Petit Paysan de Hubert Charuel

Nominé au Festival d’Angoulême et de Cannes
Du 28 septembre au 3 octobre 2017
Soirée débat mardi 3 à 20h30
Film français (août 2017, 1h30) de Hubert Charuel avec Swann Arlaud, Sara Giraudeau, Bouli Lanners et Isabelle Candelier 
Distributeur : Pyramide Distribution

Présenté par Laurence Guyon

Synopsis : Pierre, la trentaine, est éleveur de vaches laitières. Sa vie s’organise autour de sa ferme, sa sœur vétérinaire et ses parents dont il a repris l’exploitation. Alors que les premiers cas d’une épidémie se déclarent en France, Pierre découvre que l’une de ses bêtes est infectée. Il ne peut se résoudre à perdre ses vaches. Il n’a rien d’autre et ira jusqu’au bout pour les sauver 

« Petit paysan » était un film attendu, on a refusé du monde dans la salle. Un film que des paysans éleveurs, sont venus voir, et l’émotion de l’un d’eux, lors du débat, bouleversante pour nous aussi, indiquait à quel point ce film était une sorte de nécessité. Dans cette salle comble, des paysans donc, mais pas qu’eux, car cette histoire nous concerne tous, d’autant que son sujet est d’actualité.

Pour un premier film, c’est un coup de maître, s’il y a un public nombreux pour les films qui nous parle des éleveurs, on se rappelle de « Béliers » en début 2016, « petit paysan » est d’une autre nature parce qu’il choisit de montrer la relation de l’éleveur à ses vaches. Une relation dans un jeu complexe, qui concerne un éleveur, ses bêtes, l’institution sanitaire, et la circonstance d’une épidémie.

Au préalable, il faut remarquer ce que le film élude dans son scénario, c’est-à-dire les causes de la maladie des vaches. En d’autres termes, le film reprend un scénario réel et dramatique de la crise de la vache folle en modifiant les symptômes. « La vache folle », est un terme qui évite d’en penser l’horreur, un maquillage. De même que dans le « café gourmand » de nos restaurants préférés, ce n’est pas le café qui est gourmand, mais le client, ici ce n’est pas la vache qui est folle ce sont les pratiques industrielles donc l’homme (du moins certains). Ajoutons qu’on observe que les grandes épizooties, si elles ne prennent pas toujours leur source dans la production industrielle animale sont fortement amplifiées par elle. Ajoutons qu’il faut bien  distinguer la production industrielle  de l’élevage, nous dirons en quoi.

Ce que montre « petit paysan », remarquablement interprété par Swann Arlaud, Sara Girodeau et l’ensemble du casting, c’est à la fois l’histoire d’un malheur et de son engrenage sous une forme thriller, et en même temps une histoire d’une souffrance affective. H.Charuel  filme l’attachement de l’éleveur (Pierre) à ses vaches, les rapports qui les unissent, (les vaches portent un nom, il leur parle, les caresse, leur manifeste de l’attention, de la tendresse et de la reconnaissance, il leur donne tout son temps, elles ne sont pas le numéro qu’on leur place sur l’oreille, le numéro c’est utile pour le boucher). Cet attachement est connu dans la réalité, il est parfaitement décrit par   Jocelyne Porcher*, une agronome qui fut d’abord éleveuse. Cet attachement n’est donc pas seulement celui du paysan à son gagne-pain, il est le sens même de sa vie.

Tout d’abord Pierre a un pressentiment, une intuition , en observant Griotte,un peu comme une mère avec son enfant. Griotte n’est pas encore malade, mais Pierre sent qu’il se passe quelque chose, il est inquiet. La théorie du care conviendrait bien pour décrire cela.  Autrement dit, la manière de prendre soin des bêtes, d’être en empathie avec elles, ressemble à ce que font les bons parents avec leurs enfants et les bons soignants parfois avec les malades, (quand la division des tâches et la charge le favorisent). Jocelyne Porcher dit que c’est la théorie du don (donner-recevoir-rendre) qui rend le mieux compte du rapport entre l’éleveur et les animaux. Elle nous dit que l’éleveur offre à ses bêtes une vie bonne, ou elles peuvent ne pas être aux aguets et tranquillement brouter, gambader, voir le soleil, respirer le bon air, vivre paisiblement ensemble, être soignée, assistée etc. elle ajoute : « La mort des animaux est acceptable par nous si les animaux ont une chance de vivre leur vie et si cette vie a été bonne autant qu’elle peut l’être, et en tout cas meilleure qu’elle l’aurait été en dehors de l’élevage, meilleure qu’elle ne l’aurait été sans nous, plus paisible, plus intéressante, plus riche de sens et de relation. »

En somme, c’est le traumatisme de la rupture violente et obligée de ce contrat tacite entre l’éleveur et ses bêtes dont il est question dans ce film. Il y est aussi question d’amour, on ne peut pas élever des bêtes sans les aimer. Deux scènes le soulignent : Pierre présente un symptôme psychosomatique comme on dit, c’est à dire qu’il a comme ses vaches des lésions sur le dos. Pierre traduit avec ou dans son corps, sa souffrance et celle de ses bêtes. Ensuite, Pierre essaie de soustraire un veau à l’abattage obligatoire vient nous rappeler son lien affectif sincère.

Ce film nous montre aussi autre chose que l’on doit aux paysans. La vache que regarde Pierre dans un champ à la fin du film est dans un paysage. Ce paysage nous l’aimons, que deviendrait-il sans eux et leurs troupeaux ? Chiche ?

Certains s’y essaient. Aujourd’hui une ferme-usine de 1000 vaches ici, demain 4000 là-bas. Des lieux clos où l’animal nait, vit jusqu’à l’abattage. Il faut être bien indigne, faire des efforts de déni  monstrueux pour réduire l’animal à ce qu’il produit, du lait, de la viande, du cuir. Il faut mépriser toutes les recherches actuelles sur l’intelligence et la sensibilité animale. Il faut aussi considérer que le travail humain est réductible à une série de tâches, qu’il n’y a pas dans ces conditions de souffrance au travail et donc de maltraitance animale ou pire encore mépriser ces inconvénients. Bref, pour envisager cet « avenir radieux », il faut être un prédateur.

