« Gaspard va au mariage » de Antony Cordier (2)

La famille, l’enfance, la fratrie, la place qu’elle occupe, celle qu’on y occupe, les liens du sang , les responsabilités imposées, la couverture de survie qui finit toujours par se déchirer quand on ne la perd pas. Tout ça, quoi, qui donne tellement mal au cœur.

« Gaspard va au mariage » est une tragi-comédie débraillée.
On suit Laura qui dévie sa route pour entrer dans un zoo à la fois féerique et maléfique, protecteur et dangereux, dans une suite de situations, d’événements à première vue loufoques, drôlatiques, désopilants. Mais à y regarder de plus près …

D’abord on voit Laura. Bien perchée, Laura, avec son sac à dos et ses godillots, sur le bord de la route. Elle traverse vers ce groupe qui partage café et croissants et on prend la tangente pour se « percher » avec elle. On l’aime bien, cette grande fille solide, charpentée , qui se fait menotter à des rails par reconnaissance et s’endort …
Arrive Gaspard qui libère la belle et l’entraîne avec lui. Ils tombent amoureux. Ils ne le savent pas encore, nous si. L’histoire peut commencer et  nous, tout doucement, on va commencer, déjà, à un peu moins rigoler …

Dans le zoo familial du limousin, on entre d’abord dans la maison.
Zoom arrière dans le grand salon et le décor rempli, foutraque, avec squelette d’okapi au dessus de la cheminée. Le charme opère. Et pourtant il y a un truc qui cloche … mais quoi ? Bon sang, mais oui, la jeune mère martyre occupe toujours les lieux et aussi les souvenirs sur  bouts de super 8 fixés dans la mémoire des trois enfants. Tout est resté dans son jus.
Près de la future belle-mère, montreuse à ses heures de bête à deux têtes,  se tient Virgil. Le frère Virgil se tient toujours là où il faut. Il s’est toujours appliqué à faire tout comme il faut, il a continué à s’impliquer, à gérer le domaine qui prend l’eau, à veiller sur Coline la sœur ourse, à se battre pour se faire remarquer, pour se distinguer.
Peines perdues : le préféré, le doué c’était, c’est et ce sera toujours Gaspard, omniprésent, même absent. Inventif et génial.

Coline, la sœur, jeune fille habillée d’un caleçon d’homme et d’une peau d’ours, aux comportements étranges, nous intrigue, nous amuse ! Pas longtemps car dès la deuxième rencontre, on perçoit un très très gros malaise. C’est tragique, en fait. Coline est amoureuse de son frère Gaspard qui le lui rend presque, et Virgil … Virgil est invisible. La fusion c’est entre Coline et Gaspard, leurs peaux s’attirent. Gaspard aime l’odeur d’ourse de Coline qui en cultive l’essence pour lui. Il s’est dégagé de l’ensorcellement une première fois en fuyant le zoo mais on le voit bien , là il est en train de rechuter …

Laura réussira à le rattraper au vol pour le capturer  à son tour dans les odeurs suaves de sa chair fraîche.

J’ai aimé les décors, j’ai aimé ces images comme aussi celle où on voit Coline lovée contre un grand mâle, couchés tous deux sur un festin d’ours et celle où on voit Max, le père, traiter son eczéma : dans un grand bocal plein de poissons gloutons, il se trempe et finit par s’immerger complètement, grand corps replié en position du fœtus. Liquide amniotique ? formol ? L’image de Max flottant derrière une vitre devant ses trois enfants, assis côte à côte, bien rangés sur un banc, comme au musée. Ou celle où Gaspard dans son bain est rejoint par sa sœur qui s’inquiète tout naturellement de savoir s’il était « en train de se branler avant qu’elle arrive »(sic). Ah, d’accord, très libres, très proches. Zéro tabou, donc

Une famille animale enfermée bientôt échappée du zoo.

