Prades, mercredi 18 juillet 2018

21h30.Je suis restée à l’Hostalrich, il me faut un petit break de temps en temps et c’est tombé sur  le dernier film de Marion Hänsel projeté ici : « En amont du fleuve »(scénario original de M.Hänsel)
Mais, plus tôt dans la journée, vu deux autres de ses films
A 9h, « Between the devil and the deep blue sea », V.O. en anglais, adapté de la nouvelle « Li » de Nilos Kawadias.Le récit d’une rencontre entre Nikos, Résultat de recherche d'images pour "between the devil and the deep blue sea film"radio grec sur un vieux cargo, dans l’expectative de son sort, en rade de Hong Kong et une petite chinoise vivant sur un sampan depuis sa naissance. Grâce à Nikos, avec Nikos,  elle mettra les pieds pour la première fois de sa vie sur la terre ferme et sillonnera les rues de  Hong Kong dont son grand-père lui a conté la topographie.
Merveilleux film, une atmosphère prenante des acteurs magnifiques. Tout comme « The Quarry » projeté à 14h, adapté du roman de Damon Galgut avec David Lynch dans le rôle principal. Elle a vraiment une patte à elle Marion Hänsel.
C’est une artiste talentueuse.

Et à 17h00  Guillaume Brac s’est présenté devant nous et alors là, attention les yeux : un charme dingue, la bienveillance incarnée, la classe totale ! Il fait penser à JM.C. Contes de juillet : Affiche
Et son film ensuite « Contes de Juillet » est un enchantement, délicat et déroutant. Programmé par les Cramés en Septembre, ça va être régalant de le revoir ! De le revoir.

Demain, on va regarder les Pyrénées de plus près, aller en Italie, au Sénégal, à la Ciotât.
Et c’est le jour où Laurent Cantet et Michel Ciment arrivent !
Beau programme  !

Marie-No

 

 

 

Prades, mardi 17 juillet 2018

Ce matin, quelques uns sont partis faire l’ascension du Canigou ! Le temps s’y prêtait bien. Je regrette de ne pouvoir les suivre dans ces aventures. Résultat de recherche d'images pour "canigou"Dire que  le souffle me manquerait à 2785 m est un euphémisme !
Hier, au  ciné, la journée était assez moyenne. Marion Hänsel au scénario pour les 3 films. Donc … Heureusement « La tendresse » est incarnée par Marilyn Canto, ça console un peu. L’autre « tendre », c’est Olivier Gourmet et c’est plus difficile. Il a le vent en poupe, tant mieux mais son talent est, pour moi, un brin surévalué. Faut le diriger ce garçon sinon il fait peine à voir, étonné qu’il est d’être là. Le summum étant dans « L’échange des princesses » n’en revenant pas d’être en collant et culottes bouffantes ! Olivier Gourmet, c’est possible mais à la Dardenne, sinon non.
Dust : afficheAujourd’hui, à 9h, on a eu un très bon Hänsel, « Dust », tourné en anglais, d’après le roman « In the heart of the country »de J.M. Coetzee avec Jane Birkin dans le rôle principal, en anglais, parfaite. Une autre personne.
A 17h, « Les noces barbares »,  d’après le roman éponyme de Y. Queffélec, a été assez apprécié du public. Pour ma part, j’ai un souvenir précis de ce livre qui m’avait beaucoup marquée et j’ai trouvé que le coeur du livre, à savoir le désenchantement et le rejet, était survolé et que le film traitait surtout de l’aigreur, de la rancoeur. Je ne voyais pas ça comme ça.
21h. Une avant-première,« Nos batailles » de Guillaume Senez . Très très bien et qui me réconcilie avec Romain Duris, formidable dans le rôle de ce père débordé. De très beaux moments d’ émotion. Le film sort en octobre. Nos batailles : Photo Laetitia Dosch, Romain DurisHâte de le revoir. A Montargis.
Il est déjà minuit et demi ! donc grand temps de dormir un peu, trier, ranger les images d’aujourd’hui et faire de la place pour celles de demain.
Bonjour à tous les Cramés et à bientôt !

