« En attendant les Hirondelles » de Karim Massaoui

 

7 nominations au Festival de Cannes 2017
Du 11 au 16 janvier 2018
Soirée débat mardi 16 janvier à 20h30

Film franco-algérien (vo, novembre 2017, 1h53) de Karim Moussaoui avec Mohamed Djouhri, Sonia Mekkiou et Mehdi Ramdani

Distributeur : Ad Vitam

Présenté par Georges Joniaux

Synopsis : Aujourd’hui, en Algérie. Passé et présent s’entrechoquent dans les vies d’un riche promoteur immobilier, d’un neurologue ambitieux rattrapé par son passé, et d’une jeune femme tiraillée entre la voie de la raison et ses sentiments. Trois histoires qui nous plongent dans l’âme humaine de la société arabe contemporaine.

Hier, avec « En attendant les Hirondelles », nous avons vu du très bon cinéma.  Un film promesse, qui nous invite à voir le prochain film de Karim Massaoui, un film qui  donne également envie de voir d’autres films algériens.

Les cinéphiles comme les lecteurs, les amateurs d’art, de vin, ou que sais-je, sont avisés lorsqu’ils regardent ce qui se fait dans le monde. Nous avons cette chance aux Cramés de la Bobine d’avoir cette fenêtre ouverte. Et l’Algérie d’hier soir nous semblait comme un village, à la fois proche et lointain, nous avions l’impression de connaître ces gens. Lors du débat, il me semble que nous avons remarqué  l’intervention de Laurence sur la forme du film, qui expose sa manière d’avancer par touches légères, celle d’Henri sur cette faiblesse, défaillance des hommes dans l’histoire, argument repris par Françoise qui l’interprète comme l’instabilité, l’absence de fiabilité des institutions qui laisserait ces hommes seuls face à eux-mêmes.

C’est sur ce thème que je souhaite mettre mon grain de sel. Regardons ces hommes.

Regardons d’abord Mourad (Mohammed Djouhri), ce beau personnage naviguant entre son ex-femme, son fiston encore un peu immature, et sa jeune et belle ex-future femme. Vous avez vu le casting, Karim Massaoui a choisi un homme d’aspect solide et vieillissant. Un entrepreneur qui évoluait naguère dans une corruption ordinaire qui brutalement change de braquet et le dépasse. Tout va bien pour lui jusqu’à l’incident : Il fait nuit, on est dans un quartier neuf d’Alger, on entend un bruit sourd, comme un râle, en fait il y a derrière un mur, sur une place déserte, deux hommes qui en rossent un troisième. Mourad se cache, son téléphone sonne, il se cache davantage, il a peur. Sans doute ce bruit fait fuir les agresseurs. (Cette scène au moment  où la voiture des agresseurs démarre, fait penser à une scène de guerre).Alors Mourad s’approche à distance respectueuse, au sol, un homme git et râle. Comme dans la chute de Camus, il reprend son chemin. Ne pas voir va ensuite lui causer des soucis concrets, d’abord avec sa vieille femme puis sa jeune maîtresse et comme on le verra la séquence 3, sa  cataracte commence à lui poser question. Ne pas voir quand il le faut, lui trouble la vue… et le cerveau… qu’il pense cancéreux. La remarque de Françoise prend toute sa pertinence, à qui se fier ? Mais pas seulement. Revenons à cette fameuse séquence, il y a un plan où il boit un verre à côté d’un homme médecin neurologue Dahman, (Assan Kachach). Qu’est-ce qui unit ces deux hommes, pas grand-chose, une coïncidence . On sait à ce moment du film que Dahman a été concerné de près par le terrorisme. Ces deux hommes ont l’âge d’avoir pris de front la période des années 90. La question de Mourad, c’est que sa lâcheté du moment est composée d’une matière complexe, de mauvaises anticipations comme le  signale Françoise, et tout autant d’un passé où il a bien dû se cacher, avoir peur, refusé de voir. La « lâcheté de Mourad »semble construite plus qu’instinctive, la prudence et la peur reprennent la place d’autrefois, vous voyez, un peu comme quand on a fait une boule avec du papier cellophane de chez la fleuriste, qu’on la presse dans la main et qu’on la relâche.

Alors un mot sur Dahman, (Assan Kachach) le neurologue. Là encore, quel casting. Dommage, quand je vais le revoir, je ne me rappellerai plus son nom et je vais me dire, tiens ! C’est le neurologue ! Cet homme de belle allure est amené à se rendre dans un bidonville, dans les conditions que vous connaissez. Il y retrouve une petite dame réprouvée, au regard pénétrant, à l’allure résolue, en d’autres circonstances, elle aurait pu être à sa place. Elle lui propose de se souvenir d’elle. Ce qu’il refuse d’abord, par déni sans doute. Mais il devra admettre que dans le passé,  lui,  le médecin, otage d’un moment, l’a vue au moment ou les terroristes l’ont emmenée dans une cabane pour la violer. Et qu’il n’a rien fait.  Dahman n’est pas coupable, que pouvait-il ? Pas coupable mais concerné. Du moins, il aurait dû l’être. Mais tout dans sa vie autorisait la résilience. Ce passage montre que cet homme n’est aucunement résilient. Il a construit sa réussite sur une sorte de scotomisation*(1)  du passé(quelque chose qui est là mais qu’on ne voit pas) , et sa réussite sociale est comme une gomme à effacer. Mais à son tour cette réussite s’efface devant un passé à partager. Et l’occasion lui est donnée d’avoir à réparer quelque chose. Est-ce à lui de le faire, pas plus qu’il lui revenait de voir un viol. Mais on sent qu’il va le faire parce que ce passé est aussi   une possibilité de  partage. De faire un présent (aux deux sens du terme) acceptable après un passé qui ne l’était pas.

Du coup,  il nous reste Djalil (Mehdi Ramdani). Le jeune homme qui ne rit pas -Intense le garçon, vous avez vu? – Lui porte une liberté, il est comme cette musique du film, il est à la fois la musique de Rina Raï et parfois comme Mourad,  celle plus sombre plus résignée d’une messe de Bach interprétée par Alfred Deller. Peut-être est-il aussi  une promesse, celle du groupe musical « Kusturicien » qui clôt la 2ème partie. L’espoir et la résignation. À lui on peut dédier cet extrait d’une interview de Karim Massaoui : « En Algérie, les ancêtres sont encore sacralisés, ils sont très présents, avec leur base morale, leurs codes de conduite, ils sont là, ils nous surveillent et ils exercent une sorte de chantage occulte qui se rappelle sans cesse à nous : si on trahit leur mémoire, on sera bannis ».

Et terminer ce commentaire sur ce film rhizome par cet extrait musical.

Raina Rai, Ya Zina Diri Latay – راينا راي , يازينة – YouTube

 

 

*(1)Scotome : Le terme scotome désigne une lacune immobile dans le champ visuel (étendue perçue par le regard quand celui-ci reste immobile) due à l’absence de perception dans une zone de la rétine.

PS (et « repentir ») : Jamais musique de film n’est innocente. La prochaine fois je ferais très  attention, ici elle vaudrait à elle seule un article , et surtout aurait du être  davantage soulignée lors de la présentation du film, le choix de  la musique Raï doit nous rappeler que les extrémistes  religieux ont aussi assassiné  cet élan de création culturel universel, une musique de toute beauté… et physiquement, certains de ses représentants. Le choix de cette musique dans le film n’est donc pas innocent. Il faudrait-alors ré-écouter toute la bande musicale. 