J’ai aimé les acteurs. Je trouve qu’Antony Cordier a particulièrement bien réussi sa distribution !
Laetitia Dosch  et son visage si expressif, ses traits mobiles, regard tout à la fois zen et tourmenté, Felix Moati, le type sympa, pas retors, pas pervers, ou alors pas fait exprès, Marina Foïs, la délicate, forte si fragile,  Christa Théret, insaisissable, inquiète, ailleurs, et Guillaume Gouix, qu’on ne peut jamais regarder dans les yeux, qu’il a particulièrement écartés : un nuage est passé dans l’un et on n’a pas vu l’embellie dans l’autre ou inversement. Et Johan Heldenberg, une entière découverte.

Un film qui cache bien le malaise sous sa patte « jungle »

Marie-No

Adieu à Stéphane Audran

Beaucoup de souvenirs reviennent en apprenant la mort de Stéphane Audran toujours laissée mariée à Claude Chabrol parce que ce n’était pas possible autrement. Ils s’étaient trouvés ces deux-là ! Le même air de ne pas y toucher, le sourire au bord des lèvres, le rire juste derrière.
La voix de Stéphane Audran était reconnaissable entre mille et B.Tavernier dans « Coup de torchon » avait su lui offrir un de ses rôles au diapason ! Un délice …
Mille autres délices …
Stéphane Audran : la féminité parfaitement insoumise.

Stéphane Audran,
toujours un peu à distances,
magnifique actrice

 

 

Gaspard va au mariage, Antony Cordier

Gaspard va au mariage

De Antony Cordier

Avec Félix Moati, Laetitia Dosch, Christa Théret, Guillaume Gouix, Marina Foïs, Yohan Heldenbergh et Élodie Bouchez

Film français (janvier 2018, 1h43)

Distributeur : Pyramide

 

On entre dans ce film comme Laura va au mariage, en se laissant aller de rencontre en rencontre, de coup de cœur en coup de foudre, du bonheur de recevoir une viennoiserie à la folie de s’enchaîner aux rails d’un train… Mais pas trop longtemps, car il faut le saisir ce train qui nous entraînera loin, très loin de nos horizons bouchés par l’affligeante banalité de notre vie morose. Laura nous emmène au zoo, voir de drôles d’animaux aux personnalités flamboyantes et aux pelages chatoyants.

L’histoire, les personnages, le décor, tout est absolument improbable.

Pourtant, dès les premières secondes de films, on plonge la tête la première dans cette fiction totalement barrée, sans jamais se poser de questions, sans jamais douter, sans jamais en sortir, sans jamais vouloir en sortir.

À quoi tient le charme ? Se demande-t-on quand la lumière se rallume.
La réponse est d’une simplicité évidente : la sincérité.

Antony Cordier a fait ce film avec une telle sincérité qu’on y croit pleinement, les acteurs le jouent avec une telle authenticité qu’on oublie que ce n’est pas leur histoire qu’ils interprètent – Félix Moati est adorable dans ce rôle de rêveur, Laetitia Dosch absolument rayonnante dans ce rôle de fille paumée d’une rare luminosité, Christa Théret nous fait vivre dans la peau de cette femme ours sublime, et Johan Heldenberg est incroyablement génial en chef de zoo et de meute délurée – et même les personnages sont d’une telle véracité dans leurs excentricités, dans leurs sentiments et dans leurs mots qu’il est impossible de ne pas succomber à leurs défauts charmants et leurs folies douces.

Plus qu’une franche comédie qui nous tire les rires du nez, la palette d’émotion que nous fait traverser le film est celle que parcourent aussi les personnages, car un tel acte de sincérité de toute part amène le spectateur à une empathie totale avec ce qui leur arrive. On aime alors regarder Laura tomber, mine de rien, amoureuse de Gaspard, on est surpris de le voir tout étonné quand après qu’elle se soit laissée renifler, elle lui suggère de faire jouer son ingéniosité pour passer l’excitation seule, on est charmé par le vieux Max quand il tente maladroitement de quitter ses conquêtes par téléphone, finissant par placer l’objet au micro-ondes, on a envie de grogner en sentant l’appel de la nature nous saisir à la vue de cette femme ours jalouse de sa future-belle-sœur, on a envie de renifler, sentir, vivre, vivre, vivre, comme le font Laura, Gaspard, Colline, Max et Peggy. Vivre comme si nous n’avions peur de rien, comme si la vie s’offrait enfin à nous dans l’improbabilité des possibles qu’elle nous promet. On se sent bien dans ce zoo, et dans cette famille.

