elle était allée vivre chez son oncle maternel, elle y est restée un an avant de devoir partir  de nouveau : un bébé allait naître, Vanessa Schneider. Elle reviendra, souvent, de manière imprévisible, dans des états épouvantables ou joyeuse, trop joyeuse…

Laurence

Tu t’appelais Maria Schneider Vanessa Schneider   Grasset

Une réflexion sur « Elle s’appelait Maria Schneider »

  1. Merci, Laurence, pour ton article.
    Quand j’ai vu Le dernier tango à sa sortie, en 1972, j’avais 18 ans et j’étais très romantique.
    Le film m’a beaucoup choquée. J’ai fait un vrai blocage …
    Sans parler de la scène du beurre, sans explication, j’ai juste dit à mon ami, qui n’avait pas encore vu le film, que je ne l’avais pas du tout aimé. « Tu n’as rien compris, tout simplement ! Je préfère croire C. (une amie de ses parents) Elle a trouvé le film magnifique » qu’il me dit, le gars !
    C’est drôle comme cette scène dans ce café parisien me revient intacte … Je pourrais la reproduire, image par image + les scènes annexes. C’est drôle comme les films, tout comme les chansons, s’insèrent et marquent précisément notre vie.
    Dans ce temps-là, il ne fallait s’offusquer de rien. Ce n’était pas moderne.
    Maria Schneider incarnait une jeune femme moderne bien lookée par Gitt Magrini, costumière à la filmographie impressionnante (et qui joue sa mère).
    Si un des premiers choix de Bertolucci (dans l’ordre J.L. Trintignant, J.P. Belmondo, A. Delon) avait accepté le rôle, « la » scène n’aurait sans doute pas existé. La jeune actrice n’était pas prévenue, que Bertolucci s’était mis d’accord sur cette question du beurre avec Marlon Brando au petit déjeuner en beurrant leurs tartines ». Sa fragilité, son innocence ont été abusées , ses ailes, rognées.
    La vie de Maria Schneider, sans cette scène, n’aurait pas été la même. Sans doute.
    Jusqu’où peut-on aller pour obtenir la scène désirée ? Où sont les limites à ne pas dépasser ? En 1972, il était possible d’aller trop loin. Après MeToo est-ce devenu impossible ? Pas sûr.
    Je serais curieuse de (re)voir ce film où, d’ailleurs, c’est la jeune femme qui s’en sort.
    Décidément, le cinéma c’est la vie en mieux !

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