« Djam » de Tony Gatlif

Film français (août 2017, 1h37) de Tony Gatlif avec Daphne Patakia, Simon Abkarian et Maryne Cayon

Du 12 au 17 octobre 2017
Soirée débat mardi 17 à 20h30
Présenté ar Françoise Fouillé

 

Synopsis : Djam, une jeune femme grecque, est envoyée à Istanbul par son oncle Kakourgos, un ancien marin passionné de Rébétiko, pour trouver la pièce rare qui réparera leur bateau. Elle y rencontre Avril, une française de dix-neuf ans, seule et sans argent, venue en Turquie pour être bénévole auprès des réfugiés. Djam, généreuse, insolente, imprévisible et libre la prend alors sous son aile sur le chemin vers Mytilène. Un voyage fait de rencontres, de musique, de partage et d’espoir.

 

Djam/Daphné Patakia chante et danse comme personne, elle éblouit et charme jusqu’à l’envoûtement, sourit et rit. Dans ses yeux se lit, pourtant, toujours, la gravité de la vie. Djam réagit à tout, intervient toujours. Elle avance, consciente de la précarité des situations, consciente de la fragilité des êtres. Elle sait déjà que la vie ne tient qu’à un fil. C’est à la gravité dans leur regard qu’on reconnaît les exilés. Quel que soit leur âge, leurs yeux ne rient plus complètement.
C’est un trait commun à tous les personnages de ce très beau film. Dans la tourmente, des larmes plein les yeux, rester debout, ne pas baisser la tête, ne pas courber l’echine, rester bien droit, les yeux ouverts sur le malheur et garder l’espoir, faire de la musique, chanter : c’est la consigne que donne Kakourgos à tous.
Rester digne.
Tony Galif nous donne à voir le monde actuel : plus méconnaissable de jour en jour, foutraque, injuste, mouvant, irréel. Cruel. Dans un des rebetiko, les paroles disent «mon père, je n’en veux pas de ce monde que tu me donnes ». On ne choisit pas son époque.
J’ai vu ce film deux fois et à chaque fois j’ai la gorge serrée et je pleure aux mêmes scènes.
Par exemple, celle où Pano dans le bar est venu dire adieu à son pays avant de s’exiler. On le voit près de l’entrée, de dos, assis à une table devant son verre d’ Ouzo, regardant devant lui, ceux qui restent, écoutant les chants qui, maintenant lui entament le cœur. Il se lève, enlève sa veste. Mais la remet. Et il part dans les ruelles dont la beauté nous apparaît. Dans son exil, il portera chaque jour son lourd fardeau, attendant de pouvoir un jour le reposer à l’endroit précis où il l’avait chargé. On souhaite qu’en Norvège, la vie, les hommes lui permettent d’en oublier, parfois, un peu, le poids.
Celle aussi où Simon Akarian/ Kakourgos, dans son bar bientôt englouti par la banque, se lève, étend les bras comme deux grandes ailes et commence à danser. Il est d’une grâce saisissante, ce grand escogriffe à la démarche raide si reconnaissable, qui soudain se plie et se déplie, souple et aérien.
Les dernières images nous montre la « famille » regroupée sur le bateau réparé et voguant sur les flots. Kakourgos laisse le gouvernail à son ami qui lui demande si le Nord est bien le cap à garder. Il aquiesce, indifférent. Peu importe, on ne les attend nulle part. Il rejoint les autres, la musique, le rebetiko.
Les photos encadrées.
La mer est filmée d’abord au bas de la coque puis le plan s’élargit.
On est dans ce vaisseau fantôme, condamné à errer, pour longtemps.

Marie-Noël

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