Pourtant, tout n’y est pas rose, les rapports familiaux sont parfois très tendus, Virgil, incarné par Guillaume Gouix, l’acteur ayant été choisi pour sa faculté à tout rendre réel quand celui qui incarne son frère Félix Moati est si lunaire qu’on croit parfois rêver avec lui, Virgil dit par exemple à Gaspard, son petit frère, celui qui a toujours été le préféré que son succès était immérité, allant jusqu’à affirmer : «je ne t’aime pas». Les mots sont durs, violents, comme ceux qu’on a avec nos frères et sœurs quand on sait que toute vérité instinctive peut-être dite car jamais rien ne pourra briser le rapport du sang. Et alors, malgré la dureté des mots, la dureté des maux, la parole est dite et semble aussitôt pardonnée.

Les rapports ne sont pas plus simples entre Félix et sa sœur tant le rapport de séduction entre eux semble être et avoir été destructeur, mais jamais l’auteur ne tombe dans le facile, le scabreux ou le dérangeant, l’amour entre ces deux-là et d’une beauté interdite qui restera subtile sans passage à l’acte charnel. Jamais le film ne tombe dans la vulgarité, la finesse est le maître mot du film qui lui donne son ton si particulier et son timbre si délicat.

Les rapports entre le père et ses enfants sont aussi compliqués, ils semblent tout partager les uns avec les autres, l’absence de pudeur sur les questions de nudité, l’assiette dans laquelle tous ensemble ils vont manger, les détails sexuels des aventures extra-conjugales paternelles, ils partagent tout au point qu’il semble difficile pour chacun de vraiment trouver sa place.

Et puis, il y a le sujet du Zoo, le zoo qui est à la fois le souvenir d’enfance rêveur du réalisateur qui se souvient avoir eu enfant un livre narrant la vie de Claude Caillé, créateur du zoo de la Palmyre, le fils de cet aventurier n’avait pas de peluches mais de vrais fauves comme animaux de compagnie. Au-delà de ce souvenir, le zoo est un formidable réservoir de fiction puisque le réalisateur a pu y faire grandir des personnages hauts en couleur qui n’auraient jamais pu être crédibles ailleurs. Pourtant, comme le dit Antony Cordier, le zoo offre une approche animale qui déplace les limites de l’éros. Il explique que dans beaucoup de film de zoo, l’inceste est sous-jacent, comme dans le film de Peter Greenaway, Zoo, A Zed and Two Noughts. Et en effet, en sortant, une référence m’a envahie, non pas au cinéma mais au théâtre : Wajdi Mouawad qui avec sa pièce Forêts, nous entraîne dans une famille ayant voulu recréer un Zoo comme arche de Noé fuyant les atrocités du début du XXe siècle, mais qui se confronte à la question de l’inceste de manière déchirante et dramatique dans une tragédie comme aime les mener le libano-québecois.
Pourtant le zoo est aussi aujourd’hui, où notre rapport à l’animal change, le symbole de la fin d’une époque, on cesse de regarder les animaux comme des bêtes de foire et on leur accorde des droits de plus en plus humains. Mais le Zoo n’est pas juste, comme on pourrait le penser, un lieu d’exhibition d’animaux rejouant un orientalisme, mais, dans notre époque sinistrée par les extinctions d’espèces, il est aussi un lieu de protection quand faute de pouvoir les préserver à l’état naturel, on peut au moins, paradoxalement, les sauvegarder en «milieu artificiel».