Marie-No

 

 

 

Prades, dimanche 15 juillet 2018

Arrivés à Prades en fin de matinée et retrouvé Nanou sur qui le temps n’a pas d’emprise et l’Hostalrich, encore plus beau que l’an passé. Après un déjeuner au « 7ème Art » dehors, bien au frais, le Festival peut démarrer !

17h. Match pour les uns, Woman at War : Affiche Avant-première de « Woman at war » de Benedikt Erlingsson pour
les autres dont moi. On espère vous y emmener, en Islande, à la rentrée, vous verrez comme c’est bien !
21h. « Si le vent soulève les sables » de Marion Hänsel. Je ne la connais pas beaucoup (rétrospectivement, on verra que ce premier film projeté dans le cadre de la « Rencontre avec Marion Hänsel » nous a bluffé. On sera, tout au long de ses 10 films proposés, comme dans des montagnes russes : un coup bien en haut avec les adaptations, un coup bien en bas avec les scénarii originauxAvec « Si le vent soulève les sables », adapté du roman « Chamelle » de Marc Durin-Valois, on est en haut).
Longtemps on repensera à cette belle famille en Afrique qui part vers l’autre bout du Si le vent soulève les sables : affiche Marion Hänseldésert à la recherche de l’eau, de la vie. Longtemps on reverra la pétillante petite Shasha qui avait mis sa plus belle robe pour faire le voyage.
Un très beau film.
Voilà pour aujourd’hui. Demain la journée commence tôt !

Marie-No

« Comme des rois » de Xabi Molia (3)

 

Du 5 au 10 juillet 2018 
Soirée débat vendredi 6 juillet 
Film français (mai 2018, 1h24) de Xabi Molia avec Kad Merad, Kacey Mottet Klein, Sylvie Testud, Tiphaine Daviot, Clément Clavel et Amir El Kassem
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Animé par Alain Riou
 critique au « Nouvel Observateur », au « Masque et la plume » et au « Cercle »A

 

Comme des rois, le 3ème court métrage de Xabi Molia, se place par antiphrase au regard de ses personnages dérisoires et de son message plutôt pessimiste, sous le signe du spectacle, de la comédie féérique, riche en rebondissements et travestissements, avec deux pièces de Shakespeare : La Nuit des rois et Comme il vous plaira : le jeune Mika s’est en effet découvert une vocation théâtrale en jouant des scènes du dramaturge élisabéthain qui lui permettront de réaliser son rêve parisien d’une école d’acting. Faut-il voir dans les escroqueries au porte-à-porte dans lesquels l’entraîne son père un reflet appauvri des déguisements et jeux scéniques que subliment les planches ? Face à un père irresponsable, qui l’enferme dans la tricherie, seuls les dédoublements créateurs, les artifices de l’art semblent pouvoir sinon réparer, au moins ressouder quelque peu une identité clivée : Mika est forcément écartelé entre l’amour, le respect charnel pour son père et l’image pitoyable qu’il ne peut qu’en avoir, entre la loyauté filiale et un sentiment de gâchis, voire de révolte face à son avenir saccagé – mais prend -il vraiment, même à la fin, son envol – tant il semble aussi aimer jouer la comédie, au mauvais sens du terme, lorsqu’il se fait passer par exemple pour un professeur de guitare pour séduire une fille ?

Pour le reste, la royauté qu’exercent Mika et son père Joseph le mal-nommé, d’une paternité peu rassurante et démiurgique, fait sourire : prince de l’anarque, le héros au chômage, acculé par son propriétaire après 6 mois de loyers impayés ou tabassé puis viré de l’appartement par ses hommes de main, n’exerce qu’un empire fragile sur le quartier de banlieue qu’il habite – et qui ressemble plus aux marges d’une improbable campagne, avec ses jardins à cagibis, qu’à une zone périurbaine proprement dite. On pense aussi bien sûr à l’expression « heureux comme des rois », qui renvoie certes ici à un quotidien difficile, voire à des fins de mois misérables – mais aussi à l’équilibre que Joseph semble avoir trouvé, si irresponsable qu’il nous paraisse, par rapport à sa famille. Il ne semble pas songer à chercher un travail bien que son épouse, jouée par Sylvie Testud, l’en presse chaque jour : quant à Mika, joué par un Kacey Mottet Klein farouche et émouvant, peut-être trouve-t-il dans cette emprise paternelle une sécurité paradoxale ; cette condition de servitude sociale, de soumission familiale, pour médiocre qu’elle lui paraisse, demeurera longtemps encore bonheur et intégration, malgré les bouffées de révolte qui le conduiront finalement à partir…