 

« 12 jours » de Raymond Depardon

Soirée-débat lundi 15 à 20h30
Film français (novembre 2017, 1h27) de Raymond Depardon

Avant 12 jours, les personnes hospitalisées en psychiatrie sans leur consentement sont présentées en audience, d’un côté un juge, de l’autre un patient, entre eux naît un dialogue sur le sens du mot liberté et de la vie.
Présenté par Georges Joniaux

 

Notes de débat

Par une curieuse association, Raymond Depardon documentariste est pour moi ce que Georges Perec est à la littérature :  regard , pudeur, humilité, délicatesse,  précision, sobriété,   obsessionalisation du sujet-du sujet banal – qu’il décortique à mesure.

Qui nous montrerait ce que Raymond Depardon nous montre? Son film précédent s’appelait les habitants. En voici d’autres. D’autres, les malades mentaux, dont on ne parle pas trop mais c’est aussi vrai de n’importe quelle maladie, qui connaît le nombre de diabétique ou d’hypertendus ?

Éléments de contexte

Plus de 400 000 personnes chaque année ont recours à une hospitalisation plein-temps en psychiatrie — C’est-à-dire environ 6% de la population française — Parmi eux près de 90 000 font l’objet d’hospitalisation sous contrainte.

Un dispositif légal  pour protéger ces malades ou se protéger d’eux le cas échéant, existe depuis longtemps. En effet une loi en 1838 instituait les placements obligatoires, placements volontaires, placements libres, elle a vécu plus de 150 ans.

En 1990, voici la loi de remplacement, le terme placement est remplacé par Hospitalisation, les adjectifs demeurent les mêmes, sauf pour le placement volontaire (qui ne l’était guère) qui devient ce qu’il a toujours été en réalité : hospitalisation à la demande d’un tiers (HDT). Les droits et recours de ces malades mentaux sont mieux reconnus et renforcés.

2011, la France poursuit 3 objectifs, répondre aux directives européennes, répondre à des questions prioritaires de constitution(QPC), et satisfaire une politique sécuritaire plutôt en vogue. Elle présente l’avantage d’instituer 3 modalités d’hospitalisation :

Péril imminent, soins psychiatriques à la demande d’un tiers, soins psychiatriques à la demande d’un représentant de l’état. Les termes ont un sens, l’hospitalisation plein-temps n’est plus la seule modalité de prise en charge car il est désormais question de soins obligatoires.  Mais par démagogie sécuritaire, cette loi supprimait alors les permissions d’essais, transformant cette modalité en prison.

2013, améliore 2011, à peine en œuvre et concernée par une QPC, en rétablissant les sorties thérapeutiques et en raccourcissant le délai d’intervention du juge. Elle se propose aussi de suprimer les unités pour malades difficiles (dangereux). Ce qui n’est pas fait.

Question : Les psychiatres pour les malades mentaux, comme les juges pour les condamnés ont désormais le choix, enfermement ou non ? Peuvent-ils, pourront-ils s’en emparer ?  Un élément de réponse, les uns comme les autres auront  besoin de beaucoup de temps et de pédagogie (comme disent nos politiciens condescendants) pour obtenir l’assentiment de populations diverses depuis trop longtemps gavées de sécuritarisme et toujours prêtes à rouvrir de vieux dossiers.

Question : D’aucuns psychiatres contestent la présence d’un juge des libertés et de la détention arguant qu’un malade n’est pas un détenu… Cet argument qui ne tient compte que d’un terme du rôle du juge n’est-il pas spécieux ? Ils proposent que ce contrôle soit effectué  par une commission, cette procédure ne risquerait-elle pas de rendre le processus plus lourd et moins opérationnel ? (Seul un juge peut prononcer une main levée).

Mais venons-en à 12 jours.

Le dispositif du film est simple 3 caméras sans pieds (pour mieux se faire oublier), une pour le patient et son avocat, 1 pour le juge, une pour le cadre dans son ensemble. Le juge le plus souvent filmé de trois quarts, comme vu par l’avocat, le patient est plutôt filmé de face, le cadre est filmé en diagonal.

La prise de son toujours essentielle, petits micros pour tous, sauf pour le patient qui est « perché ». C’est donc une succession de gros plans alternés, qui après le montage, va constituer l’essentiel du film.

Il retrace le déroulement de l’audience, une audience où se joue la prolongation d’hospitalisation contraintes des patients,  et montre en même temps, la distance, l’espace dans une relation par nature asymétrique et l’enjeu. Hors la salle d’audience transportée à l’hôpital, il y a les lieux voisins, l’hôpital avec ses couloirs, ses chambres, ses grillages, ses lits de contention, parfois des patients qui marchent et  le temps qu’il fait. Ce changement de décor, comme un interlude est censé détendre le spectateur.

Je formulerais une critique mineure sur cette déambulation de caméra. Raymond Depardon dans les interviews qu’il a accordé ne manque jamais de souligner les progrès de la prise en charge des malades mentaux, et il est vrai que depuis « San Clémente » son premier film sur le sujet, et même depuis « Urgences » les choses ont bien changé. Or, que nous montre-t-il ? Des espaces propres, (l’hôpital le Vinatier est neuf), de longs couloirs blancs et déserts zoomés, puis pesamment, un lit de contention. L’imaginaire du lit de contention depuis que les États-Unis exécutent ses condamnés par injection létale a quelque chose de terrifiant. Idem les va-et-vient de ce pauvre homme édenté, (on pourrait commenter ce seul  détail) probablement rendu aussi chronique par sa maladie que par le système, dans son petit espace grillagé, qu’apportent-elles ? Comment peut-on se saisir de ces images ? Que peut-on en faire ? Ces séquences constituent une sorte de hors-champ artificiel qui empêche d’imaginer la vie même de ces malades hospitalisés. Vie qui ne comporte pas que solitude mais aussi promiscuité. Celle des autres patients, celle des soignants et en général, la cohorte de tous ceux qui passent et qui peuvent vous regarder ou pire encore, ne pas vous regarder, dans ce lieu là. En outre, je ne saurai l’affirmer, mais il me semble que l’essentiel a été tourné dans une Unité pour Malade Difficile (UMD), je n’imagine pas tant de grillages ailleurs. Ceux-ci ne représentent pas, et loin de là,  le lieu de vie de l’ensemble des malades soignés sous contrainte.

Avec Raymond Depardon, les images sont belles, elles nous montrent ce que nous ne voyons généralement pas, mais dans ce cas, le parti pris poétique et esthétique fait un peu écran. D’autant que cette déambulation, flânerie de la caméra est soulignée par la musique impressionniste d’Alexandre Desplat. Peut-être Raymond Depardon voulait-il avant tout transmettre une sensation, une sorte de mélancolie. Avec la tristesse, il nous donne la note juste, l’état d’esprit qu’il faut pour sentir le film. Et puis, c’est toujours une question de focale.

