Vivarium de Lorcan Finnegan

Vivarium : Affiche

Film irlandais (11 mars 2020 1h38mn) de Lorcan Finnegan avec Imogen Poots, Jesse Eisenberg, Jonathan Aris, Senan Jenning

Avertissement à l’attention des optimistes : SPOILER

Pour une fois, spoiler
après tout, je l’ai déjà vu, on ne le passera pas en avril et peut-être jamais, alors …

Synopsis : À la recherche de leur 1ère maison, un jeune couple effectue une visite en compagnie d’un mystérieux agent immobilier et se retrouve pris au piège dans un étrange lotissement…

vivarium \vi.va.ʁjɔm\ nom commun masculin, du latin vivarium, nom commun neutre (« vivier »)
Endroit où l’on garde et élève des petits animaux vivants en tentant de reconstituer leur biotope
(le premier vivarium public ou maison pour reptiles a été créé en 1849 au Zoo de Londres)
Un vivarium c’est donc un leurre, ils se croient à la maison mais en fait de home, sweet home, les petites bestioles sont piégées et, ils pourront longtemps chercher : il n’y a pas d’échappatoire !

Gemma et Tom, la trentaine, un gentil petit couple hétéro de la classe moyenne ont le mode de vie de leurs pairs en société de consommation et les idéaux qui vont avec, ceux qui leur ont été vendus avec les injonctions sociales dont ils ont été abreuvés.
Avoir un travail, une âme sœur : faits
Être propriétaires, avoir des enfants, un chien : en cours.
Dire tout de suite que Imogen Poots et Jesse Eisenberg, sont parfaits ! Imogen Poots n’est pas Cramée, Jesse Eisenberg guère plus cramé qu’elle mais lui on le connaît depuis The social Network et surtout Café Society.
Ils ont la taille qu’il faut pour se perdre dans les méandres du scénario de Vivarium, nous entraînant avec Gemma et Tom dans le labyrinthe du lotissement où toutes les maisons sont rigoureusement identiques, identiques jusqu’au vertige, jusqu’à la folie et où, par inadvertance, ils ont mis les pieds pour y vivre une petite vie, une vie trop petite où les jours, les semaines, les mois, les années vont se répéter, toujours pareils, sans fin. Livrés à eux-mêmes, seuls dans ce microcosme bien loin de leurs rêves, le jeune couple, confiné dans le décor, va se débattre et apprendre à ses dépens que le paysage se prolonge loin, loin là-bas, très loin, jusqu’à l’horizon, en fait et qu’il n’y a pas de voie de sortie.
Leur avenir est bouclé et dans ce « clé en mains » figure même l’enfant, bien emballé comme venu d’ailleurs et qu’ils ne reconnaissent pas pour le leur, bel et bien livré pourtant dans cette maison de ce lotissement-ci, chez eux donc. Modernité oblige, le travail est mâché, la nourriture livrée à domicile, comme par magie : il faut juste élever cette chose et s’ils s’acquittent avec succès de cette mission alors ils seront libres. Libres ? C’est quoi, déjà ?
Dans ce lotissement étrange où toutes les maisons sont peintes en vert serpent, où le ciel est toujours bleu, où même les nuages sont sans surprise, toujours de la même forme et exactement au même endroit, l’inquiétude est palpable, notre curiosité attisée, en alerte des révélations dispensées au goutte à goutte.
Drame conjugal version thriller surnaturel, Vivarium ne ressemble à rien d’autre, Vivarium est étonnant dans sa forme et pose une question bien embarrassante : être comme tout le monde, se retrouver tous les jours, à la même place, face à l’autre, chercher quelque chose à se dire, se nourrir de ce qui nous a été réservé, ne plus rien choisir et si c’était cela le vrai enfer ?
Vivarium égratigne la société de consommation et les chimères de perfection auxquelles elle veut faire croire.

« C’est un conte à la fois surréaliste et tordu, à la fois sombre, ironiquement drôle, triste et effrayant » déclare le réalisateur Lorcan Finnegan.

Un conte grinçant, glaçant.
Tout ça finira mal.

Marie-No

VIVA IL CINEMA 2020 à Tours!