« Parce que ces façons de vivre étaient à nous, un bonheur même, mais aussi les barrières humiliantes de notre condition (conscience que « ce n’est pas assez bien chez nous »), je voudrais dire à la fois le bonheur et l’aliénation. Impression, bien plutôt, de tanguer d’un bord à l’autre de cette contradiction. » Ce déchirement entre l’amour des siens et la honte qu’ils nous inspirent parfois, entre fidélité plombante à son milieu et soif d’épanouissement personnel vécue comme une trahison, est à la source de l’écriture autobiographique d’Annie Ernaux, de son désir d’écrire sur son père dans La Place. Ce dilemme vécu dans sa chair par Mika n’explique-telle pas l’oscillation même du film entre comédie populaire et film d’auteur, entre histoire de famille et chronique sociale ? Ce réalisme populaire trouve un écho autobiographique puisque Kacey Mottet Klein, jeune homme, fit du porte à porte et que le cinéaste fut victime d’une arnaque de 20 euros à la gare Montparnasse.

Faute d’avoir su ou voulu choisir, et pour s’être tenu sur le crête de la comédie familiale et du drame social, Xabi Molia ne parvient pas à nous convaincre totalement. Les gags certes savoureux de l’entretien prétendument obligatoire de la chaudière d’une vieille dame tandis que le fils vole des…francs (!) et surtout de la vente frauduleuse de picrate pour « un Grand Cru Saint-Emilion 2007 » chez une dame naïve avec le duo parfaitement rôdé du père jouant le passant d’abord choqué par la démarche du fils, puis convaincu par la carte professionnelle et enfin séduit par le vieillissement prometteur du vin, fonctionnent bien, par-delà leur nombre et leur répétitivité, jusqu’au moment où le numéro des deux compères, qui viennent voler dans une usine, se heurte à l’incrédulité des policiers dépêchés sur les lieux : leurs explications alambiquées et contradictoires sur les domiciles respectifs conduisent directement les apprentis truands en fourgon cellulaire. Il y a une morale : la tchatche ne marche pas toujours – et les gestes et situations nous trahissent et dévoilent la vérité. La fin certes, sans tomber dans le happy end, se maintient sur cette crête comique puisque le fils monte sur scène devant son père fier de lui devant les autres…détenus !

D’un autre côté, à avoir voulu nous proposer une chronique sociale, le cinéaste normalien emporte difficilement l’adhésion. Outre qu’il paraît psychologiquement peu vraisemblable qu’un père gâche ainsi l’avenir de son fils qui a abandonné ses études avant le bac et ne lui propose qu’un modèle, qu’une vie de tricherie, le réalisateur, sans même parler de message, ne propose pas de point de vue sur les situations qu’il met en scène. Il est surprenant qu’il n’ait pas rendu plus agité, plus conflictuel ce microcosme familial dont il aurait pu tirer des effets divers et singuliers : alliances et rivalités, conflit conjugal, colères et fugues. Curieusement, à part une remarque sur la nécessité de laisser enfin Mika voler de ses propres ailes, le rôle de Sylvie Testud (comme la place des femmes en général) est trop peu travaillé : on imagine pourtant cette actrice douée, ici vaguement bougonne – incendiant son mari inconséquent, protégeant ses enfants en mère inquiète – tout en perpétuant le reste du temps cette vie médiocre d’expédients. Sans doute ce sentiment d’inachèvement provient-il de l’hyper-présence de Kad Merad, dont le comique accablé et la bonne conscience rarement troublée font certes mouche : mais les mimiques se ressemblent, son jeu décidé et fiévreux, entre tocard et perdant magnifique, semble un peu prévisible, comme si Kad jouait du Merad – et l’on eût aimé que la tendresse affleure plus souvent, que la réflexion l’habite enfin.