Ce zoo polymorphe est à l’image du film allant dans une multitude de directions et épousant une pluralité de thème. Alors, sous l’apparente spontanéité de l’univers, le travail du réalisateur s’est révélé très compliqué, puisqu’il fallait mener dans une même narration le retour d’un fils prodigue, une histoire d’amour naissante, celle incestueuse d’un frère et une sœur, un mariage finalement annulé et un zoo mourant.
Il a de plus été difficile de trouver les producteurs nécessaires tant le projet semblait irréaliste, sept ans se sont écoulés entre son film précédant et celui-ci pour cette raison.
Et en parlant d’irréalisme, il a fallu aussi concilier la réalisation très réaliste d’une part et la magie du conte de fée d’autre part.
Ces difficultés de tisser tous les liens ont été résolues par la présence très forte de la structure du film. L’histoire se déroule en quatre chapitres, présentant chacun un personnage. Avant d’être coupé au montage, un cinquième chapitre était consacré à Peggy. Un personnage rendu, pour le réalisateur, intéressant par sa profession, car le vétérinaire est dans un zoo celui qui aime les animaux mais que les animaux n’aiment pas. Ainsi Peggy aime sans rien attendre en retour. Cette analyse d’une subtilité incroyable transparaît de manière si délicate dans le film qu’elle est quasiment imperceptible, sublimée.

Et on découvre, à la lecture ou à l’écoute du réalisateur, que tout le film à ce niveau de finesse, que les références à la mythologie (cerbère, le chien à trois têtes condamnant ce zoo et ses animaux à la mort), au cinéma (Pauline va à la plage, d’Erci Rohmer, Margot va au mariage, de Noah Baumach, Princesse Mononoké, d’Hayao Miyazaki), etc., rien n’est choisi au hasard. Il explique par exemple, au détour d’une explication sur la citation de Peau d’âne, que comme le personnage de Jacques Demy incarné par Catherine Deneuve s’enlaidit d’une peau d’âne pour échapper à l’amour de son père, Colline se cache sous une peau d’ours pour essayer d’être repoussante aux yeux de son frère qu’elle ne peut s’empêcher d’aimer. Son frère, Gaspard de la même manière va saboter son potentiel génie pour n’être enfin plus désirables aux yeux de sa sœur qu’il aimera infiniment. C’est aussi pour cette raison qu’il entraînera Laura dans cette loufoque aventure voyant en elle celle grâce à qui il pourra potentiellement dire :

Je suis sauvé « car le plus important dans la vie c’est de trouver quelqu’un qu’on aime plus que sa famille ».

Elle réussit le test avec brio et est aussi la seule qui va sortir indemne du film, la seule à continuer la route qu’elle s’était tracée, quand tous les autres ont fini par accepter de se décharger des poids de Sisyphe qu’ils s’imposaient de porter.

Le dernier fil qu’à tirer le réalisateur pour tisser le désir de cette famille est celui du dessin. Le trait est d’abord celui de la mère sur le visage de Gaspard, puis le sien sur le dos de sa sœur dans une scène d’une sensitivité incroyable, puis ceux d’un Okapi tatoué sur le buste de Max à côté du nom de Peggy et enfin celui de la tatoueuse végétarienne que Virgil choisit d’épouser.

L’infinie beauté et tendresse ne cessent de nous surprendre et de nous toucher durant le film et encore longtemps après.

Alors, laissons les derniers mots à la Tendresse chantée par Bourvil.

Dans le feu de la jeunesse
Naissent les plaisirs
Et l’amour fait des prouesses
Pour nous éblouir
Oui mais sans la tendresse
L’amour ne serait rien
Non, non, non, non
L’amour ne serait rien

Quand la vie impitoyable
Vous tombe dessus
On n’est plus qu’un pauvre diable
Broyé et déçu
Alors sans la tendresse
D’un cœur qui nous soutient
Non, non, non, non
On n’irait pas plus loin.

