La vieille dame qui marchait dans la mer de Laurent Heynemann

Marie a revu la vieille dame…

Quel portraitiste que San Antonio/Frédéric Dard ! Si j’étais prof. de français, je donnerais en exemple celui qu’il fait de la vieille dame au début de son roman.

Cette fois, c’est du film qu’en a fait L. Heynemann qu’il est question et, pour une fois, je n’ai pas été dépaysée en y entrant car j’ai rarement vu une mise en image aussi fidèle au texte. Et quel texte !!! Oreilles chastes, s’abstenir ; esprits coincés, aller voir ailleurs. Quelle truculence ! Quelle jubilation devant cette vieille nymphomane-escroque à l’allure pourtant très distinguée mais dont la bouche est capable de proférer les pires grossièretés. Jeanne Moreau y est hilarante, accompagnée de son vieux complice en escroqueries et vols divers, campé par un Michel Serrault en grande forme. Les insultes, gratinées, dites sur un ton de confidence ne sont jamais vulgaires, les sobriquets non plus et ils sont plus qu’inventifs.

N’oublions pas pour autant l’intrigue pseudo-policière à laquelle le couple associe un jeune gigolo dont la nymphomane de 80 balais tombe amoureuse… cela vaudra une trahison dont le vieux complice ne se remettra pas – moment où le rire nous quitte. Ajoutons qu’il est parfois teinté d’une tendre compassion pour cette vieille femme qui pourrait être pathétique sans sa verve provocatrice et son énergie à toute épreuve.

Marie

Quel film avez-vous détesté ? Barry Lyndon de Stanley Kubrick

J’ai détesté Barry Lyndon…..

Quand le film de Stanley Kubrick est sorti en 1975, j’avais dit que je n’irai pas le voir. Pourquoi ? Parce que j’avais lu le roman qui m’avait profondément ennuyée.

Seulement parfois on se laisse piéger par un/une ami/e  qui vous y traîne, vous assurant que c’est génial, beau, sublime, que l’esthétique du film est irréprochable, bref que c’est un chef d’œuvre et que, qui dit chef d’œuvre dit obligation d’avoir vu ! 

Alors j’y suis allée, dans cette belle salle obscure des Champs Elysées qui n’était pas éclairée à la bougie mais remplie comme un œuf  ̶  je ne vous raconte pas la queue sur le trottoir  ̶  salle remplie donc, de spectateurs avertis, ou non d’ailleurs… J’étais assise dans les cinq premiers rangs et j’allais en avoir plein les yeux.

Alors, oui c’est beau, les costumes, les décors, les éclairages (lumière naturelle et bougies), la musique (merci messieurs Bach, Haendel, Vivaldi, Mozart, Schubert, j’en oublie sans doute)…

Mais quel ennui ! Une histoire qui était la même que celle du roman de Thackeray ! Fidèle adaptation donc.

J’avais dû lire le roman en 3ème année de licence, mais le pire était à venir, peu de temps après, je recommence pour un concours, que je n’ai pas eu, la faute à Barry the rogue, à coup sûr !  

Désolée chers amis, je sais, la critique a adoré, et vous aussi je suppose. Mais on a le droit de détester un film que tout le monde aime et inversement, non ?  

Il n’y aura pas de rétrospective Kubrick aux cramés : tant mieux,  Barry Lyndon y aurait figuré en bonne place : j’aurais boudé la séance.

Thalia

https://youtu.be/EHQLPojPESc

Quel est votre film préféré? Aujourd’hui : Les vacances de Monsieur Hulot

«  LES VACANCES DE Mr HULOT »

de Jacques Tatischeff dit Tati.

Auteur, scénariste, réalisateur, acteur.

Comédie sortie en 1953, qui a connu trois versions. Durée 1h28

Tati est un humaniste drôle, une personne bienveillante, qui veut nous faire rire, mais n’est jamais cynique ou méprisant. C’est un artiste qui croit en l’Homme ( forte dimension sociale dans son œuvre). Le film est en noir et blanc.

Pourquoi penser aux «  Vacances de Mr Hulot » comme l’un de ses films préférés ?

La réponse est en partie dans le titre du film.

 Le premier mot «  vacances «  tout un symbole pour nous.