 Mais venons-en au sujet, ce que nous dit le film, ce qu’il a de remarquable : ce sont des malades, privés de liberté pour lesquels un juge, pas spécialement formé en psychopathologie doit valider ou invalider une hospitalisation contrainte. Et ça, c’est nouveau et intéressant au plan symbolique car l’article premier des droits des personnes hospitalisés en psychiatrie dit ceci : « Toute personne faisant l’objet de soins psychiatriques ou sa famille dispose du droit de s’adresser au praticien ou à l’équipe de santé mentale, publique ou privée, de son choix tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du secteur psychiatrique correspondant à son lieu de résidence. »

Ce principe fondamental  ne peut connaître aucune entrave. Et lorsque cette procédure aboutit à un pourcentage significatif de main-levée, ici 9% on se dit que cette mesure était parfaitement justifiée. Il est toujours possible qu’ un juge commette une erreur d’appréciation. Elle lui sera reprochée et le dispositif se renforcera. Primat de la liberté, cela constitue toujours un progrès humain et le juge  représente  celui qui protège  la liberté de l’individu.

Quant à l’enfermement, s’il est parfois nécessaire pour protéger le patient contre lui-même ou protéger la société, il n’en conserve pas moins dans l’absolu, un caractère de punition. Pour les justiciables de droit commun, il y a deux options, réparation et punition. Parmi les punitions il y a la privation de liberté. Je ne vois pas par quel miracle, une personne privée de liberté, ne pourrait pas se considérer comme punie. Et l’enfermement a toujours un caractère totalitaire. L’homme enfermé se voit dépersonnalisé, il ne décide plus rien, ni de son temps, ni de ce qu’il doit où peut faire. Il est soumis à l’organisation bureaucratique de l’institution qui le contient. Et pas seulement soumis, il y est infériorisé par l’asymétrie des relations. Sa vie privée lui échappe*(1). Raison de plus pour en user qu’en dernier recours.

Les malades que nous voyons dans 12 jours, portent en eux tous les conflits, toutes les folies de la société dans laquelle ils vivent, nous baignons dans le même jus. L’on y  voit apparaître des mots, kalachnikov, harcèlement, viol, etc. Depuis, toujours les malades mentaux se sont fait l’écho de nos violences* .Le documentaire ne s’arrête pas là, il montre la souffrance… La maladie mentale n’est pas une originalité , une esthétique filmique, elle est d’abord une douleur et parfois, la pire d’entre elles. Quant à l’enfermement, c’ est une violence, parfois nécessaire mais violence. Alors, l’introduction du juge dans un processus de décision, tout comme le raccourcissement des durées de séjour et des  soins alternatifs  qui se dessinent sont des progrès. L’un est scientifique, l’autre est juridique. Ce dont témoigne « 12 jours ».

Avec « 12 jours » Raymond Depardon filme la parole,  il filme  une  autre image des habitants. Raymond Depardon y   consacre son œuvre et quelle œuvre !

 

 

* (1) Voir  description des institutions totalitaires  dans « Asiles » de Erving Goffmann, éditions de minuit

*PS1 : j’ai oublié de répondre à l’un des cramés de la bobine sur la liberté de suicide. Le cas de la jeune femme suicidante, qui veut  sortir pour se suicider, mais veut aussi conserver son gentil  chat et vivre dans un appartement thérapeutique parce qu’elle n’aime pas être seule, questionne sur son illusion rétrospective d’avoir toujours eu envie de se suicider et de le vouloir sans cesse. Tant qu’il y a du désir… Je zappe sur la  part  philosophique de votre questionnement, ma réponse ne serait pas au niveau.  J’ajouterai  que l’envie de sauver des vies ou d’assister les malades est incorrigible  pour tous médecins et pour tous  soignants en général, ils ne savent pas penser autrement, mais faut-il s’en plaindre ?

*PS2 : Pauline posait un  regard sur les juges, je regrette que nous ne soyons pas allés plus loin. 

*PS3 : J’ai apprécié le »salon d’apaisement » d’où sortaient des cris. Ce nom donné à une chambre capitonnée  a quelque chose d’Orwellien,  tendance 1984, comme on sait de mieux en mieux faire..

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les Gardiennes de Xavier Beauvois

 

 

Du 4 au 9 janvier 2018
Soirée débat mardi 9 janvier à 20h30

Film français (décembre 2017, 2h14) de Xavier Beauvois avec Nathalie Baye, Laura Smet, Iris Bry et Olivier Rabourdin

Distributeur : Pathé

Synopsis : 1915. A la ferme du Paridier, les femmes ont pris la relève des hommes partis au front. Travaillant sans relâche, leur vie est rythmée entre le dur labeur et le retour des hommes en permission. Hortense, la doyenne, engage une jeune fille de l’assistance publique pour les seconder. Francine croit avoir enfin trouvé une famille…

Présenté par Jean-Pierre Robert

 

« Moi mon colon celle que je préfère, c’est la guerre de 14-18 » Georges Brassens

Bavardage sur les gardiennes,

Quel beau film ! Jean-Pierre soulignait à juste titre l’art de Caroline Champetier, le cadrage en général est superbe. Un film un peu trop léché, un peu lent, académique remarquent Laurence et d’autres spectateurs. Pour ma part, j’aime la forme de ce film, je n’aurais pas voulu le voir autrement. Il ne manquait dans le paysage que coquelicots, bleuets,  nuées de papillons et autres traces de vie désormais  éradiquées.

D’un champ à l’autre, le hors-champ de cette campagne, ce sont les champs de bataille. Et Jean-Pierre souligne le nombre de morts. Nous avons tous lu des ouvrages concernant cette « grande guerre », la plus suicidaire de l’histoire de l’humanité jusqu’alors. L’Europe puis le reste du monde n’y ont pas été de main morte. Le tableau des morts sur Wikipédia restitue la réalité sèche de la chose – Entre les empires centraux et les puissances alliées : Match nul — on se partage 18,5 millions de morts, on ne compte pas les blessés.

Montrer le monde paysan dans un film n’est pas si courant, guère plus que montrer le rôle des femmes paysannes durant cette guerre. Bien aussi de voir qu’elles n’ont pas seulement assuré (comme on dit) mais qu’elles ont su incorporer le progrès technique. Notons en passant, d’une guerre à l’autre, les transferts technologiques réciproques militaires et civils. Les inventions agricoles ont permis la fabrication d’armes de guerre létales, tout comme les inventions militaires ont favorisé le développement de la mécanique agricole.

Avec 14-18, l’idée de guerre et ses techniques imprègnent plus que jamais nos rapports au monde, elle est quasi culturelle.

Cette famille paysanne qui est le prisme a travers lequel se déploie toute cette époque furieuse, porte en elle, dans son malheur, cette même furie. Son mépris de classe, ses rapports inégalitaires, ses rancœurs et batailles de territoire, ses intérêts supérieurs ou prétendus tels. Et pour sa paix intérieure, ses consolations religieuses et patriotiques.

Les personnages paysans parlent peu. On est à une époque et dans un monde, où les mots ont une grande valeur, ils engagent. Quant aux acteurs, on remarque surtout le trio de femmes. A commencer par Nathalie Baye, Hortense, avec ses traits durs, sa sueur profuse et obligée sous les aisselles, ses calculs de boutiquiers, ses regrets et chagrins, ses passions tristes en somme… Laura Smet, Solange incarne un rôle difficile, être désirée et désirante, et être mieux que sa mère, une gardienne avisée. Un dernier mot pour Iris Bry qui incarne Francine avec sa vitalité,  volonté et  résilience, Iris sait exprimer tout cela et  davantage encore. Alors faut-il en vouloir à la directrice de casting de nous faire perdre une libraire ?