Pauline

 

« Centaure » de Aktan Arym Kubat

Prix de la Confédération internationale des cinémas d’art et d’essai à la Berlinale 2017
Du 8 au 13 mars 2018
Soirée débat mardi 13 mars à 20h30

Film kirghiz (vostf, janvier 2018, 1h29) de Aktan Arym Kubat avec Aktan Arym Kubat, Nuraly Tursunkojoev et Zarema Asanalieva 
Distributeur : Epicentre

Présenté par Marie-Annick

 

Synopsis : Dans un village au Kirghizistan. Centaure, autrefois voleur de chevaux, mène désormais une vie paisible et aime conter à son fils les légendes du temps passé, où les chevaux et les hommes ne faisaient plus qu’un. Mais un jour, un mystérieux vol de cheval a lieu et tout accuse Centaure…

Article de Marie-Annick *** Dossier de presse *** Bande annonce *** 
 

Un film kirghize sur nos écrans est chose rare mais si de surcroît il fait la conquête de nos salles obscures, la performance mérite d’être saluée.

Avec son dernier film « Centaure », Aktan Arym Kubat vient nous dire ce qui lui fait mal dans son pays qu’il aime tant. Dans une scène poignante, Centaure, le personnage principal, confie en larmes, à son cousin, qu’il pleure le temps où les hommes et les chevaux étaient unis comme les cinq doigts de la main. En filmant la vie de Centaure et sa petite famille dans un petit village kirghize d’aujourd’hui, le réalisateur nous fait comprendre tout ce que le peuple kirghize, autrefois libre et fier, a perdu après soixante-dix ans de communisme et bientôt trente ans de capitalisme.

Ses belles légendes contant les exploits de valeureux guerriers semblent avoir été remplacées par les ragots de village. Sa langue, pourtant parlée à 70% par la population n’est pas la langue officielle qui est le russe. L’épouse muette de Centaure, dans l’incapacité d’enseigner sa langue à son jeune fils en est le symbole. Le nomadisme séculaire a cédé le pas à la sédentarisation qui a fait fleurir câbles, antennes, paraboles et vidéos surveillance. Le cheval, animal sacré, considéré parfois comme un passeur d’âmes et comme le double de l’être humain à qui il a bien voulu prêter sa force, n’est plus qu’une marchandise, viande de boucherie ou crack de course acheté à prix d’or par les riches propriétaires. Désormais, occidentalisation et mondialisation installent un nouvel ordre des choses, avec d’un côté les riches, ceux qui ont réussi et ont le pouvoir de l’argent et  les plus pauvres. Et comme si ce n’était pas assez, un islam montant intolérant vient balayer les derniers restes de pratiques chamaniques où la nature, le vivant étaient respectés, balayant un peu plus encore les fondamentaux du peuple kirghize.

Alors Centaure, héros frère de Don Quichote, vole des chevaux prestigieux pour galoper toute la nuit comme un fou en toute liberté, pour éprouver la griserie de la liberté. Une liberté à laquelle il donne une dimension sacrée, les deux bras tendus vers le ciel. Que cherche-t-il à atteindre tout là-haut  ? Le cosmos ? Manas, le héros des légendes kirghizes ? Kambar Ata le protecteur des chevaux ? Tchal Kouyrouk le cheval fabuleux qui permit à un humain de retrouver son âme qu’il avait perdue ? Dieu ?

Quand le peuple kirghize retrouvera-t-il son âme, se demande le  réalisateur ?

Peut-être quand l’Homme aura retrouvé son lien profond avec la nature, quand les individus coexisteront librement au sein d’un groupe,et quand la liberté individuelle pourra s’exprimer  à l’intérieur d’une société.

En filmant la scène où Centaure laisse aux deux jeunes gens la malette contenant la bobine du film  « la pomme rouge » qu’il a conservée intacte toute sa vie, Aktan Arym Kubat semble nous dire qu’il a fait son travail et qu’il laisse à la jeunesse, avec ce maigre bagage, la responsabilité de son avenir.

Marie-Annick

Cinéma d’ailleurs, « Viva Il Cinéma » 5ème festival de Tours

 

 

Du 14 au 18 Mars, 4 cramés de la bobine se sont rendus à la 5ème édition des journées de Viva il Cinéma de tours où 24  fictions et documentaires ont été présentés. Nous nous y sommes rendus.