 C’est l’été, il fait beau, et ce sont des vacances à la mer, plus exactement près de St Nazaire sur la plage de Saint –Marc – sur – Mer. La plage dans notre imaginaire ouvre immédiatement plein d’images, d’odeurs, ( l’ambre solaire ) de bruits ( les vagues, les enfants, le vent) de souvenirs, plus ou moins lointains ( l’enfance , l’adolescence ). C’est un moment à la fois intime, la vie amoureuse, les copains, copines, et collectif ( le mois d’août tout s’arrête) .

Le deuxième terme «  Mr Hulot » ce personnage unique, le double de l’auteur, mutique, il prononce peu de mots et quand il parle on ne comprend pas ce qu’il dit ( voir la scène où il arrive à l’hôtel et doit prononcer son nom, avec la pipe dans la bouche ! oulo, ulo, il doit s’y reprendre à je ne sais combien de fois pour que l’hôtelier le comprenne. C’est un monsieur au visage assez ingrat, qu’on ne voit pas vraiment en très gros plan ( mais on voit sa pipe ) dont le corps longiligne et maladroit traverse tous les plans du film .

Il n’est pas comme les autres vacanciers, c’est une sorte d’exclu, il marche vite, à grandes enjambées,  le corps incliné, la pipe au bec.

Il est amoureux de la jolie vacancière qui habite en face de l’hôtel ( Martine ) mais toutes ses tentatives amoureuses échouent et quand il arrive à danser avec elle, c’est lors d’ un bal masqué ( son déguisement le protège).

Les lieux sont presque uniques : l’hôtel et la plage.

Le temps : un mois, le temps des vacances .

Les gags à la base du film. Il y en a plein, ils sont fondés sur la répétition le plus souvent tournés en plan séquences et requièrent la participation du spectateur. ( comique burlesque inspiré du muet avec des bruits).

Les personnages

Ils sont bien cernés, ce sont les vacanciers ; qui reviennent tous les étés à l’hôtel, se connaissent. Ce qui permet au réalisateur de critiquer une certaine mentalité petite bourgeoise, la vie est ritualisée et hiérarchisée. La cloche sonne l’heure des repas, ces derniers sont pris dans la salle à manger, elle aussi rythmée par les regroupements de table, les vêtements choisis par les vacanciers, les occupations diverses ( cartes, lectures, coups de fil répétés à Mr Smutte qui suit tous les jours les cours de la bourse).

Certains personnages sont assez antipathiques, tel le commandant empêtré dans ses souvenirs de guerre, Mr Smutte le financier.

D’autres sont sympathiques, surtout la dame anglaise qui aime bien Hulot ( elle aime sa fantaisie ).

Dans cet ensemble bien réglé, Hulot vient tout désorganiser ..il déboule comme un dingue dans l’hôtel, salit le sol, réveille tout le monde la nuit avec le feu d’artifice, a une voiture qui pétarade .

Il dérange l’ordre et le calme des vacanciers, et il ne fait rien comme tout le monde ( ne fait que des bêtises comme les enfants).

Justement, on peut beaucoup aimer ce film par la présence des enfants, leurs cris, jeux ( à la plage avec une loupe qui grille la peau d’un touriste endormi).

Leur innocence, leur poésie ( ce petit garçon qui monte les escaliers avec une glace dans chaque main est une merveille).

Et ces enfants qui jouent, s’interpellent, leurs babils forment l’un des atouts et charmes essentiels du film : la bande sonore.

Il y a peu, très peu de dialogues dans ce film, ce sont les bruits et la musique qui forment l’essentiel de la bande – son et de la texture du film. Tati disait qu’il préférait le bruit aux paroles..

La musique est d’Alain Roman ( ?) elle est célèbre et nous pouvons l’écouter sur France Culture tous les jours dans l’émission «  Les chemins de la philosophie » d’Adèle Van Reeth.

Musique, enivrante, joyeuse, dynamique, poétique, tout à l’image de ce merveilleux film.

A voir et revoir…

Françoise

Quel est votre film préféré? Aujourd’hui Le Messager de Joseph Losey

Titre originalThe Go-Between.

Vous souvenez-vous de ce film, The Go-Between? Joseph Losey, Palme d’Or 1971 à Cannes.

Adapté d’un roman de L. P. Hartley  publié en 1953, The Go-Between raconte l’histoire de Leo, jeune garçon de famille modeste, qui est invité par Marcus Maudsley à passer l’été dans la somptueuse maison du Norfolk de cette famille d’aristocrates. Ce sera pour Leo l’occasion de découvrir deux mondes qui lui sont étrangers et dont il ne connaît pas les codes : celui de l’aristocratie et celui des adultes. Leo va faire la connaissance de la belle Marian, sœur de Leo, qui va l’utiliser à des fins que ce dernier ne soupçonne pas. 