Ce film montre l’intime proximité de l’élan vital et de la mort instituée. Et au total, que gardent les gardiennes ? La place laissée vacante par les hommes et mieux encore…elles gardent l’ordre établi patriarcal, et préparent le monde technologique et  moderne de demain.

Un film bien écrit, avec de beaux plans, une belle musique (Michel Legrand), des personnages rares et justes, que désirer de plus, sans vouloir être trop présomptueux concernant ma mémoire, je tenterais tout de même de dire que j’ai vu ce soir un film mémorable.

Georges

CARRE 35 de Eric Caravaca

 


Film français (novembre 2017, 1h07) de Eric Caravaca

Synopsis : « Carré 35 est un lieu qui n’a jamais été nommé dans ma famille ; c’est là qu’est enterrée ma sœur aînée, morte à l’âge de trois ans. Cette sœur dont on ne m’a rien dit ou presque, et dont mes parents n’avaient curieusement gardé aucune photographie. C’est pour combler cette absence d’image que j’ai entrepris ce film. Croyant simplement dérouler le fil d’une vie oubliée, j’ai ouvert une porte dérobée sur un vécu que j’ignorais, sur cette mémoire inconsciente qui est en chacun de nous et qui fait ce que nous sommes. »

Présenté par Georges Joniaux

Notes film et débat :

De critiques élogieuses de Carré 35, le premier documentaire d’Eric Caravaca, il ne manque pas, et nous  sommes bien d’accord avec elles.

Difficile ce sujet du secret familial, il est souvent convenable d’être discret sur cette question, il est forcément personnel. Donc d’une manière générale, on n’en parle pas, c’est intime, en revanche on le représente souvent. Ciné-Trafic recense 240 films sur ce thème. La littérature et le théâtre en sont envahis. Nous avons tous de bons et moins bons souvenirs sur ces mises en spectacle.

 

Sa démarche est à la fois quête et enquête, affectivité et recherche quasi policière s’entremêlent dans une recherche de vérité dont quoi qu’il en soit, et c’est heureux, une part nous échappera toujours. Ce film montre la difficulté d’un cheminement vers le dévoilement d’un secret familial. Le secret familial, comme l’écrit Serge Tisseron dans son ouvrage (1) « la grande majorité des secrets a toujours concerné la naissance et la mort…Quant un parent tente de cacher un événement douloureux qui le préoccupe…son enfant le pressent toujours ».

La rigueur de l’homme Caravaca s’observe dans le choix des termes, y compris dans les interviews. Par exemple il dit :

« Tout a commencé par une « intuition » lors d’un tournage en Suisse, le décor du jour était un cimetière. Alors que je marchais dans les allées du « carré des enfants »,  j’éclatais en sanglots. « Je n’avais aucune raison de ressentir une telle peine. J’ai compris que je portais une tristesse qui n’est pas la mienne. »

Le lisant superficiellement, avant d’avoir vu son film, mon premier réflexe a été de me dire, c’est curieux cette expression : « une tristesse qui n’est pas la mienne », …Sa tristesse lui appartient, c’est la situation qui n’est pas la bonne (si l’on peut dire). En fait, réfléchissant davantage, sa formulation est juste : la tristesse qui n’est pas la sienne est celle de ses parents… Et donc la sienne par capillarité. Cette formulation délicate nous dit quelque chose de la transmission des affects et de l’attention qu’il porte à ses parents. Nul procès dans sa volonté de savoir et de comprendre. Quant à son film, il recèle des commentaires ciselés auxquels il faut prêter attention.

Caravaca, montre sans interpréter. Il n’interprète pas, cependant, il fait des analogies, et l’on peut les trouver curieuses, dérangeantes, pas à leur place. Le cœur du film, la mort et la vie cachées de sa petite sœur trisomique, à l’âge de 3 ans, avant sa propre naissance, voisine parfois avec d’autres sujets, images chargées de non dits, morbides et meurtrières tirées de notre histoire ; analogies ? C’est ce qui gène.

Révulsant, cet extrait de documentaire nazi des années 30, qui montre des enfants handicapés mentaux, maigres, peut-être choisis parmi les moins maigre d’entre eux, à demi nus, entassés sur des petits lits propres de circonstance, dans une salle commune. Horrifiants, les commentaires. Nous savons que ces petits enfants et des adultes handicapés ont été tués par injections létales, gazage,  « affamement », au cours de l’opération T4 réservée à ceux dont « la vie ne vaut pas la peine d’être vécue ».

Mais quel rapport avec le secret familial ? Le désir de mort pour les autres est une chose, peut-être avons-nous tous peu ou prou éprouvé ces pensées magiques, morbides ou méchantes, car nous sommes mortels, car il y a des choses en nous que parfois on aimerait bêtement tuer. Bref pour beaucoup, nous sommes névrosés. Mais là, tout de même, un dispositif de meurtre de masse, planifié, qui inclut des systèmes de propagande, de renseignement, d’oppression, de peur, d’organisation, et même « d’éthique »,  c’est un énorme pas ! À propos de pas, à combien de km de nous se trouvait et se trouve encore    l’Autriche ?

Passé cette séquence auquel j’ai consacré trop de lignes, tout le reste me convient, les ponts qu’il fait entre la mémoire collective, ici le colonialisme, ses spoliations, sa propagande et ses meurtres, et là la mémoire individuelle, de colons d’origine modeste, espagnols puis français, qui sont et seront des exilés. (Impeccablement débattue par Françoise, j’aurais aimé pouvoir prendre des notes). Concernant la visite des catacombes (crypte) des Capucins de Palerme, là encore Serge Tisseron nous donne des clés (2) en citant Nicolas Abraham : « la crypte désigne les situations dans lesquelles nous restons à jamais liés à un disparu par un secret inavouable »….

Je me rappelle aussi de l’intervention de Laurence qui observe que le Fils Eric parle très fermement à sa mère, cette femme belle, un peu altière, intelligente. Les enfants sont-ils les mieux placés pour ce genre d’expérience? Ils ont passé une grande partie de leur vie à trouver une formule pour écouter et surtout ne pas écouter leurs parents… Mais qui d’autre mieux que lui pouvait le faire? Quel que soit le ton qu’il prenne pour parler à sa mère, il aurait été mauvais. Le film montre une tentative d’en sortir, de se libérer de la honte et de la culpabilité, et une histoire d’amour dans une grande histoire qui elle ne parle guère d’amour. L’histoire d’une famille et d’une mère inconsolable (sauf au prix d’un lourd clivage)  qui voulait préserver ses autres enfants. En même temps, la reconnaissance profonde d’Eric Caravaca pour ses parents.

C’est une histoire douloureuse et nous la faisons nôtre, d’autant qu’elle en balaye d’autres, plus triviales. S’il n’y avait que ça, ce serait déjà bien, mais il y a tant d’autres choses essentielles…Et je suis déjà trop bavard.