« Petit paysan » vient donc aussi nous rappeler que ce qui fait la vie, ce que nous aimons, demain peut-être détruit par la religion du profit… Et si les petits paysans sont les premiers dépossédés de leur culture, de leur travail, de l’environnement qu’ils ont façonné, du sens de leur vie, nous le serons aussi.

 

*Jocelyne Porcher Vivre avec les animaux La découverte 2014

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’amant d’un Jour de Philippe Garrel (2)

Ariane, ce lumineux « objet » du désir. 

Commençons par Gilles, brillant professeur de philosophie qui enseigne à l’université, il se distingue par une mise un peu austère, dépourvue de fantaisie, sauf peut-être lorsque dans sa chambre, il porte un pyjama vintage qui, Ariane ne dira pas le contraire, serait assez sexy. Son appartement désuet, pauvre, surchargé contraste avec son statut. Sa conversation, rigoureusement sobre ne valorise pas sa culture. Il partage avec Philippe Garrel cette aversion de l’esprit bourgeois. (Ces gens qui arrosent sans vergogne, tout à la fois, leurs géraniums et les passants).

Depuis peu, il a fait la connaissance d’Ariane. Ariane, dans la mythologie, c’est le fil mais c’est aussi l’abandonnée. Pour l’heure, c’est une belle jeune femme de 23 ans, au visage grêlé de taches de rousseur, aussi libre que l’air. C’est une séductrice, c’est elle qui l’a dragué à la faculté…Un peu plus que ça d’ailleurs, puisqu’ils ont passionnément, si l’on en croit les soupirs et râles d’Ariane, fait l’amour debouts dans les W.C réservés au personnel. Ce n’est pas d’un romantisme fou mais ça crée des liens. Ils vont décider de vivre ensemble.

Impromptue, arrive Jeanne chez son père. Elle rentre chez papa Gilles car son fiancé l’a quittée. Elle pleure et ses râles rappellent un peu ceux d’Ariane. Jouissance et douleur que deux plans rapprochent.

Lorsque Jeanne rencontre Ariane pour la première fois, au petit matin, dans la cuisine, elle lui dit : « tu es moins belle que ma mère » puis elle s’excuse. L’une et l’autre ont le même âge, elles vont devenir amies. C’est une amitié où l’une est rivale à son  insu comme à l’insu de l’autre. Bref, Ariane est entière, Jeanne est ambivalente.

Ariane est joyeuse, Jeanne est triste. Ariane aime, cependant, elle ne se pose pas de questions sur l’amour et de la durée de sa grâce, elle aime ; de même elle n’assortit pas son désir sexuel du besoin d’aimer ou d’être aimée. Quant à Jeanne abandonnée et absolue, elle veut un homme et un seul pour la vie, pas n’importe lequel Matéo, celui qu’elle a perdu.

Tout est en place, il n’y plus qu’à laisser les choses aller… et les choses vont. Gilles produit une théorie soixanthuitarde sur la liberté sexuelle et la pérennité de l’amour. Ariane comprend alors qu’elle ne pourra pas rester avec lui. (Je me rends compte que pour ce film, il aurait fallu noter la voix off). Elle se lance dans les rencontres, les flirts et les amours d’un jour. Et alors ce sont les gémissements, les râles d’Ariane sans Gilles. Là encore des plans qui se répondent (aux deux sens du terme). Mais alors quel est le plan de Gilles ? Réussir à échouer. Parce que ce qui le marque, c’est l’abandon,  quelque chose comme passer de 1 à 2 puis de 2 à 1 avec toute la souffrance qui va avec, jouissance et douleur. Mais pourquoi peut-on s’autoriser à dire cela ? C’est un peu sauvage non ? Pour deux raisons, la première est l’écart d’âge entre ces deux-là 23/50. La seconde, lorsqu’on a vu la trilogie, on observe qu’elle est entièrement traversée par cette question de l’abandon. Le sentiment d’abandon ce sentiment qui consiste parfois à anticiper, à voir dans autrui le lâcheur potentiel, celui qui va vous laisser seul… Et à tout faire pour rendre la situation conforme à la prédiction.

Mais revenons à Jeanne toute à son chagrin dans sa pureté amoureuse quoi qu’entachée de calculs. Par rivalité, elle met en place une stratégie d’élimination d’Ariane et en même temps de reconquête de Matéo. En fait, on découvre que Matéo ne l’a pas quittée, tout simplement, il n’a pas de projet avec elle, il ne se sent pas mur. D’où Jeanne déduit « il va me quitter, » donc « il m’a quittée »– Là encore abandon par anticipation — Avec un peu de manipulations d’Ariane, (photo d’une revue porno, faux appels téléphoniques, faux suicide, entremise) elle va obtenir de faire entrer Matéo et papa dans le droit fil de ses projets. Jeanne a aussi des désirs moins clairs, ellle aurait par exemple aimé faire des choses un peu moins sérieuses avec un jeune Don Juan de ses amis. (La voix off nous dit qu’elle décide de faire l’amour par procuration). Et c’est Ariane qui va s’y coller, si l’on peut dire.

Comme dans une sonate, réexposition du thème de la jouissance, Ariane et Don Juan, devant les WC. Je ne sais pas pourquoi les WC, mais chacun est libre. Gilles la voit. Ce sera la rupture pour Gilles qui se rend compte qu’il ne pourra pas vieillir avec Ariane… mais pourra compter sur sa fille et Matéo pour le consoler.

Alors Ariane abandonnée ? Ariane un nom, un destin et ce n’est pas forcément triste…Ariane, ce lumineux « objet » du désir, lire Marie-No.