Le film est basé sur un retour en arrière : Leo adulte se remémore l’été chaud de ses 13 ans qu’il passa dans le Norfolk, été des découvertes et des déceptions, de l’illusion et de la désillusion, de l’humiliation, du mensonge, qui le firent brutalement basculer de l’enfance à l’adolescence. Été d’apprentissage…

Losey filme du point de vue de Leo, et montre cet apprentissage cruel qui marquera Leo à jamais. L’aristocratie britannique du début du XXème siècle est reconstituée avec grand raffinement, la différence sociale est accentuée par des mouvements de caméra allant sans cesse du haut vers le bas, les Maudsley regardant Leo avec mépris, et jouant de sa naïveté, se moquant de ses manières frustes. 

Voilà un film est très British ; les acteurs sont tous dans la justesse, Julie Christie (Marian) et Alan Bates (Ted Burgess) sont inoubliables, quant au jeune Dominic Guard, âgé de 14 ans à l’époque, il fait merveille.  La musique de Michel Legrand ‘court’ tout le long du film, à l’instar de Leo qui, tel Mercure, messager des dieux  ̶  on le surnomme ainsi, court apporter les lettres de Marian à Ted Burgess, régisseur du domaine et amant de celle-ci.

J’ai vu ce film dès qu’il est sorti, à l’époque je n’ai pas tout compris, et dans la foulée en cet été 1971, j’ai acheté et lu le roman : sublime!

Il fut adapté à l’écran mais aussi au théâtre. Certes le film est magnifique et si vous l’avez aimé, revoyez-le et lisez le roman qui commence par cette phrase reprise au début du film,  « Le passé est une terre étrangère : ce que l’on fait là-bas est différent. » (“The past is a foreign country: they do things differently there.”)

Chantal

https://youtu.be/ItRXk-2SnCI


Quel est votre film préféré ? Aujourd’hui Festen de Thomas Vinterberg

Hiver 1998. Je sors de la projection de « Festen », film réalisé par le danois Thomas Vinterberg. Je suis abasourdie, muette, taraudée par une angoisse sournoise. Les critiques en parlaient comme d’une bombe cinématographique ; je viens de me prendre la bombe en plein visage ; elle diffuse son malaise brutal et tenace. Incapable de dire une phrase qui exprime ce que je ressens vraiment, je me contente de me demander si j’ai bien compris, si j’ai bien vu, si j’ai bien compris ce que j’ai vu. J’ai le sentiment d’avoir été l’un des invités témoins de cette fête de famille . « Festen », la fête, à laquelle la famille et les amis du patriarche Helge, ont été conviés pour ses soixante ans. La fête familiale s’est transformée sous mes yeux en festin théâtral dénonçant l’appétit sexuel de l’ogre patriarche, amateur d’enfants, les siens, ses deux aînés , Christian et sa sœur Linda.

     Voilà la réalité inconcevable que mon cerveau a du mal à admettre. Je suis dans le déni, comme les invités de Helge. Ce n’est pas possible. Ce père débonnaire ne peut pas être le prédateur et le bourreau de ses propres enfants et qui plus est, sous le regard complice de la mère qui nie farouchement les faits. Mais en même temps, la détermination farouche du fils aîné Christian, de révéler les abus dont lui-même et sa sœur ont été victimes, s’impose tel un bulldozer. Sa force d’inertie a laminé les apparences bien lissées d’une famille bourgeoise propre sur elle, bien blanche, parfaitement idéalisée, pour révéler avec volonté et cruauté, les non-dits et les secrets bien gardés d’une famille qui se veut irréprochable.

     Voilà la réalité inacceptable : voir le masque de la famille modèle être enlevé, pour ouvrir les portes du cauchemar et des révélations sordides. Linda a fini par se suicider, Christian qui a pu fuir, garde des séquelles qui impactent sa vie d’homme.

      Réalité inacceptable ! Christian est forcément fou ! Il faut l’excuser. Mais il insiste. Il faut le faire taire à tout prix. A n’importe quel prix. Le bâillonner, l’éloigner,  le déstabiliser, le culpabiliser, l’empêcher, lui casser la figure, le ligoter…

     Il y a maintenant vingt-deux ans que j’ai vu « Festen », mais je peux encore ressentir cette sidération, ce silence obstiné qui nous a envahis, mon compagnon et moi à la sortie de la salle de cinéma.