Georges

 

 

 

  • Serge Tisseron, Les secrets de famille, QSJ3925, 2ème édition 2016 (127 pages)
  • ibid. page 85 bas de page, le psychanalyste Nicolas Abraham

La belle et la meute de Kaouter Ben Hania

Primé au Festival du Film Francophone d’Angoulême 2017
Du 7 au 12 décembre 2017
Soirée débat mardi 12 à 20h30

Film tunisien (octobre 2017, 1h40) de Kaouther Ben Hania avec Mariam Al Ferjani, Ghanem Zrelli et Noomane Hamda

Distributeur : Jour2fête

Présenté par Georges Joniaux

Synopsis : Lors d’une fête étudiante, Mariam, jeune Tunisienne, croise le regard de Youssef. 
Quelques heures plus tard, Mariam erre dans la rue en état de choc. 
Commence pour elle une longue nuit durant laquelle elle va devoir lutter pour le respect de ses droits et de sa dignité. Mais comment peut-on obtenir justice quand celle-ci se trouve du côté des bourreaux ?

Nous avons vu le 3e long-métrage fiction de Kaouther Ben Hania, un film remarqué par la critique* et par le public. Cette réalisatrice que désormais, il faut suivre. Ce film, je l’ai trouvé beau au plan formel. La forme plan-séquence, les ellipses, les couleurs qui grâce aux filtres virent du vert au bleu canard, au bleu pétrole, bref toutes  les déclinaisons de la petite robe bleue de Mariam (le personnage), comme une aura partout où elle se trouve. Cette petite robe jolie pour danser, est un signal pour les prédateurs, et devient inconvenante à l’hôpital ou dans les locaux de la police. Pour elle-même, elle devient certainement un signe de faiblesse et de dénuement extrême, de misère, de souffrance. Ajoutons qu’en outre Mariam est un peu gauche dans ses chaussures à hauts talons. En outre, Mariam (l’actrice) est une comédienne physique, les mouvements de son corps, ses expressions, moues, ses balancements, ses paniques, tout transpire. Elle exprime la violence qu’elle subit par tous les pores.( ?).

 La réalisatrice a voulu nous montrer à la fois la violence, l’oppression de pouvoirs institués (mais déviants) et en même temps la montée d’une conscience et le courage de cette jeune femme, souvent seule contre tous. Son film est remarquablement servi par son actrice dont les métamorphoses psychologiques et la gestuelles sont étonnantes. Kaouther Ben Hania n’a pas voulu montrer le viol, et c’est un bon choix. Les films qui le montrent sont légion, à l’exemple de Rosemary’s baby, les chiens de paille, Dupont la joie, Orange mécanique, délivrance, elle, Irreversible, etc. Elle a voulu montrer juste après, dans la durée d’une nuit au petit matin. Cette nuit contient les prémisses de l’histoire qui suivra, c’est-à-dire l’opprobe paradoxale décrite dans le livre de Meriem Ben Mohamed, « coupable d’avoir été violée ».

Le contexte, rappelons que la Tunisie où se déroule le film est un pays qui dispose d’un arsenal législatif plutôt enviable. Qu’elle a devancé bien des pays en matière de parité homme-femme, et pas seulement des pays musulmans, en matière d’éducation, de santé, et de droits civiques. Cependant l’état de corruption antérieur, la montée des intégrismes finissait par remettre en cause ces droits.

Corruption partout ne signifie nullement corruption de tout le monde, en Tunisie comme ailleurs. Demeure néanmoins ce qu’observait à juste titre Jean-Pierre, soit un appareil policier qui héritier de politiques et de pratiques autoritaires depuis des décennies, n’est guère disposé à voir ses acquis et ses modes de fonctionnement remis en question. Remarquons tout autant l’observation de Serge, l’histoire de cette jeune femme dépasse le cadre tunisien, la police dans son ensemble, lorsqu’elle est dans cette même situation de « bavure », manifeste le même autoritarisme, le même corporatisme, la même mauvaise foi et génère les mêmes craintes de la part des usagers ou citoyens. Demeure, qu’il nous est plus aisé d’observer la sociologie des autres que la nôtre.

Ce film, nous le voyons au moment où en France comme ailleurs, des dossiers de harcèlement sexuel sortent de tous les tiroirs. Nous le voyons aussi au moment où l’on est confirmé dans l’idée que guerres actuelles = viols de masse institués, planifiés. C’est mon regret de l’instant que nous n’ayons pas parlé de sexualité violente et meutrière, de pouvoir et domination après la belle et la meute.

Parmi ce qui fait la qualité des rapports d’une population à ses institutions, c’est en cas de manifestations dysfonctionnelles, la réactivité et l’efficacité politique pour corriger et prévenir les choses. En Tunisie, les lois de Juillet 2017 sur la violence faite aux femmes ainsi que la loi d’août 2017 concernant l’autorisation de mariage d’une personne musulmane avec une personne non-musulmane devraient changer la donne.

Parmi ce qui fait la qualité des rapports d’une population à son pays, il y a le partage, l’ouverture et le rayonnement de sa culture, nul doute alors que l’essor du Cinéma Tunisien, l’apparition de réalisateurs tels que Kaouter Ben Hania est une chance et pas seulement pour la Tunisie. Le bon cinéma ouvre l’horizon. Souhaitons alors à la Tunisie dont le ministère de la culture a co-financé ce film, de continuer à promouvoir les rapports confiants qu’elle manifeste envers ses artistes.

 

 

*(si vous avez aimé ce film d’une manière mitigée, vous serez conforté par la lecture de Critikat et si vous l’avez aimé, les revues ne manqueront pas)

 

 

 

 

 

retrospective des frères Coen (2)

 

 

Des frères Coen, comme beaucoup d’entre nous, j’ai vu certains de leurs films plusieurs fois, sur grand écran et à la télé. Mais un festival, un grand écran dans une belle salle, c’est autre chose vraiment. Ajoutons, voir ces fims à la suite, présentés, commentés, éclairés par Thomas Sotinel, critique de cinéma au journal Le Monde, pour le public des cramés de la Bobine à Montargis et pour l’amour du cinéma, c’est inespéré.

Ce que je note sur ces six films, c’est que nous avons vu des personnages qui souvent, à la suite d’un malentendu, se retrouvent pris à leur corps défendant, dans l’enchaînement de situations absurdes qui ne pouvaient être autrement, fatales en somme. Situations qui sous le coup des passions prennent des formes de quiproquo, d’erreurs de jugement, de carambolages à la façon billard, et de heurts voire de chaos. Tout finit par aller pour le mieux quand chacun des personnages, est comme le souligne le cow-boy (Sam Elliott) dans The Big Lebowski, exactement à sa place, tel le Dude.  Mais dans le cinéma des frères Coen ce n’est que rarement le cas.

Dans Blood Simple (Sang pour Sang), la jalousie et le dépit meurtrier de Julian, de faire disparaître sa femme et son amant produisent un enchaînement de violence meurtrière dans la confusion la plus totale. Dans Barton Fink le jeune auteur de théâtre accepte de travailler à Hollywood, cette machine à produire des rêves à la chaîne. Barton y est franchement décalé, il a accepté un rôle qui n’était pas le sien. Dans son hôtel désuet, il a Charlie Meadows pour voisin…Hollywood, c’était un peu tenter le diable. Burn after reading est une tentative de chantage stupide qui s’agrège à une conjonction de petites transgressions et de mensonges ordinaires formant un imbroglio inextricable qu’une seule, absurde et sage décision de l’officier de la CIA finit par dénouer. A serious man est plus tendre, c’est celui que je préfère, mais non le moins désespéré, ce pauvre Larry se retrouve dans une sorte de maelstrom.  Le festival se termine par Inside Llewin Davis, et là vous avez lu Marie-No, plombant et superbe à la fois, mais dans ce film on voit un homme qui a prise sur les choses…comme on a prise sur une savonnette mouillée, il est vrai.