Un vent de Liberté Benham Bezhadi,

Vu à  Fontainebleau : Voici un film rare, ne serai-ce que par sa durée, 1heure23. Aller voir ce film, c’est tout de suite se sentir dans l’atmosphère familière des Cramés de la Bobine, son cinéma du monde, la place faite au cinéma iranien qui est souvent un cinéma remarquable. Ce qui manque hélas, c’est le public des cramés. Peut être en avez-vous lu la présentation, peut-être avez vous lu dans Télérama un article de Frédéric Strauss qui commence ainsi :

 « Sous une cloche d’air pollué, Téhéran s’affaire, comme n’importe quelle métropole. La belle Niloofar, 35 ans, y vit heureuse, en femme urbaine d’aujourd’hui. Elle veille sur sa vieille mère, organise le travail des ouvrières de son atelier de couture, passe chez le garagiste pour faire réparer sa voiture et trouve le temps de flirter avec un homme charmant. Mais quand les médecins ordonnent à sa maman d’aller respirer le bon air de la campagne, tout change pour Niloofar. Son frère et sa soeur décident qu’elle partira, elle aussi ; son atelier sera vendu. Et elle n’a rien à dire ». 

La toile de fond du film c’est Téhéran, elle nous apparaît  voilée dans sa pollution, n’importe quel coup de vent serait un vent de liberté, ne serait-ce que celle des voies aériennes de ses habitants. Et ce voile-là, qui recouvre les grandes villes du monde, n’est pas islamique. Il sacrifie à un autre dieu sur un autre hôtel. Voici le temps du grand embouteillage de Comencini, à dimension planétaire. Partout, pour se transporter dans les grandes villes, tout est organisé d’une manière « rationnelle », pour que chacun se déplace muni d’une tonne et quelque de ferraille autour de lui et roule, dans le meilleur des cas, à la vitesse moyenne d’une bicyclette de facteur. Il y a eu le siècle des lumières qui fut celui des idées, comment appellera-t-on le nôtre ? C’est un mérite du cinéma et de ce film de ne pas craindre de montrer quelques secondes ce genre d’interrogation en toile de fond.

On ajoutera dans  «un  vent de liberté », l’omniprésence du téléphone portable. Finis les héros fumeurs, la fumée est partout désormais, alors voici venir celui des téléphoneurs, le temps de ceux qui sont sans cesse sonnés ou en attendent de l’être… Le temps des portables. Voici pour le décor, l’air du temps pourrait-on dire.

Demeure le film, à Prades, Jean Pierre Améris remarquait le rôle dévolu à certaines personnes dans les familles, celle qu’on peut railler et qui ne dit jamais rien, celle que l’on charge de tout et qui se sacrifie sans faire d’histoire. Bref,  le rôle et l’usage des bonnes pâtes .

Ajoutons aussi que partout dans le monde, des filles, souvent plus très jeunes, « se sacrifient » pour leur mères vieillissantes, c’est un fait sociologique documenté.

Alors, Benham Bezhadi,  nous montre un sujet universel. Et c’est à Niloofar, le rôle principal, interprété par la remarquable Sahar Dolatshahi, à qui était dévolu le rôle de sacrifiée d’office. Mais, elle a de la trempe et du panache. Alors, comment va souffler le vent de liberté ? C’est le sujet même du film. J’ajouterai que le rôle de Niloofar dépasse le sujet en nous faisant entrevoir  ce vent de liberté, qui souffle ici comme ailleurs, sur la société iranienne. Ce film aux contenus parfois dramatiques a quelque chose de résolument  optimiste et réjouissant. Au total, les bons films de juillet et d’août existent, j’en ai rencontré.

Lola Pater de Nadir Moknèche

Synopsis :  Fils d’immigrés algériens, Zino a grandi persuadé que Farid, son père, les a abandonnés, sa mère et lui. A la mort de cette dernière, il apprend par le notaire que Farid n’est pas retourné en Algérie, mais qu’il réside encore en France, quelque part en Camargue. En plus, contrairement à ce qu’il croyait, ses parents n’auraient jamais divorcé. Décidé à en savoir plus, Zino part en moto sur les traces de son père dans le Sud de la France. A l’adresse de celui-ci, il rencontre Lola, professeure de danse orientale. Cette dernière finit par lui avouer qu’elle est Farid. Zino a du mal à l’accepter.

Vu à Fontainebleau :  Ce drôle de film  Lola Pater qui doit déranger, qu’on prend avec des pincettes et qui suscite parfois des polémiques, par exemple, je tombe sur celle du « Causeur» . Il reproche à «Libération» de préférer pour ce rôle un « LGBT*  à une comédienne douée ».

Du coup, j’ai lu l’article de Jeremy Piette dans «Libération», il mérite mieux que ça, je vous le recommande. «Le Causeur» en a coupé beaucoup (sans mauvais jeu de mot).

Alors filons au «Monde» et lisons Thomas Sotinel : « Pour Fanny Ardant, la question se pose autrement. Son visage, son corps sont intimement liés à une série de portraits de femmes…nos souvenirs de cinéma lui ont construit une biographie imaginaire dans laquelle le passé masculin de Lola peine à trouver une place. Mais l’imagination (ou le manque de) est un trait individuel, et cette incapacité à croire à l’histoire de Lola n’affectera pas tous les spectateurs ».

Avec la question du sexe des transsexuels, nous avons la question du sexe des anges que nous pouvons ! Et c’est curieux de voir comment le cinéma s’est emparé du sujet, plus de 70 films lui sont consacrés, et tenez-vous bien, il y en a un qui date de 1954, mais attention, jusque dans les années 80, il s’agit souvent de travestis et non de transsexuels, ou alors de transsexuels à leur corps défendant, bourrés d’œstrogènes, ou opérés « à l’insu de leur plein gré », et le genre de ces films est souvent comédie ou film d’horreur. Or, la consécration, le sérieux, c’est le drame. Et pour ça, « les trente glorieuses » du film sur les transsexuels, ce sont les années 1990 à 2010, leur production/distribution en belle courbe de gauss …16-32-16… en atteste.