Tours prend des airs italiens pour son 7ème et très attendu festival Viva il Cinéma.  Nous ne coupons pas le mercredi soir aux discours de bienvenue. Ils sont chaleureux, les intervenants furent brefs,  l’une des personnalités affirmait que son discours serait aussi restreint que les subventions…

Bénévoles, Louis D’orasio le Directeur artisitique et le Président du Festival

Parmi  ces personnalités, le Directeur Artistique Louis d’Orazio, a exprimé son regret devant l’absence  des réalisateurs et réalisatrices et acteurs italiens, en quarantaine pour cause de coronavirus. 

L’une d’elles, Laura Chiosonne  lui écrivait :  « à  vouloir protéger la vie contre la mort, on finit par protéger la mort contre la vie ». La culture est l’art,  c’est en effet la vie, le cinéma en est l’une de ses plus belles expressions. 

Suit le premier film, un film de bienvenue, léger, une comédie Bentornato présidente.  Peppino (de son prénom) fut président du conseil sur un malentendu. Et il a vite compris que ce n’était pas sa place. Il se retire à la montagne avec sa jolie femme, et Guevara, sa gentille enfant. Mais sa femme qui s’ennuie est appelée au Quirinal, elle le quitte. Peppino est prêt à tout pour la reconquerir, il devient « l’homme de paille » des populistes au pouvoir, et c’est sans compter sur sa roublardise…bon ! vous savez tout. 

On ne peut pas dire que ce film brille par la finesse de son message. C’est distrayant. 

« Il campione » un film de Leonardo d’Agostini. Je commence à l’envers en vous disant que le jeune acteur Andrea Carpenzano, qui interpète un jeune et richissime prodige du foot est absolument parfait dans son rôle. Il y a beaucoup de films sur le sport et l’argent. Celui-ci est très bien pourquoi ?  Parce qu’on  fait intervenir d’autres choses.  La question de l’enfance, des d’apprentissages. Ce jeune prodige du foot se distingue aussi par des comportements caractériels. On organise un casting de prof. ( le remarquable Stéfano Accorsi)   Avec cette rencontre,  la donne va changer. C’est  vif, touchant, prenant et surprenant. J’en arrive à me demander pourquoi j’ai toujours détesté le foot ! 

Note  4/5

« Bangla » Voici un film de Phaïm Bhuiyan interprété par Phaïm Bhuiyan, un jeune homme 50% Italien, 50% Bangali, mais 100 % Torpignattara (quartier pauvre de Rome). Il est amoureux d’une jeune romaine, et là… Il faut faire un choix. Avec un dilemme pareil que tous les amateurs de cinéma connaissent, peut-on encore faire un film. Oui car Phaïm déguingandé  a du punch,  de l’humour, de l’autodérision, il est imaginatif et tellement drôle. C’est un personnage fabuleux qu’on reverra… Louis d’Orazio nous dit qu’il est incontrôlable, qu’il est trop occupé à faire tout ce qui lui passe par la tête pour faire la promotion de son film !  Je ne dirai qu’une chose, il nous faut Bangla. D’autant que Jean Claude Mirabella que nous avons rencontré durant le Festival, connaît le sujet, les lieux…
Alors pourquoi s’en priver ?

Note  : 5/5

« Effetto Domino » un film de Alessandro Rosseto. Un projet immobilier de luxe pour vieux à qui on  fait croire qu’ils sont immortels qu’ils le seront d’autant qu’on va réaliser le Paradis sur terre. Des hommes d’affaires, entrepreneurs,  banque, un zest de corruption et de jeu d’influence et comme le titre du film l’indique,  tout ce bon monde va méthodiquement, à la queue leu leu,  se rentrer dedans. On peut dérouler le film en phases,  qui vont du champagne à la ruine…C’est ce qu’a fait le réalisateur. Mais franchement est-ce que vous ne finiriez pas par vous ennuyer, même si on place des suicides au milieu ? 

Note 2/5

Sembra Mio Figlio (on dirait mon fils) Un film de Costanza Quatriglio  là il faut reprendre le synopsis, « Ismail et son frère Hassan ont fuit  les persécutions talibans lorsqu’ils étaient enfants. Aujourd’hui en Italie, Ismail n’a pas oublié sa mère … il entrevoit l’espoir de la retrouver ». Ce film tient du documentaire, mais  fait ce qu’aucun documentaire ne peut faire, montrer l’inquiètude, l’angoisse,  la peur, les personnages sont pris comme dans un syphon. Pas encourageant ce commentaire ? Ajoutons que ce cinéma nous apprend  ce qu’est le Pakistan et ce qu’est  l’exil d’un réfugié. 