 Dans ce film coup de poing, il y a de la critique sociale au vitriol et de la crudité sans fard  et l’intrigue se déroule en moins de vingt-quatre heures à un rythme effréné. Tout de suite, on perçoit le côté sombre et la violence des rapports entre les protagonistes. La fête va se déliter implacablement, sous les révélations, d’abord mesurées puis de plus en plus affirmées de l’aîné Christian, sommé par le père, de prononcer un discours. La tablée est venue pour s’amuser, s’empiffrer et picoler. Ils ne sont pas venus pour s’entendre dire que leur père, leur mari, leur frère, leur ami a été un père incestueux sous le regard faussement aveugle de sa femme. Mais peu à peu, les masques tombent, le spectateur assiste, médusé, à un étalage d’hypocrisie poisseuse, le film frôle le surréalisme et la violence des protagonistes crève l’écran pour mettre le spectateur K.O.

      Partagée, encore aujourd’hui, entre attraction et répulsion, je ne sais pas si j’aurais envie de le revoir. Pourtant, j’y vois cinq bonnes raisons.

           1- le récit est d’une intensité dramatique extraordinaire par la cruauté et les failles psychologiques qui animent les personnages.

           2- Conçu dans le respect des règles du Dogme 95, rédigé par Lars Von Trier et Thomas Vinterberg lui-même, « Festen » a été tourné dans des décors et lumières naturels, caméra à l’épaule, son en prise directe, sans musique additionnelle.

La mise en scène qui se tient au plus près des personnages permet au spectateur de comprendre et ressentir le mal-être exprimé.

           3- Le sujet brut, la pédophilie, est traitée sans voyeurisme. Le film ne tourne pas autour du pot mais les abus du père sur ses deux enfants sont seulement suggérés, jamais mis en images. C’est un film qui constate des choses,  rend compte de comportements humains sans donner de réponse.

            4- Magnifiquement interprété par des acteurs à fleur de peau, le film est porté par la force de leur présence et de leur interprétation. Chacun à sa place évolue, change, se heurte, se confronte dans un théâtre des sentiments.

            5- Enfin, le film a été multi récompensé :

  • Prix du jury au festival de Cannes en 1998
    • César du meilleur film étranger
      • Meilleur film en langue étrangère au Golden Globe

        Thomas Vinterberg a déclaré avoir eu envie de faire ce film quand une amie lui a raconté l’histoire vraie d’un homme qui, le jour des soixante ans de son père, a mis les crimes du patriarche sur la table. Le sujet n’est pas à la mode, à l’époque, et son producteur lui suggère de le remplacer  par le sida, beaucoup plus porteur, selon lui. Mais le réalisateur persiste. Non seulement il tournera un film sur la pédophilie mais il le fera en vidéo avec une caméra de piètre qualité et selon les règles du Dogme 95, aux antipodes des productions en studio. Un dogme jeté aux oubliettes par leurs concepteurs-mêmes.

            Un film à revoir, c’est sûr, d’autant qu’il a été restauré en 2018.

Marie-Annick

Merci et à Mercredi pour un nouveau « souvenir de Bobine »

Quel est votre film préféré? Aujourd’hui Un condamné à mort s’est échappé -Robert Bresson

Un condamné à mort s’est échappé n’est pas mon film préféré, c’est un film que j’aime particulièrement, je l’ai vu jeune, il m’a fortement impressionné, je l’ai revu plusieurs fois par la suite. Quelque chose me fascine dans ce film. Il y a une ambiance d’oppression et de suspens qui s’en dégage du début à la fin. Tout y participe, cette histoire, le son et l’image.

Bresson disait « il faut que l’image et le son s’entre-tiennent de loin et de près. Pas d’images pas de sons indépendants ». Dans un condamné à Mort s’est échappé, c’est une partition où les rares silences inquiètent davantage. C’est parfois le silence avant l’ouverture d’une porte…Avant le bruit des pas vers la cour, avant le crépitement de la mitraillette qui « exécute ».

De l’image, Gilles Deleuze observait : Bresson filme des petits morceaux d’espaces disjoints, parois, portes, que rien ne semble relier …Et ce qui relie ces espaces entre eux c’est la main du prisonnier dans sa cellule étroite. Stéphane Lépine, un critique canadien observait : « Les personnages sont toujours en mouvement, jusqu’à ce qu’on les arrête ».