Les films des frères Coen nous montrent  des personnages  un peu faibles, parfois stupides, parfois moches. Seuls les personnages « syntones » s’en tirent plutôt mieux et ils sont rares…et encore! prenons ce pauvre Larry, c’est Job !  Mais, s’en tirer où non dans le monde des frères Coen où la loi de l’emmerdement maximum règne, n’est pas le plus important, l’essentiel  c’est d’être élégant.  Les personnages, sincères, en harmonie avec eux-mêmes sont élégants.

PS : je me relis ce matin, j’oubliais, comme si c’était normal, tellement c’est habituel chez eux, et pourtant rare dans l’ensemble, l’humour… et l’humour est rare et le leur épatant . 

Demain et tous les autres jours de Noémie Lvovsky

Du 2 au 7 novembre 2017
Soirée débat mardi 7 à 20h30

Film français (septembre 2017, 1h31) de Noémie Lvovsky avec Luce Rodriguez, Noémie Lvovsky, Mathieu Amalric,  Anaïs Demoustier     Distributeur : Gaumont

Présenté par Georges Joniaux

Synopsis :Mathilde a 9 ans. Ses parents sont séparés. Elle vit seule avec sa mère, une personne fragile à la frontière de la folie. C’est l’histoire d’un amour unique entre une fille et sa mère que le film nous raconte.

Pour continuer la conversation :

Un film qui parle de maladie mentale d’une mère du point de vue de son enfant, voilà qui doit être salué. Même si ce film utilise des métaphores, du merveilleux,  même si parfois il atténue la dureté de vivre avec une mère souffrant de troubles schizo-affectifs, passant de la bizarrerie au repli sur soi, de l’errance solitaire à la tendresse excessive…Ce film dit une souffrance  et en même tant un bonheur, un amour, une tentative toujours recommencée d’amour. Cette enfant sait qu’elle est aimée. Même si cet amour souffre de contradictions,  même si parfois seule, livrée à elle-même, elle est en danger.

Enfant soignant, enfant prothétique ? non, disent Marie-No et Françoise, elle n’apporte aucun réconfort à cette mère qui va dérivante. J’ai tendance à penser  qu’on n’en sait rien. Qu’on ne sait pas par exemple si la vie de cette mère n’a pas été adoucie, rendue plus sensée par cet amour réciproque. Je ne sais pas si cette enfant  n’a pas développé une sensibilité, une éthique et une compassion plus solide en fin de compte.

Voici un bout d’article sur lequel je tombe dans doctissimo :

« Maladies mentales : des pathologies fréquentes : Selon l’OMS, les maladies mentales affectent une personne sur cinq chaque année et une sur trois si l’on se réfère à la prévalence sur la vie entière. Des travaux plus récents menés en Europe ont réévalué à la hausse le nombre de personnes affectées par un trouble psychiatrique. Ainsi, selon une étude menée en 2011, 38 % de la population européenne ont souffert d’une maladie mentale au cours des douze derniers mois. »

Parmi eux,  combien de troubles schizo-affectifs ? 2% de la population, ça fait 1million 300 000 personnes tout ça…Tout cela dans le plus parfait silence, dans le déni total. On ne se connaît et se reconnaît qu’entre gens « normaux ».

On observe aussi que la plus grande part des dégâts  causés aux enfants le sont par des gens normaux. Il est vrai qu’ils  sont les plus nombreux. Par exemple, l’habitus allemand d’avant guerre  fait de rigidité, d’hyper normalité  de masse a provoqué une éducation des enfants propice au suivisme et aux meurtres de masse . La normalité d’Eichman et celle de Douch font frémir. J’ai pris des exemples criants. N’allons pas si loin, on voit à longueur de temps les gens raisonnables mentir, voler, exploiter,  spolier, détourner, amasser, exclure, être de mauvaise foi,  devenir tels un certain président des Etats Unis etc… Par bonheur, tous les gens normaux ne sont pas méchants, bien loin de là. Mais la normalité est un argument trop facile, trop passe-partout, trop assuré, trop impératif.

A ce propos, permettez-moi une citation de Roger Caillois que je viens de lire et qui m’a donné l’impérieux besoin de la  taper sur mon micro : « Je ne puis m’empêcher de penser que cette réussite insensée, lente puis précipitée d’un primate obscur pour avoir pu lui inspirer le goût désormais instinctif, c’est à dire à la fois salutaire et aveugle, pour les démarches de l’esprit et pour avoir suscité en lui cette crédulité à leur égard qui, par instant m’épouvante et qui continue de me cabrer ».

Tout ça pour dire que J’aime ce film de Noémie Lvosvky parce qu’il cherche à dire vrai. Il montre l’une de ces êtres fragiles qui souffre de troubles schizo-affectifs, en débat avec le monde et elle-même, dont la rationalité nous échappe autant peut-être qu’à elle-même. Et qu’en ça, Noémie Lvovsky ne fait pas seulement de l’art, elle fait oeuvre utile. Elle le fait avec poésie, tendresse,  sincérité, courage…et comme une artiste tout de même.

Georges

Une vie Violente Thierry de Peretti (2)

J’aime ce cinéma-là, certainement celui d’un réalisateur qui compte. Commençons par écouter sa musique, elle dit des choses. Dans l’ensemble ce n’est pas la mienne, elle ne me correspond pas. Pourtant dans ce film, elle apparaît évidente. Notons aussi un morceau filmé joué par un musicien, c’est L’Oru par Pétru Bracci, dans sa cellule de prison, il chante et s’accompagne de sa guitare, magnifique.

Cette musique dit ce que dit le film, elle indique l’intime mélange de contemporain et de tradition. Elle n’exagère rien, elle accompagne,  elle est au service de l’image. On a l’illusion qu’elle forme une sorte « d’échafaudage musical » pour chaque plan.

Mais justement, venons-en aux plans, ils sont brefs et allusifs, par exemple : vue sur une cueillette des kiwis (le mois d’août) sous le ciel corse, à deux pas de la mer, puis en contrechamp, arrive une procession d’autos qui s’arrêtent non loin, puis on se rapproche des voitures, on ne comprend pas tout de suite, on va assister à une violente et méthodique scène de meurtre… Fin de séquence, un homme invite les cueilleurs de kiwi, sans doute des saisonniers, à n’avoir rien vu. Ou encore cet autre série de plans : le bar (le passeur naïf), le juge (l’innocent), la prison (gogolito). Ces plans sont comme sa musique, ils sont brefs, ils bousculent, au même rythme. Le hors-champ est l’autre musique qui accompagne le film, il est partout. Cette musique-là, est celle de chaque spectateur.