Note 4/5

« Selfie »  est quelque chose entre fiction et documentaire de Agostino Ferrente : Ce film a obtenu le prix des jeunes et le Prix du Jury du Festival de Tours (SVP). Rien que le nom du film est dissuasif, imaginez-vous l’angle de prise de vue d’un selfie et  presque tout un film comme ça !  En plus les quartiers les plus pauvres  de Naples. Passons sur nos préjugés esthétiques et sociaux, trafic de drogue, violence gratuite, sous culture, camorra etc… et regardons, ces jeunes garçons avec leurs joies et leurs peines, avec leur amitié et leurs occupations. Ecoutons les jeunes filles qui font des « projets » d’avenir. A-t-on besoin d’inventer des histoires glauques et de rapports de force pour parler des quartiers pauvres ?  Voici un film comme une leçon d’amitié et d’humanité.

Note 5/5

Tutto il mio folle amore (mon amour fou)  Gabriele Salvatores  l’adolescent qu’on nous montre a des troubles dont certains s’apparentent à des formes d’autisme. (D’ailleurs, la cheffe de Service de Pédo-psychiatrie de Tours a animé le débat). Mais il faut sortir du jugement clinique, c’est un film sur la tendresse et l’altérité. Ce jeune a une mère épatante,  un père d’adoption qui aime ce jeune comme son propre fils, et un père inconnu qui impromtu apparaît dans sa vie,  et dans leurs folles aventures tous ces personnages sont remarquables  de tolérance mutuelle.  Ce film interroge aussi d’une manière serrée et joyeuse  la question de la paternité. Peut-on faire un bon film avec de bons sentiments ? Oui.

Note 3,5/5

Genitori quasi perfetti (des parents presque parfaits) Laura Chiossonne une mère  seule invite des enfants et leurs parents pour l’anniversaire de son fils unique. Et ce temps est l’occasion de nous montrer une galerie de portraits. C’est drôle, mais  sans surprise. 

Note 2,5/5

Nome di Donna (nom de femme) Marco Tullio Giordana Voici un film Mee too, le harcèlement d’un Directeur d’une Maison de Retraite contre une employée de service, mis a jour par une femme qui rompt la loi du silence. Un film sans surprise.

Note 3/5

Ride (elle rit) Valerio Mastrandea  avec Chiara Martegiani. Nous connaissons très bien ce réalisateur qui est un acteur formidable (Euforia, une famille italienne) . Mais ici , il est réalisateur. Une jeune femme vient de perdre son mari  et elle n’arrive pas à éprouver de chagrin. C’est un film déconcertant, car qui exige beaucoup du spectateur, il est composé comme un puzzle auquel il manquerait des pièces. Et le spectateur doit imaginer quelles sont ces pièces. Qui étaient le défunt, cette veuve, le père et le frère du défunt…De quoi est-il mort ? Ensuite il y a les condoléances, une galerie de portraits de gens peinés, mais de quoi le sont-ils ? Ensuite il y a l’actrice (qui est la femme du réalisateur), elle le fascine et le mot n’est pas trop fort !

Note 4/5

Et le meilleur pour la fin  Nevia un film de Nunzia de Stefano. Ça se passe à Naples. Une jeune fille de 18 ans (Virginia Apicella)  vit  avec sa petite sœur  chez sa grand-mère, dans un parc de containers. On ne peut pas dire que le monde des adultes est très structurant pour cette jeune fille, ni sa vie dépourvue d’adversité. Ce qui nous est montré, c’est une tension vers un but. Etre soi parmi les autres.  Il y a des accents felliniens dans ce film et on pense à Giulietta Masina.  Ce film il faut le voir absolument. Il est simple, comme souvent les plus belles choses et il donne de la joie !

Note 5/5

Nous passerons sur quelques autres splendeurs, moins actuelles. Merci à cette splendide équipe de bénévoles pour ce superbe travail et notre reconnaissance à Louis d’Orazio et de Jean A.Gili éminents spécialistes du cinéma Italien… et à ce propos nous avons aussi eu le plaisir de rencontrer Jean-Claude Mirabella, il nous dit, (je cite à peu près) on pourrait faire le même parallèle entre le cinéma Français et le cinéma Italien que celui qui est fait dans la littérature. Le cinéma français s’interroge sur « comment aimer », l’italien nous dit comment gouverner, c’est à dire « comment vivre ensemble ».

Georges