D’abord, on voit un homme qui vient d’être arrêté, qu’on conduit en voiture, c’est le lieutenant Fontaine. D’une manière instinctive, comme un animal pris au piège, au premier arrêt, il tente de s’échapper en sautant de la voiture, vainement, il est aussitôt repris…

On est impressionné par cet instinct de résistance. Il risque d’être abattu, il le sait, mais ce qui compte pour lui ce n’est pas tant la vie que de se libérer. Maintenant qu’il est en prison, tous sens en éveil, sans cesse, il va chercher encore à s’échapper. Cette fois d’une manière posée, ingénieuse et méthodique, ce sera le corps du film.

Notable ce climat morne, léthargique, hérissé de sons de la prison. Les prisonniers marchent en rang, comme des automates, vers la cour pour vider leur seau où faire une toilette sommaire. On observe aussi qu’ils forment un tout quasi organique, l’un commence une phrase, l’autre la poursuit, comme si elle n’appartenait qu’à une seule pensée. Chacun sait qu’il faut économiser les mots, ils sont dangereux. Et quand un prisonnier est extrait de sa cellule ou séparé du groupe, la salle d’interrogatoire ou le lieu d’exécution n’est jamais bien loin. 

J’imagine qu’il y a quelque chose qui tient de l’énergie du désespoir là-dedans, il faut sans doute se dire : « je suis déjà mort, qu’est-ce que je risque de plus ? » Seul compte la tension vers le but… Se libérer, même si ça doit s’arrêter : « je lutte contre les murs, contre moi, contre la porte » dit-il à un autre détenu. Les bruits nous inquiètent ou nous rassurent, tel ce geôlier qui fait tinter sa clé contre les barreaux, et le bruit de ses clés qui s’éloigne, nous l’écoutons s’éteindre… Il faudra un mois de travail au Lieutenant Fontaine. Vers la fin des travaux, l’administration collaboratrice faisant les choses dans les règles, le conduit chez le juge qui lui annonce qu’il est condamné à mort et qu’il va être fusillé.

Au retour, il ne sait pas s’il est en route vers le peloton ou la prison. Ce sera la prison. Répis. Quelque temps après arrive dans sa cellule François Jost, un gamin déboussolé de 16 ans embarqué dans une histoire puérile de collaboration qui a tourné en mauvaise rixe. Il n’apparaît ni fiable, ni résolu, pourtant ils vont s’évader ensemble. 

Dernières images, la délivrance. La prison, ce monstre en digestion, dort. S’évader s’est faire et contrôler des cliquetis, jouer des ombres et de la lumière. Et au bout, cette fois-ci, entre mille, iI a gagné, il a reconquis sa liberté. Quant au jeune homme François qui l’accompagnait dans cette fuite, sans doute rarement aussi fier de lui – même qu’à ce moment précis, il lâche soulagé et heureux : « Si ma mère me voyait ! ». L’air doit être frais, ils marchent vite, le jour va bientôt se lever. Fin

Cette image de libération je l’ai retrouvée dans bien d’autres films ensuite, et il en a de sublimes, mais longtemps, c’est celle-là à laquelle je pensais.

Georges

Note : Cette histoire est authentique, tournée en 1956, elle se déroule en 1943. C’est celle d’André Devigny, un résistant, qui est le seul à avoir réussi l’évasion de la prison de Montluc à Lyon. Après avoir été arrêté, il y a été enfermé, interrogé et torturé par Klaus Barbie puis jugé puis détenu dans le quartier des condamnés à mort. On peut lire son histoire dans Wikipédia, on peut aussi s’attarder sur l’histoire de cette prison de Montluc où ont été détenus, condamnés à mort, fusillés ou guillotinés, hommes et femmes de la résistance, de la guerre de 39 à celle du FLN en 60 et 61.

Quel est votre film préféré ? Aujourd’hui Le Docteur Jivago de David Lean

C’est ça aussi un film préféré : un film précieux qu’on protège, qu’on garde au chaud, intact et dont on préserve le souvenir.
Dieu sait que la musique de Maurice Jarre vous a saoulés et puisque vous lisez ces lignes ça y est Un jour, Lara … c’est reparti !
Moi, cette musique, c’est magique, m’emportera toujours au pays de mes premières salles obscures.