 

 

 

Il y a quelques années nous pensions que ce cinéma était mal en point, il marque les signes d’un bon rétablissement. Il y a dans le cinéma que nous avons vu, une créativité, un bonheur de filmer qui rappelle les grandes années du cinéma italien. Nous avons pu voir 13 d’entre eux, inédits et avant-premières.

Les inédits n’ont pas encore de distributeurs, peut-être n’en auront-ils jamais en France et donc n’y seront-ils jamais diffusés, nous vous en toucherons tout de même un mot parce que nous espérons qu’ils trouveront leurs diffuseurs et de nombreuses salles pour défendre ce cinéma-là.

Il y a eu deux prix attribués, celui de la Ville de Tours et celui du Jeune Jury, nous les signalerons au passage

 

Ammore e Malavita « à Naples on ne vit que deux fois » de Marco Manetti.

L’idée de départ, un mafieu essaie de disparaître de la circulation. Un film drôle, qui tient de la comédie, de la comédie musicale, avec des meurtres en série, une histoire d’amour, du suspens et de l’invention. A voir s’il arrive sur les écrans en France, si vous avez envie de vous distraire, et si le cœur vous en dit. Davantage Pop Corn qu’Art et essai. (***)

 

 

In Guerra per amore, de PierFrancesco Diliberto,

 

 

« NYC1943, Arturo souhaite épouser Flora, mais son oncle qui en a la charge veut la marier au fils d’un chef mafieux. Alors pour obtenir la main de sa belle, Arturo décide d’aller directement demander sa main au père de Flora qui vit en Sicile. Comme il n’a pas de quoi se payer le voyage, il s’engage dans l’armée qui va débarquer en Sicile ».

Alors là, c’est du cinéma ! Ça a l’allure d’une comédie, il y a des passages drôles et jamais vus, et ça gagne en gravité sans jamais perdre l’humour. On imagine que le réalisateur a été séduit par la Vie est belle. Le sujet qu’il traite est grave : Comment les Etats Unis ont installé durablement la mafia en Sicile. Un film drôle et intelligent qui n’est pas sans rappeler une histoire fraîche. Nous espérons que ce film aura tout le succès qu’il mérite. (*****)

 

I Figli della Note (les fils de la nuit) d’Andréa de Sicca. ( le petit-fils de Victorio !). Ce film a obtenu le prix du Jury des Jeunes.

« Issu d’un milieu aisé, Giulio est envoyé dans un pensionnat strict qui forme les dirigeants de demain. Et tout est permis pour former l’Elite de la société »…Il y a non loin, un lieu d’évasion, un « lieu de plaisir nocturne » si on peut appeler ça comme ça. Giulio tombe « amoureux » d’une jeune femme qui s’y prostitue. C’est un film sur les étudiants, et les étudiants de Tours ont aimé voir des étudiants transformés en jouet par un monde adulte dominateur et dévoyé, ils ont aimé le climat complotiste manipulatoire et glauque qui nimbe le film. Film au demeurant peu inventif. (**)

 

Il Padre d’Italia (le père d’Italie)  de Fabio Mollo.

Inédit. Espérons que ce film va être projeté en France. C’est un film original : « Paolo est trentenaire, il ne se remet pas de la séparation d’avec l’homme avec qui il a vécu durant 8 ans. Une nuit, il rencontre Mia, une jeune femme exubérante et fantasque, enceinte de quelques mois. Elle lui demande de l’aide. Alors commence un voyage plein de rebondissements à travers l’Italie ». C’est aussi un film sur l’attachement, qui interroge la nature de l’attachement. Les acteurs sont Luca Marinelli (nous l’avons vu dans 3 films, cet acteur est un vrai caméléon)et Isabella Ragonese. Retenons bien ces noms et ne loupons surtout pas ce film! (*****)

 

Una Questione Privata un film de Paolo et Vittorio Taviani avec Luca Marinelli (voir ci-dessus).

