ADAM-Maryam Touzani

Film marocain (vostf, février 2020, 1h40) de Maryam Touzani avec Lubna Azabal, Nisrin Erradi et Douae Belkhaouda

Présenté par Marie-Noël Vilain, Soirée mardi 1er septembre à 20h30

Synopsis : Dans la Médina de Casablanca, Abla, veuve et mère d’une fillette de 8 ans, tient un magasin de pâtisseries marocaines. Quand Samia, une jeune femme enceinte frappe à sa porte, Abla est loin d’imaginer que sa vie changera à jamais. Une rencontre fortuite du destin, deux femmes en fuite, et un chemin vers l’essentiel.

Plus de 70 personnes pour la reprise dans cette belle salle 3  ! C’est un cadeau dont nous sommes heureux et fiers!

Adam est un grand premier long-métrage, des plus touchant qu’il soit : L’histoire qu’il nous raconte, le jeu de ces deux femmes et de la petite fille, le scénario remarquablement écrit, les dialogues, et il faut entendre par dialogues tout ce qui parle, échange : les corps, les visages, la voix. Le jeu des actrices, leur beauté, le cadre évoquant parfois Johannes Veermer.

Samia, (Nisrin Erradi prix de la meilleure actrice au Festival international du film de Durban-Afrique du Sud) enceinte solitaire, abandonnée de tous, errante, dans la médina de Casablanca, décide cherche un lieu ou elle pourra survivre, travailler, habiter. Après bien des essais infructeux, elle frappe chez Abla (Lubna Azabal) qui tient une boutique de pâtisseries. Elle lui propose ses services et se fait repousser. Plus tard, elle s’endort dehors en face de la pâtisserie. Abla, cette femme au visage décidé et sévère la regarde de sa fenêtre. (Lubna Azabal (Abla) dit « j’ai travaillé mon personnage comme une peinture », quelle patte, et quelle touche!). Le tourment de cette femme transpire de partout, on sent qu’elle balance, on voit qu’elle ne sait pas comment incliner. Et c’est remarquable parce que chez cette femme pauvre, veuve, en charge de sa malicieuse petite fille se joue quelque chose qui la dépasse et lui parle très fort. On observe sur son visage les affres d’un dialogue, d’une lutte avec elle-même, cette lutte tourmentée des gens qui ont une conscience aigüe. Alors, elle lui ouvre sa porte pour quelques jours…

Etre une mère seule et accueillir une femme enceinte errante. Cette histoire, Maryam Touzani n’a pas eu à l’inventer entièrement, vous avez lu ceci dans le dossier de presse :

« Mes parents l’ont accueillie quand elle est venue sonner à notre porte, sans la connaître. Son séjour, censé durer quelques jours, a duré plusieurs semaines, jusqu’à la venue au monde de son enfant. Cette Samia était douce, réservée, aimait la vie. Sa douleur, j’en ai été témoin. Sa joie de vivre, aussi. Et surtout, son déchirement vis-à-vis de cet enfant qu’elle se trouvait obligée, d’après elle, d’abandonner pour continuer son chemin. Son refus de l’aimer, au début, car elle refusait de le regarder, le toucher, l’accepter. J’ai vu cet enfant s’imposer à elle, petit à petit, cet instinct maternel viscéral se réveiller, en dépit de ses efforts pour l’étouffer. Je l’ai vue l’aimer, malgré elle, l’aimer de l’amour indéfectible d’une mère, sachant que son temps avec lui était compté. Le jour où elle est allée le donner, elle a voulu se montrer forte, se montrer digne. Je comprenais son geste, et je trouvais son acte courageux car j’ai senti la souffrance que cet abandon représentait pour elle ».

Mais le film de Maryam Touzani est plus que la restitution d’une histoire familiale, elle fait se rencontrer deux femmes, l’une et l’autre en souffrance dans une société patriarcale où rien n’est donné aux femmes. L’une enceinte et célibataire, l’autre veuve pleine de ressentiment après la mort brutale et la dépossession de la dépouille de son mari, vraisemblablement assassiné.

Ces deux femmes isolées ont beaucoup à se donner, et elles vont le faire, délicatement, l’une rendra à l’autre la sécurité et sa dignité, et l’autre lui rendra sa liberté d’être une femme et pas seulement une veuve. La scène de la « chanson préférée » dans la boutique est l’une de plus belle du film et je n’avais jamais vu ça au cinéma (ni dans la vie). 

Ce film réalisé et écrit par une femme, est beau, nous ne le dirons jamais assez. Nous insisterons sur ces deux femmes et cette petite fille sensitive, intelligente et rieuse qui jouent leur personnage avec force, conviction, subtilité. Maryam Touzany, une cinéaste à suivre! Commencer la saison comme ça, ça va être dur derrière ! Mais on va y arriver !

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