Bref, le jugement moral qu’on se surprend à porter sur le personnage central, alors qu’on devrait prendre le personnage pour ce qu’il est, s’explique sans doute là encore par l’ambiguïté du propos et un scénario pas assez dramatique (au double sens du terme) auquel le cinéaste préfère une enfilade de situations amusantes mais trop attendues. Bref, on aurait tant aimé retrouver la blessure et les silences de Kad Merad, père meurtri dans Je vais bien, ne t’en fais pas de Phlippe Lioret…

Pour autant, on appréciera le refus du misérabilisme et l’équilibre subtil auquel est parvenu Xabi Molia face à ses personnages, « une distance sensible » selon le mot d’Alain Riou.

Claude

Comme des Rois de Xabi Molia (2)

 


Du 5 au 10 juillet 2018
Soirée débat vendredi 6 juillet à 20h30
Film français (mai 2018, 1h24) de Xabi Molia avec Kad Merad, Kacey Mottet Klein, Sylvie Testud, Tiphaine Daviot, Clément Clavel et Amir El Kassem

 

Animé par Alain Riou
 critique au « Nouvel Observateur », au « Masque et la plume » et au « Cercle »

 

Distributeur : Haut et Court

Synopsis : Joseph ne parvient pas à joindre les deux bouts. Sa petite entreprise d’escroquerie au porte-à-porte, dans laquelle il a embarqué son fils Micka, est sous pression depuis que le propriétaire de l’appartement où vit toute sa famille a choisi la manière forte pour récupérer les loyers en retard. Joseph a plus que jamais besoin de son fils, mais Micka rêve en secret d’une autre vie. Loin des arnaques, loin de son père…

 

Comme beaucoup d’entre nous, j’apprécie l’article de Marie-No. Ce n’est pas un film inoubliable, et donc nous l’oublierons. Durant la projection je pensais à un autre film, « je règle mon pas sur le pas de mon père,  de Rémy Waterhouse avec Jean Yanne et Guillaume Canet ». Un père escroc qui cherche à faire de son fils un escroc et finit même par l’escroquer tellement il est escroc.

Dans « comme des rois », il n’y a que deux personnages. Un père et un fils.  Et là aussi, on est   en présence  d’un père dangereux. C’est, comme dit Alain Riou,  un mythomane,  mais bien plus je crois, un auto- mythomane, un homme qui a la faculté de s’auto-illusionner, et qui en perdant, comme chaque fois, ne désespère jamais car il est incapable de se remettre en question. Avec son fils la règle est simple,  d’abord,  il le manipule, le fait entrer de gré ou de force  dans son jeu (combines, larçins, escroqueries diverses)et toutes les fois où son fils réussit, (selon les règles du père)  il est fier de ce qu’il lui a appris, toutes les fois où il échoue,  il devient cassant, dépréciatif. C’est un personnage narcissique qui donc se noie dans son image.

Quant au fils, curieuse mise en abyme (au 2edegré, car c’est un film qui le dit), remarquons-le, pour être lui-même,  pour ne plus être quelqu’un dont on se joue, il choisit de tenter de devenir acteur, quelqu’un   qui joue au lieu d’être joué.  Acteur, c’est ce qu’il sera, en prison avec (et à cause de…)  son père dans le dernier plan du film.

L’un tire l’autre vers le fond, avec la certitude d’être un éducateur, et l’autre qui même au fond du trou, continue de jouer à l’acteur et en  même temps le jeu de son père qui s’en trouve valorisé. L’un et l’autre dans la plus parfaite inconscience du « drôle de drame » ou de « l’horrible comédie » qu’ils jouent et se jouent.

 

« Comme des rois » de Xabi Molla

 

Du 5 au 10 juillet 2018Soirée débat vendredi 6 juillet à 20h30Film français (mai 2018, 1h24) de Xabi Molia avec Kad Merad, Kacey Mottet Klein, Sylvie Testud, Tiphaine Daviot, Clément Clavel et Amir El Kassem 

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Animé par Alain Riou 

critique au « Nouvel Observateur », au « Masque et la plume » et au « Cercle »

 

Distributeur : Haut et Court

Synopsis : Joseph ne parvient pas à joindre les deux bouts. Sa petite entreprise d’escroquerie au porte-à-porte, dans laquelle il a embarqué son fils Micka, est sous pression depuis que le propriétaire de l’appartement où vit toute sa famille a choisi la manière forte pour récupérer les loyers en retard. Joseph a plus que jamais besoin de son fils, mais Micka rêve en secret d’une autre vie. Loin des arnaques, loin de son père…