Lorsqu’on regarde une minute sur Wikipédia le travail de Thierry de Peretti, on constate qu’on a affaire à quelqu’un qui doit connaître parfaitement les ressorts de la tragédie. Ici, son unité de lieu c’est la Corse…

Sur le fond, notons en passant qu’il aime Léonardo Sciascia, ce grand écrivain sicilien. On retrouve en filigrane dans son film, quelques thèmes tels le meurtre toujours recommencé, ou celui d’une humanité qui aurait congédié le diable pour incompétence.

Mais il y a d’abord le titre, Une vie violente : impeccable — Pas « vendeur » mais honnête et rigoureux — C’est aussi le titre d’un roman de Pier Paolo Pasolini, sans aucun doute une autre référence pour T. de Peretti et pas seulement pour son roman, comme on s’en doute.

Allons à l’histoire maintenant. Stéphane, le héros tragique du film, est un personnage qui s’inspire de Thierry Montigny, un jeune homme assassiné en août 2001. Du coup, je me suis arrêté sur les coupures des journaux de l’époque. C’est curieux de lire ces vieux articles des années 1996, 2000… Ils sont forts ces journalistes. Libération, le Parisien et le Point nous restituent une sorte de film qui tient du film noir et du Far West.

Lorsque ces événements sont repris dans Une vie violente, curieusement, ce n’est plus du Far West, c’est juste noir, la vie de Stéphane est une sorte d’engrenage qui va du rêve d’un monde meilleur au cauchemar ; la violence, la méfiance, l’inquiétude, l’angoisse et la peur dégoulinent de partout. On se rend compte alors, lorsqu’on a feuilleté les journaux de l’époque, que si l’on excepte quelques transpositions, ce film est un quasi documentaire. Décidément Thierry de Peretti travaille ses films comme Léonardo Siascia travaillait ses livres, proches des faits. On y reconnaît l’Armata Corsa, les FLNC, la brise de mer, des commis de l’état (ex-ministre, agents de renseignements, élus locaux etc.) On peut mettre des noms sur certains personnages, pour ne citer qu’eux, J.M. Rossi, F. Santini, T. Montagny, D. Marcelli. Les acteurs qui incarnent ces personnages apparaissent crédibles, justes.

Je revois la scène de prison, l’ambiance y rappelle Un Prophète d’Audiard. François parle du mouvement de libération de la Corse avec Stéphane, il le forme ; sa manière d’avancer vers son but, tout en fausses nuances et en fausses hésitations, ses inflexions de voix sont convaincantes. J’imagine que Stéphane, jeune homme romantique, lecteur d’ouvrages sur l’émancipation des peuples tels ceux de Frantz Fanon, lui-même à la recherche de sa propre émancipation, ne pouvait résister à François, au charisme de François, à l’image paternelle de François, lui qui n’avait plus de père et qui sans doute, cherchait à en adopter un.

De Stéphane qui représente Thierry Montagny, T. de Peretti nous dit que s’il l’avait connu, il aurait pu devenir un ami. Dans l’article précédent, Marie-No décrit bien ce personnage. Il y a quelque chose de touchant, de sincère, chez lui. Mais, il y a aussi la demi-teinte, une zone grise. En témoigne son dialogue ambigu avec des trafiquants, il ne leur propose rien de moins que d’arbitrer intelligemment entre la chose privée (vols, trafics divers) et la cause… Il a aussi la fatuité naïve d’imaginer qu’il appartient à ceux qui comprennent les fins dernières du mouvement. T.de Peretti n’a aucune complaisance avec cet ami potentiel, il le voit à bonne distance. Avec empathie mais sans complaisance.

L’analyse solide, terre à terre, sans demi-teinte dans ce fatras violent d’actes et de mots, revient aux femmes, à la scène des femmes, elles décrivent avec humour et fatalisme ces illusions mortelles, la mécanique mimétique de la violence, de la vengeance et des morts annoncées. Ce sont elles qui résument et dénoncent, ce sont elles qui disent l’histoire telle quelle. Cette séquence respire la vérité, on en est convaincu lorsqu’on lit les témoignages lucides des mères de Dominique Marcelli ou de Thierry Montagny. Quel courage !

En fin de film on voit Stéphane marcher seul dans la rue, à découvert alors qu’il est menacé de mort, vers où ? Vers quoi ? Il se rappelle qu’à l’âge de cinq ans il a vu, gisant dans son sang sur le sol, un homme tué par balle. Il aurait aimé qu’on lui dise « ce n’est pas vrai ». L’imagination ne peut rien contre la réalité. Et la réalité du jour se l’imagine-t-il dans son horreur ? Lui qui marche ses dernières minutes, ses derniers pas vers la fin de son histoire ?

C’est fini ? Pas tout à fait, le spectateur de Une vie violente se voit transformé en une sorte de sparing-partner, bousculé par la musique du générique. Nous, aux Cramés de la Bobine, ça va, on prend le temps de discuter du film, mais pour les autres… vous ne pensiez tout de même pas vous lever et sortir comme ça, peinards !

Georges

PS : Souci du détail, les femmes fument des « Muratti », comment ont-ils fait pour retouver un paquet de Muratti ?

 

Le vénérable W de Barbet Schroeder

Ce film a été présenté en Séance Spéciale au Festival de Cannes 2017 Semaine du 12 au 17 octobre 2017

Soirée-débat lundi 16 à 20h30

Présenté par Eliane Bideau

Film français (juin 2017, 1h40) de Barbet Schroeder avec Barbet Schroeder et Bulle Ogier

 

Synopsis : En Birmanie, le « Vénérable W. » est un moine bouddhiste très influent. Partir à sa rencontre, c’est se retrouver au cœur du racisme quotidien, et observer comment l’islamophobie et le discours haineux se transforment en violence et en destruction. Pourtant nous sommes dans un pays où 90% de la population est bouddhiste, religion fondée sur un mode de vie pacifique, tolérant et non-violent.

Excellente soirée de lundi. Bravo pour la présentation documentée d’Eliane, et pour les bases historiques afin comprendre la genèse des événements, j’ai aussi apprécié  le débat plutôt riche.

Comment apparaissent les W dans notre monde ? Celui-ci avait un visage de beignet au miel, un sourire épanoui, une voix douce et suave, sans oublier son côté rondelet comme un moine, rassurant. C’était un vraiment un étonnant  W.

Il faut l’entendre parler des poissons-chats. On voit que c’est un homme qui les connaît. Il ne les aime pas beaucoup ces poissons-chats du Nil et il se trouve qu’il n’aime pas non plus les musulmans qui dit-il,  leur ressemblent. Le Nil est loin et les musulmans sont près. Or, on ne met pas de temps à découvrir que le vénérable W est un manipulateur pervers. Sa rhétorique est celle de tous les génocidaires et épurateurs ethniques : cancrelats, porcs, rats vermines. Pour W qui est moderne doté d’un Iphone à grand écran, ce sont donc les poissons-chats, pas les perches, les poissons-chats qui font l’objet de son ressentiment.

Ces métaphores animalières annoncent les pogroms et le gaz ici, les viols systématiques et la machette là… On n’est pas privé d’images atroces qui montrent feu, tortures et meurtres d’hommes, de femmes, d’enfants. Et on suspecte que  le vénérable W contribue résolument à ces crimes.

En Birmanie,  quand cette  machine est lancée, contre  le pauvre peuple musulman-birman, la compassion du bouddhisme s’arrête ou commence les maisons des musulmans. Et l’on peut voir que  ces maisons, les bouddhistes* les brûlent.