Et Lola Pater là-dedans, dans cette production, doit certainement être honorable. Regardons cette Lola, si Fanny Ardant ajoute à l’ambiguïté pour les raisons que donne Thomas Sotinel, son personnage en rajoute par construction. Il y a du sel, d’abord Lola est algérienne, artiste, elle vit avec une femme qui l’aime. Ensuite, elle est père d’un enfant dont elle a été tôt séparée, au moment où elle a choisi de devenir femme.  Elle est amenée à le revoir alors qu’il est devenu un beau grand jeune homme. Lola a cette souffrance des exilés, elle l’est à différents titres.  Fanny Ardant, subtile, sait nous faire sentir ça. Mais tout se passe  comme si la souffrance de cet être n’était que sociale, comme si la dimension psychique du transsexualisme ne tenait au fond qu’au regard des autres… et Lola, ce père qui renvoie le regard de son fils,  avec les doux yeux d’une mère fatiguée qui retrouve sa progéniture, ne nous cache-t-elle pas le regard qu’elle porte sur elle-même, sur cette souffrance essentielle, en son for intérieur (qui ne s’explique pas seulement par les autres, ici et maintenant).

Et je me demande si les« trente glorieuses » en question n’ajoutent au déni de la souffrance psychique avec cette manière de traiter du transsexualisme,  et si Lola Pater n’ajoute pas à ce déni.

Mais sinon, c’est un film qu’on peut voir, il est plutôt honnête et bien fait, on ne s’ennuie aucunement et puis… Il y a Fanny Ardant, très bien entourée.

 

*Si vous êtes ignorant comme moi, vous découvrirez cette catégorie fourre-tout, LGBT (Qui confond les questions d’identité et d’apparence avec les pratiques sexuelles) soit : Lesbienne, gay, bisexuel, et transgenre.

 

Dunkerque de Chritopher Nolan

“Dunkerque” : Christopher Nolan nous immerge au cœur de la bataille …

C’est le mois d’août, je suis allé voir ce film.
« www.telerama.fr/…/dunkerque-

19 juil. 2017 – Si le réalisateur britannique signe un film de guerre ultra efficace, il n’apporte rien de vraiment nouveau au genre ».

Mais de quel genre s’agit-il donc  ?   

Lettre de Prades 58ème ciné-rencontre 2017, suite et fin.

 

….

Après Rafi Pitts, difficile de changer de réalisateur. Or, la suite c’est Jean-Pierre Améris. Rien de comparable dans leur cinéma, ni le style, ni la démarche. C’est un homme de grande taille (2,05 mètres) qui se présente à nous, il est séduisant, d’une manière très différente de Pitts, mais séduisant. Il est d’un abord humble, disponible, sympathique, il est calme, convaincant.

Jean-Pierre Améris puise dans sa vie, dans son enfance et ses identifications, ses peines et joies, la matière de ses films. Ses personnages principaux sont remarquables et différents des autres, ils sont pêle-mêle, malade incurable, grand timide, autiste, sourd et aveugle, défiguré, solitaire… Ce sont des blessés, des stigmatisés, des boucs émissaires potentiels.. Nous avons pu voir 8 films, C’est la vie, les émotifs anonymes, Je m’appelle Elisabeth, Marie Heurtin, L’homme qui rit, Maman est folle, La joie de vivre, Famille à louer. La tonalité de ses films occupe toute la palette entre comédie et tragédie. Son dessein n’est jamais de montrer le poids du destin et la force des choses, mais l’être qui se déploie face à l’adversité et les heureuses conjonctions, les mains qui se tendent dans leur vie. – Alors, nul apitoiement chez Améris, juste la compassion et la dignité qu’il faut pour nous montrer des êtres que nous regardons peu habituellement – Parmi ces films, j’ai été plus particulièrement touché par Marie Heurtin, c’était la première fois que je le voyais. De quoi est faite la foi d’une religieuse qui décide de chercher à communiquer,  d’apprendre à parler à une enfant sourde et aveugle, quels sont ses mobiles ? Comment apprendre ? Par quelles méthodes et quelles voies? La rencontre de ces deux êtres est une expérience de la bonté. Au total, si je devais caractériser le cinéma de Jean-Pierre Améris, c’est l’idée de  « providence » qui me viendrait à l’esprit. Je crois que c’est cela qu’il montre le plus souvent.

Courts-métrages : Quel dommage cette disparition des courts-métrages de nos salles, qu’à peu près partout désormais, on préfère considérer que les spectateurs viennent 30 minutes avant la séance juste pour voir des publicités débiles et/ou vulgaires. Nous en avons vu 18, des  » brefs-métrages », parmi eux, des petits bijoux. Panthéon Discount a été élu meilleur d’entre eux, et il est excellent, mais objectivement, un réel départage est impossible. Pensons par exemple au dernier d’entre eux, une poignée de main historique, un « haïku » cinématographique à la fois  drôle, grave  et triste !

Le film surprise (judicieusement sélectionné par les jeunes) : West Side Story. Le revoir,  le revoir sur grand écran, merveille.

 Avant-premières : Marie-No a parlé dindivisibili, je ne vois rien à ajouter, c’est dit.

En revanche Djam de Tony Gatlif est de l’avis de beaucoup, un superbe film. Voici le synopsis : Djam, une jeune femme grecque, est envoyée à Istanbul par son oncle Kakourgos, un ancien marin passionné de Rébétiko, pour trouver la pièce rare qui réparera leur bateau. Elle y rencontre Avril, une française de dix-neuf ans, seule et sans argent, venue en Turquie pour être bénévole auprès des réfugiés. Djam, généreuse, insolente, imprévisible et libre la prend alors sous son aile sur le chemin vers Mytilène. Un voyage fait de rencontres, de musique, de partage et d’espoir. C’est l’art du synopsis de parler d’un film sans en parler vraiment. Ajoutons que Djam est un personnage lumineux et libre tout comme son oncle Kakourgos (qui signifie le malfaiteur en grec, et qui pourtant l’est moins que d’aucuns).