Quelques mots vite fait, sur « Comme des rois » …
Je me suis rendu compte en faisant un bilan partiel de ces quelques années de « Crâmerie aigüe»   , que tous « mes » films vus  étaient répertoriés « films à revoir» dans les catégories :

  • tout de suite, demain et encore demain
  • tout de suite. Après,  on verra
  • demain, après-demain, un jour peut-être mais toujours au ciné
  • s’il passe à la télé, oui !
  • pourquoi pas s’il passe à la télé
  • déjà revu à la télé et à revoir
  • déjà revu à la télé et à ne pas revoir
  • jamais
  • pitié !

« Comme des rois » est allé se mettre direct dans la catégorie « jamais ».
Je ne me suis pas ennuyée. Je m’ennuie difficilement. Encore que, à la mise en place d’une énième petite arnaque … C’est bon, là … et  ?
Sous un enrobage assez fin, le cœur du film est, pour moi, insipide. Oui, on rit un peu mais quitte à se lancer dans une comédie mêlant le tragique à la cocasserie, à la dérision (finalement c’est pas grave : c’était des Francs), on aurait envie que ça fuse vraiment, que les personnages secondaires soient visibles (réussir à rendre Sylvie Testud invisible, c’est quand même un exploit !)
Ca reste guindé et assez poussif. Très écrit. Pas assez viscéral.
La relation père-fils m’a laissée de marbre et ça m’a frustrée, verdammt nochmal ! Même si Kacey Mottet-Klein s’en sort plutôt bien, c’est la moindre des choses, doué comme il est ! Mais on le sent bridé. On a envie de dire à lui et aux autres « Allez, lâchez-vous les gars, allez-y, c’est vos tripes qu’on veut voir ! »
Pour en avoir, pourtant, sûrement, été la solution, Kad Merad est un problèmes du film.
Kad Merad, excellent, en effet, sur les plateaux télé avec son bagout, son recul, son humour, son charme. Il est malin et il a bien rodé son numéro. « I believe I can fly, I believe I can touch the sky ». « On » l’adore !

Mais au ciné, on voit toujours Kad Merad. C’est, pour moi, le contraire d’un bon acteur. On sait toujours comment il va dire son texte, quelle tête il va faire dans telle situation. Sa mimique, là, mais oui bien sûr ! Tellement attendu … On pourrait fermer les yeux, c’est un comble au ciné !  « Je vais bien, ne t’en fais pas » se classe dans la catégorie « déjà revu à la télé et à ne pas revoir » à cause de ça.
Kad Merad, acteur, est sans surprise, ennuyeux.

De « Comme des rois », je n’ai pas trouvé le fil ni la raison.
C’est très difficile de réussir à emporter la misère sociale dans le registre de la comédie. Il faut être touché par la grâce comme par exemple « Tour de France » de Rachid Djaïdani ou « Divines » de Houda Benyamina

Et la fin de « Comme des rois » est si sombre : « c’est mon fils ! »
… il lui a tellement bien maintenu la tête sous l’eau qu’en fait de suivre des cours d’Acting, c’est devant lui et au « violon » qu’il joue.
No future.

Marie-No

Mes provinciales

 

Du 28 juin au 3 juillet 2018
Soirée débat mardi 3 à 20h30

Film français (vo, avril 2018, 2h17) de Jean-Paul Civeyrac
Avec Andranic Manet, Gonzague Van Bervesselès, Corentin Fila et Sophie VerbeeckDistributeur : ARP Sélection

Présenté par Laurence Guyon

Synopsis : Étienne monte à Paris pour faire des études de cinéma à l’université. Il y rencontre Mathias et Jean-Noël qui nourrissent la même passion que lui. Mais l’année qui s’écoule va bousculer leurs illusions…

Dossier de presse *** Bande annonce *** Horaires

 