Au demeurant, je me pose quelques questions :

Pourquoi l’a-t-on sorti de sa boîte ce W ? (car il était en prison). Ce type semble être un agent provocateur, une sorte de précurseur,  un manipulé-manipulateur.  Si cette impression est correcte, pourquoi a-t-on tenu spécialement à ce que  ce discours  de haine génocidaire  soit assuré par un bouddhiste, est-ce à ce point fédérateur ?  Pourquoi l’armée a-t-elle eu besoin d’un type comme lui en première intention ?  Nous vérifions que désormais, elle le rend moins utile en agissant à visage découvert et d’une manière franche… si l’on peut dire.

On observe que dans le reste du monde,  les thèses et pratiques islamophobes sont les mieux partagées, Trump, les gouvernements chinois et  Indiens etc. Il y a une athmosphère de permissivité exceptionnelle ces derniers mois pour faire le malheur et persécuter les minorités. C’est le moment opportun.

Pour le vénérable W,  avec toute cette concurrence, sa célébrité risque de  tenir à peu de choses,  comme tout produit, il devra demeurer «  efficace et utile » dans sa violence pour surmonter son obsolescence.

C’est un grand mérite de Barbet Schroeder de réaliser ce cinéma là, de nous présenter ces personnages méchants, de les faire entrer dans notre conscience.

 * ou prétendus tels! en fait, c’est toujours le fond raciste qui est mobilisé, et ça c’est assez transversale comme notion.

 

Gabriel et la Montagne de Fellipe Barbosa


2 prix et 2 nominations à la Semaine de la Critique à Cannes en 201

Du 5 au 10 octobre 2017
Soirée débat mardi 10 à 20h30
Présenté par Jean-Pierre Robert

Film brésilien (vo, août 2017, 2h11) de Fellipe Barbosa avec João Pedro Zappa, Caroline Abras et Alex Alembe
Synopsis : Avant d’intégrer une prestigieuse université américaine, Gabriel Buchmann décide de partir un an faire le tour du monde. Après dix mois de voyage et d’immersion au cœur de nombreux pays, son idéalisme en bandoulière, il rejoint le Kenya, bien décidé à découvrir le continent africain. Jusqu’à gravir le Mont Mulanje au Malawi, sa dernière destination.

 

Ravi de cette soirée, il y a des films comme ça, qui captivent sans qu’on sache très bien pourquoi, qui intriguent sans qu’on sache exactement ce qui intrigue et c’est le cas de Gabriel et la Montagne.

La présentation et la discussion étaient éclairantes, beaucoup de choses ont été dites qui soulignent les différentes facettes de cette triste histoire. Pour ma part, peut-être aurais-je pu donner un point de vue si la discussion avait eu lieu trente minutes plus tard, nous y sommes et je suis à la maison… C’est pour ça que je me mets au clavier.

Ça commence par deux paysans noirs qui cueillent des sortes de joncs avec une machette. Il y a un contraste entre leur déplacement tranquille et la vivacité, la vigueur qu’ils déploient pour les couper et les débarrasser des autres herbes. Et puis nous assistons à la découverte de Gabriel, recroquevillé dans une grotte. Il est mort. Et cette image, a peine entrevue sera décisive pour regarder le reste du film. On ne cesse de voir un homme qui va mourir, on a été témoins de la découverte de son cadavre dès le début.

Après les présentations si l’on peut dire, ce sera un hyperflash-back en quatre étapes kényanes, tanzaniennes, malawiennes, qu’on va regarder comme une sorte de road movie et un compte à rebours réunis. Le jeune homme Gabriel (Joäo Pedro Zapa) nous intrigue. Il y a chez lui des traits magnifiques, candides, sincères, généreux. Il a cette faculté remarquable à entrer en contact, à fraterniser avec ses rencontres. Bref, il est une personne à qui on ne résiste pas, d’autant qu’il affiche en permanence un superbe sourire. Et comme ce personnage a existé, qu’il a été l’ami de Felippe Barboza, on devine que ce film est à la fois un hommage et l’histoire d’un chagrin pour un ami disparu. On suspecte alors la détermination de Barbosa à réaliser ce film qui finalement ne raconte pas grand-chose et qui pourtant le raconte bien. L’histoire de Gabriel au sourire si ouvert, un personnage charmant, séduisant.

D’autres traits psychologiques interpellent chez Gabriel. Ce jeune homme est comme mû par une sorte de puissante pulsion vers l’avant, il lui faut toujours avancer, et son passeport de globe-trotter et la logique de ses déplacements nous échappe. Tout autant, ses rapports à ses guides, ce garçon a la bougeotte aurait dit ma grand-mère. Par exemple, il y a ce désir de monter au sommet du Kilimandjaro, au plus vite et sans délais. Une fois au sommet, il se livre à un rituel intime qui consiste à y enterrer la photo de son père mort quatre ans plus tôt. Jean-Pierre a souligné l’importance de ce père. Quand le sommet de la montagne, c’est papa, on est bien petit.

Comme il a un contact sympathique et familier avec les gens, son tourisme chez les habitants (qui le plus souvent n’en peuvent mais.) peut se voir à la fois comme fraternel et comme une sorte d’exigence infantile : « C’est chez toi que je veux aller ». Autre trait un peu infantile, l’habit offert par un Massaï, dont il se vêt, comme un enfant le ferait d’une panoplie. Avec cet accoutrement fantaisiste, dont il ne se défait pas même pour dormir, ni pour aller accueillir sa fiancée à l’aéroport, une fiancée au demeurant peu étonnée et parfaitement tolérante.

C’est donc un homme pressé, un peu immature,  qu’on nous décrit, qui va rapidement d’un lieu à l’autre, d’une amitié à l’autre. En fait, c’est un homme sans frontière, ni entre lui et l’autre, ni d’un territoire à l’autre. Il a aussi le sentiment d’être physiquement tout-puissant, il marche vite, court comme un cabri, s’approche des animaux sans crainte etc. Il est probable que Felipe Barboza ait perçu chez Gabriel ses traits d’humeur hypomaniaques, fantasques. Gabriel, une personnalité heureuse de vivre en apparence mais qui au fond de lui-même est peut-être triste, sombre même car la frontière entre joie et tristesse est toute fine quand on a la personnalité de Gabriel.

C’est aussi pourquoi, Barboza nous induit à penser à une mort volontaire de Gabriel, une sorte de suicide. Il y a en effet un événement de vie qui corrobore la tristesse sous-jacente, la mort du père il y a quatre ans . Les personnes telles que Gabriel font souvent leur deuil à retardement. Il y a aussi la tristesse de quitter l’Afrique, le devoir de s’engager dans la « vraie » vie. Mais on peut aussi voir les choses d’une manière plus banale. En montagne les nuits sont particulièrement froides, le temps change vite, on se perd facilement, il faut y être bien équipé. Ce n’était pas le cas de Gabriel qui surestimait sa puissance, qui dormait peu, voyageait léger (c’est un euphémisme) et souvent la nuit… Et il se peut que les deux motifs soient liés, un peu des deux.

Ce film n’est pas seulement un film de reconstitution d’une cause de mort et un hommage rendu à un cher ami, c’est aussi un film d’amour pour une Afrique et ses paysages. Cette Afrique des villages modestes et de la gentillesse de ses habitants.