Si l’on veut bien mettre de côté le film sur Pablo Casals qui ouvre davantage le festival du même nom qu’il ne ferme les cinés-rencontres et dont on peut dire qu’il est honnête, mais dont on ne peut pas dire qu’il soit une révolution dans le cinéma, Makala d’Emmanuel Gras serait alors la clôture, et donc le bouquet. Voici le synopsis : Décidé à connaître un avenir meilleur, Kabwita entreprend, depuis son village reculé, un périlleux voyage jusqu’à Kinshasa. Le documentariste Emmanuel Gras le suit dans son périple, avec l’attention des grands maîtres italiens. Et une pudeur magnifique. Je n’avais jamais vu un film pareil, c’est un quasi documentaire qui serait tellement bien scénarisé qu’on est totalement gagné et qu’on devient captif de ce jeune homme que nous suivons pas à pas. C’est un film bouleversant au plein sens du terme. Après l’avoir vu, on ne revient jamais à la case départ.

…Et à propos de départ,  celui de Prades, avec un petit pincement.

 

Lettre de Prades 2017, 58ème Ciné-rencontre

Lettre de Prades 2017, 58ème Ciné-rencontres

Amis Cramés de la Bobine, bonjour,

Nous sommes à mi-parcours de ce voyage en première classe à Prades, un pays de cinéma, la salle de Prades s’appelle le Lido, elle est belle, confortable, peu de salles sont aussi chargées de souvenirs qu’elle, tant elle  a accueilli, de festival en festival, de grands noms du cinéma.

Pour l’instant nous en sommes à deux rétrospectives, à commencer par des films de G.W Pabst utilement présentés par P.Eisenreich de la revue Positif et Benoît Jacquot. C’est du ciné en noir et blanc et c’est pour l’essentiel du muet…en 7 films. Alors, lorsqu’on ne connaît pas, on va voir le premier par curiosité un peu condescendante (c’était pas mal pour l’époque), les autres parce qu’on se laisse gagner par ces films-là, ils sont inventifs et convaincants..

Voici ce que nous avons pu voir : La rue sans joie, Loulou, le journal d’une fille perdue, l’amour de Jeanne Ney, les mystères d’une âme, quatre de l’infanterie, le drame de Shanghai, la tragédie de la mine. Les cinéphiles avertis sauront apprécier le menu et ceux qui le sont moins, comme moi, ravis (aux deux sens du terme) s’ils ont la chance d’en voir un.

Nous sommes au moment Rafi Pitts, un cinéaste contemporain iranien, actuellement à Los-Angelès, aux Etats Unis, il aurait dû venir à Prades mais il est coincé, attendant les papiers qui lui permettront de rentrer aux USA s’il en sort. Mais c’est là  un scénario peu artistique imaginé par le Président Trump, dont il est question,  alors passons.

Heureusement Skype, heureusement Mamad Haghighat pour assurer le contact et les premières questions. Commençons par ce dernier. Il est critique, réalisateur, directeur de salle (le Champollion!) et promoteur du cinéma iranien en France et dans le monde. Authentiquement humble et direct,  il a le chic pour poser des questions facilitantes et de faire des remarques à la fois franches  et sympathiques. Quant à Rafi Pitts, il nous apparaît comme un homme doux, engageant, vérifiez vous-même sur internet, vous verrez un beau visage, avec il me semble, une oreille droite discrètement décollée, les « dents du bonheur », un  sourire lumineux. Dans son répertoire linguistique, il dispose d’au moins 3 langues courantes dont un français naturel, car il a vécu en France.

Pour ce qui me concerne, je ne connaissais pas Rafi Pitts, devait-on le situer aux côtés des Kiarostami, Farhadi, Panahi … ? En somme, parmi les grands noms du cinéma Iranien ? Oui, et sans l’ombre d’une hésitation. Et c’est tout le mérite du Festival de Prades de faire connaître en France un tel réalisateur par une sélection de 8 fictions et un documentaire.

Si vous deviez vous constituer à l’image des trousses de premiers secours, une trousse de films d’urgence, pourquoi ne pas y placer  un film de  Rafi Pitts ? En attendant, disons tout de suite que nous avons eu l’avantage de voir avant vous Soy Néro qui sera sur les écrans français en septembre. Gaëlle Vidalie a réalisé un documentaire  sur Rafi  (No return : Rafi Pitts) dont l’essentiel se déroule pendant qu’il dirige Soy Néro. On le voit le réalisateur en mouvement, on le voit être avec ses acteurs et l’équipe. Bien qu’exigeant, il sait accueillir l’émergence de l’imprévu, et la vérité de ses acteurs.

M’autoriseriez-vous un conseil ? Allez voir Soy Néro. Et si vous ne le pouvez, allez dans votre médiathèque préférée, empruntez Salandar, 5ème Saison ou encore Sanam. Ah! Sanam, nous en sortons, quelle émotion ! Des plans de toute beauté, dès les premières images on est saisi. Rien que le début, une colline dans la campagne, au loin, sur la crête une silhouette humaine apparaît, évanescente. Elle bouge, elle court, on la voit descendre  semblant décrire une courbe vers la gauche. Elle grandit. Pas assez. Derrière, un cavalier, puis deux, trois et quatre ; ils poursuivent cet homme ? C’est une image presque abstraite qui se précise un peu mais nous n’en verrons à peine davantage, un bruit sec et mat, le film commence. Qui voit cette scène ?  Nous.  Nous, par les yeux d’Issa, 10 ans. Un contre champs nous fera faire sa connaissance, quel visage lui aussi, et quel  acteur ! Ne lisez pas le synopsis, c’est inutile. Regardez les visages des hommes, des femmes, regardez les yeux et les mains celle (Roya Nonahali) la mère de Issa par exemple, regardez les paysages, regardez jouer ce jeune Ismail Amini qui interprète l’enfant Issa ;  n’en perdez rien. Laissez-vous aller à votre émotion, vous y réfléchirez après. Ça sera un autre moment riche.