« Nous vivions alors dans une époque étrange, comme celles qui d’ordinaire succèdent aux révolutions ou aux abaissements des grands règnes (…) c’était un mélange d’activité, d’hésitation et de paresse, d’utopies brillantes, d’aspirations philosophiques ou religieuses, d’enthousiasmes vagues, mêlés de certains instincts de renaissance ; d’ennui des discordes passées, d’espoirs incertains (…) L’ambition n’était cependant pas de notre âge (…) Il ne nous restait pour asile que cette tour d’ivoire des poètes, où nous montions toujours plus haut pour nous isoler de la foule. A ces points élevés où nous guidaient nos maîtres, nous respirions enfin l’air pur des solitudes (…) nous étions ivres de poésie et d’amour. »  Soif d’absolu et désenchantement, sensation de satiété et sentiment de vacuité – le cocktail romantique de Nerval en prélude à Sylvie, déjà déployé par la lancinante Confession d’un enfant du siècle de Musset, infuse « Mes provinciales », neuvième long métrage de Jean-Paul Civeyrac, qui se place en son quatrième volet sous le signe du « soleil noir de la mélancolie », du spleen baudelairien et l’obscure clarté des Filles du feu, dont l’auteur se pendit à 47 ans dans la rue parisienne aujourd’hui disparue de la Vieille Lanterne…

Citations, références multiples – littéraires, musicales et cinéphiliques au premier chef – et jusqu’à ce pèlerinage nervalien innervent et imbibent ce film passionné, où les clins d’œil diégétiques de ces étudiants en cinéma se magnifient dans un célèbre adagietto extradiégétique de Mahler, où l’érudition foisonnante le dispute à l’émotion vraie de la culture : Etienne, Jean-Noël et Mathias s’en nourrissent et s’en abreuvent, à l’excès, en vase clos peut-être pour certains critiques ou spectateurs, dans un bouillonnement selon moi juvénile et sincère qui nous rappelle notre jeunesse… Abondance recouvrant un manque d’amour, une quête de sens, ivresse et déréliction romantiques nous renvoyant dans les reflets incessants de la culture l’image de la peur de vivre, d’une identité encore incertaine, d’une soif de formules aussi éclatantes que mystérieuses qui délivreraient un sens. Qui de nous dans son adolescence fragile ou sa jeunesse embarrassée n’a jamais placardé sur les murs de sa chambre, entre deux posters, des aphorismes superbes et déprimants comme « la jeunesse, ce n’est peut-être que de l’entrain à vieillir » de Céline dans son Voyage au bout de la nuit ou « il faut travailler, sinon par goût, au moins par désespoir », dans les Journaux intimes de Baudelaire ? Douleur aussi profonde que complaisante, pose et déchirement romantiques qui siéent bien à ces jeunes, épris de culture plus qu’érudits ostentatoires – milieu étudiant où la référence vous habite et vous confirme dans votre identité, où les connaissances affleurent à l’âme et vous viennent aux lèvres…

Le cinéaste s’interroge bien en effet sur cette jeunesse, ivre de création et de fête, d’amour et d’amitié, d’affirmation de soi et de filiations spirituelles : quand les liens du sang ne suffisent pas ou déçoivent, en mode mineur, Etienne s’éloigne de ses parents aimés, d’un milieu moins cultivé, et, en majeur, le professeur de cinéma, Pygmalion tendre et ébouriffé, reflet du cinéaste lui-même enseignant à Paris VIII, noue une relation privilégiée avec son étudiant Etienne, que le fils jaloux pointera d’un trait assassin. Beau film sur la filiation socio-culturelle, intellectuelle et affective à travers ces références, au cinéma de Garrel (on pense à L’Ombre des femmes), à la Nouvelle Vague – à Mes petites amoureuses et à La Maman et la Putain de Jean Eustache pour les premiers émois amoureux et l’oscillation entre deux femmes, à l’air paumé, et le regard si intérieur d’Etienne (Andranic Manet), lourd et engoncé mais insaisissable comme évanescent, séducteur impénitent et malgré soi si craquant qui ne croirait pas à l’amour, ce côté Antoine Doinel de Truffaut et Hippo dans Un monde sans pitié d’Eric Rochant. Le refus de la séduction comme suprême séduction, l’agaçante coquetterie que lui reproche non sans raison un camarade mais aussi la peur enfantine de décevoir, de ne pas être à la hauteur qui le plombe au lit au matin de son premier tournage – et il faut que ce soit Héloïse, plus douée, plus prometteuse, mais prête à être son assistante, qui vienne l’arracher à son appartement, à sa fuite dans la paresse et le déni de soi. Film qui convoque aussi Rohmer, dans un certain marivaudage amoureux, mais avec plus de mouvement, un basculement marqué entre l’optimisme et le désespoir là où l’auteur des Nuits de la pleine lune préfère la demi-teinte des mélancolies rêveuses : la discussion entre Etienne et Valentina, sa première colocataire (jouée par Jenna Thiam), rappelle en un hommage appuyé Ma nuit chez Maud où deux jeunes gens dissertaient déjà sur Pascal : ici, Civeyrac s’amuse avec la jeune fille à montrer à Etienne son comportement immature en amour, les contradictions entre ses sentiments et ses aventures, avant de le dédouaner dans une pirouette amusante sur le don total de soi en amour, corps et âme, dans chaque nouvelle relation. L’amour est-il un contrat moral, que’Etienne pense d’abord respecter par-delà les égarements du corps, ou le pur et cruel jeu du désir, qui justifie ou que justifierait un certain jésuitisme ?

