« Baccalauréat » de Cristian Mungiu (3)

Prix de la mise en scène au Festival de Cannes 2016

Présenté par Georges Joniaux
Film roumain (décembre 2016, 2h08) de Cristian Mungiu avec Adrian Titieni, Maria Drăguș et Lia Bugnar

Jusque là, il a tenu bon, Roméo. Il est resté fidèle aux règles morales qu’ils s’étaient fixées lui et son épouse Magda quand ils sont revenus en Roumanie après Ceausescu, avec, alors, la volonté, la certitude de reconstruire, de faire coller la réalité avec ce qu’ils avaient espéré. Mais le terrain était resté miné et il fallait juste apprendre les nouveaux codes . Faire avec . Fonctionner quand même tout en restant intègres par fidélité à une éthique devenue dérisoire, décidés à ne pas marcher dans les combines.
Roméo est médecin, il travaille dans un hôpital. Il est intéressé par ce qu’il fait, rencontre les patients, fait aussi des rencontres. Il a équilibré sa vie, tant bien que mal.
Magda, elle, est bibliothécaire. Il y a bibliothécaire et bibliothécaire. Pour elle c’est la version isolée avec des vieux livres dans le sens livres usagés, tous plus moches les uns que les autres, rangés sur des étagères minables dans un local minable, en sous-sol, avec éclairage artificiel, sans ouverture sur l’extérieur. Sans combines alors sans espoir de trouver mieux. De quoi devenir neurasthénique et c’est bien ce que Magda semble être devenue au fil des jours et des années.
Son Roméo va voir ailleurs. Pas sûr que ça lui fasse du mal. Ses rêves se sont envolés.
Leur amour s’est délité.
Reste leur fille, Eliza.
Eliza qui a sur le dos toutes les frustrations de ses parents, prise en sandwich entre leurs deux adorations. Elle doit et va réussir tout ce qu’ils ont raté. A commencer par partir de ce pays pourri. Elle est depuis l’enfance « condamnée » par eux, à vivre, après le baccalauréat, ailleurs et sans eux. Elle est comme téléguidée. Quand il y a LE bug, elle déraille et son père mettra alors tout en oeuvre pour la remettre sur les rails. Il fera fi de tous ses principes, prêt à tout, prêt à rentrer dans toutes les combines (sauf les enveloppes), rendre des « services » . On le comprend 5/5.
Eliza devra savoir et rentrer dans la combine pour qu’elle fonctionne. Son regard sur son père changera alors définitivement et un grand doute l’envahira : « Il y en a eu d’autres des combines comme ça ? Mes résultats brillants c’était mes résultats ou le résultat des combines de mon père ? Je suis qui, en fait ? » De quoi flipper à vie …
Mais Eliza est grande, elle a déjà vécu des situations violentes, perturbantes . Et elle est roumaine.
Lors de la dernière scène, elle raconte à son père qu’elle a pleuré à dessein, pour que l’examinateur lui laisse plus de temps, à cause de son bras cassé . Et elle lui dit  » je me suis bien débrouillée, hein ? » pour lui signifier qu’elle a compris comment ça marche.
Eliza croit qu’elle a tiré les ficelles.

Très beau film qui ne laisse pas entrevoir de changement à court terme en Roumanie …

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