Je termine en disant que Gaëlle Vidalie dont il était question tout à l’heure a assisté Rafi Pitts dans la réalisation d’un documentaire Abel Ferrara, (Abel Ferrara, Not Guilty)  dont curieusement, c’était aujourd’hui l’anniversaire. Je ne vais pas faire les louanges de ce documentaire dans ce billet ni d’Abel Ferrara et ça me frustre un peu mais il faut bien terminer un billet. D’abord, il est tard.

A une prochaine pour peut-être pour dire un mot d’Abel F et du reste…la  suite du programme promet.

Amitiés des Cramés à Prades.

Georges J

De toutes mes Forces- Chad Chenouga

3 prix au Festival de Valenciennes 2017

Du 29 juin au 4 juillet

En Présence du réalisateur Chad Chenouga

 Film français (mai 2017, 1h38) de Chad Chenouga avec Khaled Alouach, Yolande Moreau et Laurent Xu

Distributeur : Ad Vitam

 

Synopsis : Nassim est en première dans un grand lycée parisien et semble aussi insouciant que ses copains. Personne ne se doute qu’en réalité, il vient de perdre sa mère et rentre chaque soir dans un foyer. Malgré la bienveillance de la directrice, il refuse d’être assimilé aux jeunes de ce centre. Tel un funambule, Nassim navigue entre ses deux vies, qui ne doivent à aucun prix se rencontrer…

« Deux choses en préalable ».

-Merci à Françoise pour la présentation de Chad Chenouga, de nous avoir signalé 17 rue bleue, le premier film de Chad Chenouga novembre 2001. Comme nous avons aimé « De toutes mes forces » on cherchera à mieux connaître ce réalisateur en se procurant ce film coûte que coûte.

-Et puis, Chad Chenouga débattant sur son film a assuré la réussite de la clotûre de notre saison des Cramés de la Bobine, le public a été conquis par son authenticité, sa sympathie, la qualité de ses réponses à nos questions. Il y a des moments comme ça !

Maintenant, un mot sur le film, ou plutôt sur ce que j’en ai noté.

Nassim est orphelin, ce n’est pas un thème rare, cinétrafic en dénombre 186, des misérables en passant par Tarzan… et je me souviens de               « l’incompris » de Luigi Comencini, cet enfant auquel son père déniait tout chagrin. Ici, l’orphelin c’est Nassim (Khaled Alouach) dont la mère est morte d’une overdose. Il l’a vue gisante, couchée face contre sol, morte. C’est lui qui allait chercher ses médicaments psychotropes à la pharmacie. Il ne peut pas s’autoriser à exprimer ouvertement son chagrin, il lui faudrait alors parler d’elle aux autres, vous imaginez ? On se souvient fugacement de « Fais de beaux rêves » de Marco Bellocchio, la mort par suicide de la mère provoque chez Massimo un sentiment d’abandon, de culpabilité, de honte. Egale douleur pour Nassim et quant à la honte, c’est aussi celle de ne pas être recueilli par sa tante, de devenir une sorte de paria. Il est alors placé dans un foyer d’accueil. Ainsi commence le parcours de Nassim responsable de son présent et de son avenir. Le décor est planté, comment Nassim va-t-il s’y prendre ?

Parmi ce que Chad Chenouga nous donne à voir, j’ai remarqué la manière dont le jeune adolescent met rapidement en place des stratégies d’isolation de ses différentes situations de vie. Il y a son monde psychique marqué par son amour pour sa mère et de son deuil ; il y a aussi le monde du lycée qui représente l’idéal social de Nassim ; et enfin le monde du foyer d’accueil pour orphelin qui représente sa vie quotidienne et un stigmate. Trois entités, trois mondes qui de son point de vue, ne sont pas conciliables, ne doivent pas correspondre, ce serait dangereux. Cela exige habileté et subterfuges (voir la scène sur subterfuge)

Lorsque par inadvertance, ces mondes se recoupent, tout se dérègle pour Nassim, voici quelques illustrations parmi bien d’autres :

-Accepter de dormir chez les parents de sa petite amie au lieu de rentrer au foyer, transforme le carosse en citrouille, aboutit à des mesures de rétorsion de la directrice du foyer. (Sorties, téléphones, etc.)

-Offrir à sa petite amie les boucles d’oreilles de maman, induisent l’inhibition sexuelle de Nassim.

-Laisser un livre tamponné par le foyer chez sa petite amie aboutit à ce qu’elle découvre le « pot aux roses » et que leur relation en soit brisée.

Tout conforte donc Nassim dans son « système » protecteur d’évitement, de cloisonnement et de contrôle, où le souci de paraître prime. Cet exercice exige de l’habileté, du style. Et à propos de style, regardons Nassim, les vêtements de Nassim, il porte de belles chemises, ce n’est pas si fréquent à son âge en 2017. Il porte aussi un remarquable foulard bleu . (Notons en passant un très beau plan de Nassim sur fond bleu). La « vêture » de Nassim (comme on dit au Foyer) ne ressemble qu’à lui-même, elle est subtilement hors des codes vestimentaires des milieux qu’il fréquente. Il est élégant. Au demeurant, c’est un garçon comme les autres, bien de son âge, à l’aise avec ses nombreux potes et les filles.

Les personnages clés qui jalonnent sa vie sont principalement des femmes. Sa mère (petit rôle essentiel et  impeccable de Zineb Trici, pâle, maladive) ; Sa (trop curieuse) petite amie ;  Madame Cousin, la patiente Directrice à la tendresse rentrée, (Yolande Moreau) ;  la déterminée  Zawadi (Jisca Kalvanda, vous vous souvenez de « Divines » ?) ; ou encore  Mina pour son « don de soi », cette jeune fille « ensinte » qui n’est pas sans rappeler le personnage d’ Elodie Bouchez dans « la faute à Voltaire » d’Abdellatif Kechiche.

Singulièrement, en même temps qu’il nous livre le monde compartimenté et douloureux de Nassim, Chad Chenouga montre aussi la possibilité d’un monde ouvert et sa patte de réalisateur  nous fait sentir la tension, la volonté de « devenir » de Nassim. En ce sens, « De toutes mes forces » est un titre parfait.