Jamais bavard ni racoleur, Mes provinciales offre une émouvante méditation sur l’urgence et l’usure de l’amour entre Lucie restée à Lyon et Etienne monté à Paris, son délitement avec l’absence, le veule détricotage des sentiments tandis que la tendresse proteste et que le corps réclame ses droits, l’abandon au hasard plutôt que l’effort pour perpétuer le lien, l’intimité amicale, une tête posée sur une épaule, la confiance née des regards, cet amour que le jeune homme et le spectateur sentent éclore dans la familiarité de coloc’, dans les promenades complices, que tente Etienne d’un baiser importun après l’aveu par Annabelle d’une rupture- et qui pourtant ne naîtra jamais. Tempéraments trop différents, la tiédeur apparente et l’incandescence farouche, l’enfermement dans l’idéal et l’étreinte du réel, malgré les tentatives de rapprochement, la complicité intellectuelle, lui assistant pour un scénario à une réunion pour les migrants, elle l’accompagnant au cinéma, touchée par la pure beauté des visages dans Sayat Nova de Paradjanov : l’amour promis s’est enlisé dans une amitié sans lendemain, qui peine à s’exprimer lors de retrouvailes au café…

Romantiques, « Mes provinciales » le sont aussi totalement dans le règne de l’ambiguïté, l’alliance des contraires, et cette fluctuation permanente des désirs et des élans : amitié trop souvent guettée par l’amour (chez Jean-Noël, homosexuel renonçant pourtant à son attirance pour Etienne ou la sublimant) ou amour d’Etienne se déguisant, puis se perdant dans les lacs de l’amitié amoureuse pour Annabelle ; fidélité de l’âme mais comment la concilier avec l’exultation des corps, même au prix d’une caution pascalienne justement bien jésuitique !? ; soif de solitude essentielle en son lit, créatrice devant sa table de montage – et pourtant effervescence sans fin d’une colocation, d’un cours ou d’un couloir de fac ; don total de soi en amitié et pourtant retour à sa dignité méconnue et bafouée pour Jean-Noël qui veut bien certes aider Etienne à faire son film mais ne peut supporter que son avis compte si peu au regard de l’opinion de Mathias le hautain, pape critique intransigeant (âpre Corentin Fila, instinctif et économe de ses effets comme dans Quand on a dix-sept ans de Téchiné) ; passion dévorante de l’oeuvre à venir, sans cesse différée, jamais exhibée pour Mathias dont la culture et l’exigence font pardonner (difficilement toutefois) un esprit critique systématique et un dogmatisme (inconsciemment ?) vexant pour ses camarades qui se sentent au mieux complexés, et le plus souvent méprisés – douleur indicible pourtant d’un artiste éternellement insatisfait et qui n’a peut-être rien produit, dont le suicide éclaire les abîmes et foudroie tous ses proches, renvoyés à leurs rêves inouïs – tel Claude Lantier, le peintre génial et raté de L’Oeuvre de Zola. Il aurait fallu que Mathias aimât un peu plus cette réalité qu’il célèbre enfin lors de sa promenade nocturne avec Etienne sur les quais de Seine, qu’il acceptât plus souvent comme alors de trébucher, qu’il ne cachât pas sa souffrance créatrice dans son délire critique, qu’il ne disparût pas des jours entiers sans qu’on sût où il habitait et ce qu’il faisait. Pour avoir confiance en soi, faire un peu plus confiance aux autres, surtout lorsque la contradiction appelle le débat, la répulsion apparente le mystère de l’amour, quand la vie réelle et militante incarnée par Annabelle Lit (Lee d’Edgar Poe ?) rencontre contre toute attente l’art gratuit et sublime de Mathias au détour d’un couloir universitaire. Les êtres sont rarement ce qu’ils paraissent : aucune définition intellectuelle, aucune appréhension extérieure ou sociale ne saurait même les approcher : Civeyrac explique ainsi sa bienveillance de cinéaste – dût-il renoncer à imposer selon Critikat un point de vue sur ses personnages – « chacun a ses raisons », selon le mot de Renoir dans La Règle du jeu.