Docteur Jivago (1965) de David Lean est un de mes films préférés.
Vu une seule fois, il y a une cinquantaine d’années et jamais oublié. Je me souviens de tout.
Jamais je ne l’oublierai ni ne le reverrai, le risque d’une deuxième fois étant  beaucoup trop élevé et ce serait même peut-être fatal !
Film d’amour, d’aventure et film géographique et historique. Ce film m’a impressionnée, émue, fait rêver, m’a transportée, dépaysée, m’a fait pleurer. Le bonheur ! Je frissonne encore devant une photo d’Omar Sharif époque 60/70, l’affiche me met en transe, Youri est un prénom que j’adore et le couple Lara/Julie Christie-Youri/Omar Sharif est pour moi, à jamais, un des plus beaux couples de cinéma. Là, en y repensant, pour cette rubrique du blog, j’ai à nouveau 15 ans …
Je l’ai mangé ce film, tout cru et sans rien laisser.
D’où l’importance de l’âge et des circonstances pour voir un film.


Tiens, je me la remets.


Marie-No

Merci et à vendredi pour un nouveau « souvenir de Bobine »

Quel est votre film préféré ? aujourd’hui : Les Enchaînés de A.Hitchcock.

Pendant cette période de confinement, quoi de mieux que de revoir ou de se souvenir des films qu’on aime ? nous vous proposons de nous en parler ici, aujourd’hui Chantal.

Mon film préféré ? C’est du même genre que la question « qu’emporteriez-vous sur une île déserte ?»

Comment choisir un film ? Et pourquoi celui-là plutôt qu’un autre que l’on aime tout autant ? Le choix est toujours difficile, partial, injuste sûrement.

Il faut commencer par se demander quel est le réalisateur que l’on préfère, dont on connaît tous les films (ou presque) par cœur. Et, bien sûr, on ne peut pas aimer un seul réalisateur, voire une seule réalisatrice, les talentueux-géniaux-incontournables ne manquent pas pour qui veut avoir « une culture cinématographique », comme on dit…

Aujourd’hui je vous écris donc quelques lignes à propos du film, que, parmi mes préférés, je regarde plusieurs fois par an. Son titre français est Les Enchaînés, son titre original Notorious, son réalisateur Sir Alfred Hitchcock.  

Certes, direz-vous, réalisateur archi connu qui fait en quelque sorte partie d’une « culture cinématographique collective » car on peut penser que tout un chacun a vu au moins un film d’Hitchcock. Choix peu original, donc… Désolée !

Je ne peux regarder Notorious sans frémir, sans avoir la chair de poule, sans ressentir physiquement chaque moment clé, et bien sûr, je passe sur l’insupportable scène de la cave, ou la scène du baiser interminable, scène qui oscille entre romantisme et pragmatisme politique, baiser savamment entrecoupé pour contourner la censure ; et que dire de la lente descente des escaliers, Devlin aidant une Alicia droguée et affaiblie, l’arrachant ainsi à ses hypocrites bourreaux  médusés et soudain impuissants que sont Alexander Sebastian et sa mère ? Pour moi, ce film allie une beauté plastique inouïe, et une extrême cruauté : comment peut-on accepter de jeter la femme aimée dans les griffes du lion en ayant parfaitement conscience du risque ultime et ce pour les besoins du contre-espionnage qui se fiche parfaitement in fine du sort de ses agents ?  Outre les acteurs vedettes que sont Cary Grant et Ingrid Bergman, Claude Rains et Leopoldine Konstantin, mère de Claude Rains dans le film, époustouflante de cynisme, jouent tous à la perfection.  On se délecte à chaque scène, on attend la suivante avec impatience, on a envie d’étrangler Cary Grant, et puis il y a la bande sonore, ah, la musique ! Tout ceci vous hante longtemps après. C’était aussi le film préféré de François Truffaut.

 Chantal

Merci… à demain pour un nouveau « souvenir de bobine ».

Vous avez aimé ? détesté? (2)

Chers Amis cramés et de la Bobine, Bonjour,

Il y a quelques jours, nous vous proposions de nous parler d’un film que vous avez aimé ou détesté : « Écrivez pourquoi en quelques lignes ou plusieurs paragraphes et envoyez votre texte signé de votre nom ou du pseudo de votre choix à georges.joniaux45@orange.fr »

Dès Mardi, nous vous proposerons un article par jour, jusqu’à quand? ça dépend de vos envois… Une chose est sûre, il y aura de la diversité!
Dès demain…Chantal.

Prenez soin de vous. Amitiés.