Autres remarques : 

Chad Chenouga nous a expliqué comment il a fait travailler ses acteurs…au bout c’est une réussite. Bien sûr, nous sommes nombreux à aimer Yolande Moreau, ici elle est une directrice de foyer lucide et clémente, la femme qu’elle représente derrière sa fonction demeure sensible, empathique. Quant aux jeunes, nous leur souhaitons un bel avenir. Pour ma part, je suivrai plus particulièrement Khaled qui commence sa carrière avec ce rôle en or et qui promet, et Jisca cette jeune actrice énergique, débordante de vie et de spontanéité,   j’anticipe bien ce qu’ils nous réservent.

J’ajouterai que cette histoire, trois fois celle de Chad, puisqu’il l’a vécue, écrite et tournée nous apparaît sincère et émouvante. Et je suis d’accord avec Eliane pour noter ce que ce film doit à son cadrage, à ses plans qui parfois se resserrent sur Nassim marquant son enfermement, et à son montage rigoureux et rythmé.

Encore merci Monsieur Chad Chenouga,  et à bientôt pour  votre prochain film.

ADIEU MANDALAY de Midi Z

Grand Prix au Festival International du Film d’Amiens
Du 7 au 13 juin 2017
Soirée-débat mardi 13 à 20h30

Présenté par Laurence Guyon

Film birman (vo, mai 2017, 1h43) de Midi Z avec Kai Ko, Wu Ke-Xi, Wang Shin-Hong
Distributeur : Les Acacias

Synopsis : Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs
Liangqing et Guo, deux jeunes birmans, émigrent clandestinement en Thaïlande. Tandis que Liangqing trouve un emploi de plonge dans un restaurant de Bangkok, Guo est embauché dans une usine textile. Sans papiers, leur quotidien est plus que précaire et le jeune couple ne partage pas les mêmes ambitions : si Guo veut gagner assez d’argent pour retourner en Birmanie, Liangqing est prête à tout pour obtenir un visa de travail et échapper à sa condition.

« Aux objets répugnants nous trouvons des appas/Chaque jour vers l’Enfer nous descendons d’un pas ».  Charles Baudelaire.

C’est un truisme de dire que les cinéastes comme tous les auteurs ne sont que partiellement maîtres des significations qu’ils donnent à leur film. Il y a un film par spectateur et encore c’est un minimum ! En d’autres termes, chaque film est interprétable à l’infini. Ce préambule pour dire que si je prends le risque d’être pesant, d’exagérer, ma lecture sauvage « d’Adieu Mandalay », toute contradiction sera bienvenue.

Commençons par la fin, comme chacun je suppose, j’éprouve ce sentiment de répulsion pour les dernières images. De répulsion mais j’y repense, disons alors d’attraction /répulsion. Le jeune Guo armé d’un couteau pénètre dans la chambre de la jeune et belle Liangqing endormie, allongée sur son lit. Il s’agenouille, un genou de chaque côté du frêle corps de Liang, il la domine, la regarde, il aime cette femme-là, il pleure. Elle est sans défense mais se réveille, comprend, se débat, c’est inutile, du sang rougit déjà sa chemise, elle s’agite encore un peu, mais son corps lâche, sa vie l’abandonne. Guo s’allonge par terre, cette image rappelle  un peu une autre en début du film : il dort par terre, elle est dans son lit, il approche sa main pour frôler celle de Liang dormante. Tendresse furtive, une promesse qu’il se fait. Mais pour cette dernière scène, cette même main de Guo qui naguère rêvait de caresser, cette fois est armée du couteau, celui du meurtre et du suicide… Avec sa lame, Guo s’allonge au sol en dessous d’elle,  trouve en même temps que le courage, sa carotide – geyser d’hémoglobine- Un couteau comme une lame de fond     – Drôle d’hymen – Fin.

Cette image en évoque  aussi une autre, la sexualité violente, telle celle qu’à son corps défendant elle a choisie, figurée par la scène du gros et répugnant  lézard.

Leur vie à tous les deux ? Celle des pauvres, de misérables serfs, bêtes de somme, celle d’innombrables individus de par le monde, maintenant. La Thaïlande où ils arrivent, la Birmanie d’où ils viennent, c’est corruption et rançonnage, malheur aux pauvres ! De ce point de vue, le film nous montre des choses banales, nous les avons vu dans de nombreux films*nous sommes sans mauvais jeu de mot, des spectateurs repus.

Alors considérons la violence sociale, le parasitage des pauvres, comme une toile de fond habituelle, de règle, l’ordinaire. Regardons ces deux-là, dans le décor.

Elle et lui viennent du même village, ensemble ils seront voyageurs clandestins. Guo, secrètement amoureux, sera un peu l’ange gardien de Liang, son chevalier servant. Selon Lacan, la condition de l’amour c’est la pauvreté, le manque, celui qui aime offre son manque. Bref aimer c’est offrir ce qu’on n’a pas… Offrir ce qu’on n’a pas à quelqu’un qui ne demande rien ! Et Liang ne demande rien. Il y a dans ce film mille attitudes de Liang qui nous la montre indifférente. Un instant pourtant, elle sera souriante, comme heureuse, lorsque Guo lui offrira un faux bijou en attendant le vrai. Une promesse. De Guo,  elle concède qu’il est son petit ami, tout cela est chaste. Au fond, Liang ne peut pas s’offrir une histoire d’amour, les histoires d’amour, c’est un truc de riches. D’abord ne plus être pauvre.

Quand Guo considère qu’ils vont faire route ensemble, Liang imagine certainement, être à une croisée de chemins. Il veut gagner assez pour retourner en Birmanie avec elle et elle de son côté, veut aller vivre à Bangkok, avec ou sans lui.

Pour avoir des papiers, de faux papiers, une fausse identité, elle travaille dur. A 18 000 bath soit environs 450 euros par mois, avec ça, quand on a envoyé de l’argent à ses parents, là-bas, on économise, juste assez pour se faire escroquer.