Alors, renoncement final au rêve ou mûr accommodement avec le réel ? La vie, dans sa pointe la plus aiguë, l’amour, l’art, ici incarné par le cinéma, et la passion (au sens le plus général du terme) mènent ici une folle sarabande : comment vivre dans l’absolu de ses choix, de ses passions et la nécessaire conciliation des contraires, l’équilibre des élans ? Qui aime trop son métier risque de perdre son amour ; qui s’enferme dans une relation amoureuse risque de s’y étouffer ; la vie, l’art, le métier se jalousent sans fin – et il faut se faire violence, feindre une passion modérée, s’épuiser inépuisablement à donner à l’autre des preuves d’amour, l’écouter et le regarder profondément lors d’un skype sans paraître distrait, lointain, comme Etienne avec Lucie si aimante, si exigeante (Diane Rouxel).

Le noir et blanc, instrument d’une stylisation poétique, d’un réalisme non naturaliste, apparaît ici d’un usage particulièrement romantique : il exhale une mélancolie rêveuse, magnifie Paris avec l’évolution des personnages – des immeubles aveugles et bouches de métro happant le provincial à la Seine crépusculaire, aux monuments miroitants aux yeux ébaubis d’Etienne et Mathias ; disant le quotidien, il semble ancrer le film dans une époque mythique, années 60 ou 70, alors que tout se passe en avril 2017, au premier tour des présidentielles ; familier et doux-amer, très actuel en somme avec ses Femen et ses Zad, il nimbe ce récit d’apprentissage – amical, amoureux, culturel et professionnel – d’une singulière aura d’éternité : évocation souvent réaliste, balzacienne (par-delà l’inquiétude créatrice et la référence à Flaubert) d’une conquête ici fébrile de Paris, il proclame la fièvre et pleure le désenchantement. Entre tradition et modernité, entre Rossellini et Sorrentino, l’art et la création, mis en abyme ici par Les Lettres luthériennes de Pasolini, recherchent le même point d’équilibre que l’individu prisonnier du quotidien et de ses rêves : si « être dans le vent, selon la formule de Gustave Thibon, est une ambition de feuille morte », faut-il attendre avec Novalis, dans ses Hymnes à la nuit, de mourir « chaque nuit aux feux de l’extase » ?

Et si Etienne, amoureux de Bach, renonce à faire du cinéma et se contente de travailler sur des télé-films, s’il se marie avec Barbara, secrétaire d’une société de production, belle fille un peu terne, par rapport à ses « petites amoureuses » de cinéma, son horizon est loin d’être occulté : le plan large sur un mur de briques, une parabole et de vagues toits de Paris représente ce réel qu’il faut apprendre à aimer, ce quotidien à apprivoiser, voire à magnifier par l’art et la culture pour conjurer une dernière fois la sensation du vide que procure toute fenêtre ouverte : l’adagietto de la 5ème symphonie de Mahler, leitmotiv du Mort à Venise de Visconti, qui s’élève sur les dernières images – discordance apparente et harmonie profonde – ne suggère-t-il pas l’intensité et le prix de la vie ? Aurait-on oublié que le traitement compte plus que le sujet, que Vermeer a peint une superbe et modeste vue de Delft grise et tranquille et Elstir, le peintre de Proust, un « petit pan de mur jaune » qui fascine le narrateur de la Recherche du temps perdu ?

Claude