Liang est vierge, cela a son importance. Après ce fiasco, elle conçoit de mettre en vente sa virginité dans un hôtel de luxe. Cette pratique n’est pas spécialement locale, en Allemagne il y a quelques mois nous dit Libération, avec la participation d’une société d’escorte, Alexandra, une jeune femme mannequin roumaine, qui venait de passer 18 ans a mis aux enchères sa virginité et obtenu 2,3 millions d’Euros**. Dans Adieu Mandalay, ce sera 150 000 Baht soit environ 4 000 euros, pour cette virginité. Elle réussit à avoir 300 000 baht pour payer ses faux papiers… Alors, combien, le prix d’un rapport avec une femme non vierge ? Sachant qu’il lui faut 300 000 bath soit 150 000 de plus, que la virginité ne sert qu’une fois, quelle est l’inconnue ? Liang est-elle en voie de professionnalisation ? Ce métier est celui de 2 millions de femmes et 800 000 hommes en Thaïlande (en 2004 selon Wikipédia). Alors, mille fois un Varan sur le corps ou une fois ? Au fond quelle importance dans cette vie-là ? Bangkok, c’est tout.

Mais dis donc Georges, t’en fais un peu trop avec cette histoire, c’est délirant et sordide ces élucubrations. Garde tes fantasmes pour toi. On te présente un film où une pauvre jeune femme exploitée, broyée se fait poignarder durant son sommeil par un amoureux jaloux alors qu’elle allait peut-être s’en sortir avec sa fausse identité, et t’en fais une prostituée ?

 Ce n’est pas un film sur la prostitution, c’est un film sur la misère. L’usage du corps dans cette misère, celui de Guo, celui de Liang. J’objecte que ce n’est pas parce que Liang a fait des études, qu’elle est intelligente qu’elle ne peut pas être prostituée, ce n’est pas un sacrilège, c’est un malheur ordinaire, une condition. Une condition quand la précédente était déjà un numéro, le 369. Alors, ce que tuerait atrocement Guo serait le projet atroce de Liang.

Maintenant, il faudrait revoir la chambre de la scène ou Liang est assassinée, où dort-elle ? Revoir le décor, revoir la cheminée, peut être celle de l’usine ou Guo s’emploie comme bête humaine (lui aussi). Parfois, à  moins de 3 fois, on n’a pas vu un film!

Adieu Mandalay est un film qui vise à donner au spectateur faute d’un sentiment de révolte, dégoût et répulsion. Et je trouve qu’en cela, ce film ressemble à « on achève bien les chevaux », ou encore à « des souris et des hommes » soit la fatalité, le poids des choses, le drame. Quels que soient les mobiles de ces deux pauvres hères, au fond quelle importance ? Si l’on peut ressentir du dégoût, on peut, on doit aussi ressentir de la compassion, et les desseins de ces deux personnages sont sans importance devant leur malheur. Tu nous as présenté un film formidable Laurence.

*Les étudiants en cinéma qui voudraient faire leur thèse sur le thème de la bête humaine sur celui de la corruption  (le léviahtan actuel) où les deux réunis, dans le cinéma contemporain, auraient avantage à savoir classer leurs piles

** et « la petite » de Louis Malle 1978

Après Glory, considérations sur trois femmes managers de nos derniers films.

 

 « Toute la vie des sociétés dans lesquelles règnent les conditions modernes de production s’annonce comme une immense accumulation de spectacles. Tout ce qui était directement vécu s’est éloigné dans une représentation ». Guy Debord

 Ces derniers temps, on peut voir apparaître au ciné une nouvelle sorte de femmes, les managers cyniques. Cyniques et sans scrupule ?

Dans Glory, Margita Grosheva incarne Julia Staykova, la communicante du ministre des transports, dont le travail consiste à produire des écrans de fumée, c’est-à-dire de faire du spectacle autour de pas grand-chose pour cacher l’essentiel, en l’occurrence, la corruption.

Dans Toni Erdmann, c’est Sandra Hüller qui est à l’œuvre sous les traits d’Ines Conradi, une jeune et peu sympathique spécialiste de restructuration d’entreprise en mission à Bucarest à qui son père tente de rendre une certaine joie de vivre et humanité. C’est du boulot !

Dans Corporate, Céline Sallette devient Emilie Tesson-Hansen une cost killer, (et les coûts sont humains) persécutrice, qui utilise toutes formes de violences symboliques, dévalorisation, chantage, mensonge et autres manipulations.

Trois belles dames, bien adaptées au monde où elles vivent, à l’ambition illimitée et à l’éthique très limitée. C’est le mérite de notre temps de reconnaître aux femmes, les mêmes désirs narcissiques de puissance, les mêmes possibilités de nuisance que celles dévolues aux hommes. D’autant que ces femmes existent, de plus en plus et de mieux en mieux, c’est un mérite de ces films de leur rendre justice.

Pourtant à chaque fois, à la fin, il y a une petite lumière qui clignote, quelque chose qui leur dit qu’elles sont embarquées sur une drôle de voie.

Constatons qu’au cinéma le pas n’est pas franchi pour nous montrer des femmes absolument cyniques, jusqu’ici, dans chacun de ces films, l’héroïne s’ouvre à autre chose.

– Julia semble avoir un élan de remords et de sollicitude pour Tzanko, il est vrai, brutalement interrompu.

– Ines, retrouve un peu d’humour et de liberté dans ce monde-là, qui est ce qu’il est.

– Émilie reconsidère toute une vie sans vie et sans scrupule pour se mettre au service de la vérité et de la justice. À chacune son rachat.

Avec ces films, on ne peut pas reprocher aux cinéastes d’ignorer ces formes violentes du management. Comme on le voit, s’agissant de femmes managers, les cinéastes ont encore quelques timidités à nous en présenter d’absolument cyniques et sans scrupule. Encore un domaine où le cinéma marche vers la parité.