En présence de Paolo Taviani. C’est bien leur patte. Voici un film qui commence par un triangle amoureux et chaste, (c’est l’affaire privée) la toile de fond devient le fascisme et la lutte des partisans. Les deux garçons deviennent des partisans. Quelle sera l’influence de cette affaire privée dans leur engagement ? Un film élégant, classique et beau. (****)

 

Easy d’Andréa Magnani

a obtenu le prix de la ville de Tours. 

« Easy (diminutif d’Isodoro), est ex-pilote de course, un gros monsieur déprimé, boulimique et solitaire qui ne fait plus rien. Son frère lui propose un job, transporter le cercueil d’un maçon décédé, en Ukraine- un voyage semé d’embuches-« . C’est énorme, drôle et grave, ça s’essouffle et se relance sans qu’on sache trop bien pourquoi.  Nous n’avons jamais vu un road movie avec cercueil.  Je n’aurai pas voté pour ce film, mais le burlesque (derrière lequel se cache un vécu)  à bien le droit d’être à l’honneur.(***)

 

Il più grande sogno (le plus grand rêve) de Michele Vannucci.

Reconstitution à la manière documentaire d’une histoire vraie : « Mirko est de retour chez lui après avoir passé 8 ans en prison. Il veut une seconde chance, un nouveau départ qui lui permettrait de tourner définitivement le dos à la violence et la criminalité. Il souhaite reconquérir le coeur de ses deux filles, reprendre son histoire avec sa femme et rendre sa propre vie plus positive. Une opportunité inespérée se présente lorsqu’il est élu président d’une association caritative de son quartier, une zone abandonnée de la banlieue de Rome. » On ne peut pas dire que le film jouit d’un bon scénario ni d’acteurs exceptionnels, ni qu’il soit bien filmé, mais ce film a réussi le miracle de se faire oublier au profit du débat de l’équipe de tournage et du coup tonnerre d’applaudissement. Le jour où vous irez voir ce film, tâchez que la fameuse équipe soit là.(**)

 

Sicilian Ghost Story d’Antonio Piazza. Un autre film sur la Sicile

dont voici le synopsis : « Dans un village sicilien aux confins d’une forêt, Giuseppe, 13 ans, disparaît. Luna, une camarade de classe, refuse la disparition du garçon dont elle est amoureuse et tente de rompre la loi du silence. Pour le retrouver, au risque de sa propre vie, elle tente de rejoindre le monde obscur où son ami est emprisonné et auquel le lac offre une mystérieuse voie d’accès ». Attention histoire vraie qui commence comme une histoire merveilleuse, joue avec le fantastique, pour mieux nous ramener à une histoire qui se termine tragiquement. Tout comme « In Guerra per amore, de PierFrancesco Diliberto » ce film est fort et bouleversant. Il dénonce les méthodes mafieuse et les silences coupables. Comme c’est une avant-première, il va passer dans les salles. Allez-y ! Vous ne le regretterez pas.(*****)

 

Si returno Ernest Pignon-Ernest et la figure de Pasolini, documentaire en sa présence ainsi qu’une représentante du collectif Zikozel :

« Qu’est-ce que nous avons fait de sa mort ? » Quarante ans après l’assassinat de Pasolini, Ernest Pignon-Ernest, l’un des pionniers de l’art urbain international, entreprend un voyage en Italie pour poser cette question sur les lieux de la vie, de l’œuvre et de la mort du poète. À Rome, Ostie, Matera et Naples, l’artiste interpelle les habitants et les passants en collant sur les murs une pietà laïque dans laquelle Pasolini, au regard sévère, porte son propre corps sans vie ».

C’est un artiste humble qui nous expose sa démarche. Celle d’un art éphémère,  celle d’un plasticien pour qui la rencontre du public et l’agencement de son œuvre comptent autant que l’œuvre. E.P.E bénéficiait d’une salle conquise et admirative.

 

La Tenerezza, (la tendresse) de Gianni Amelio, une avant-première, quelle chance ! il sera diffusé.

Encore un film remarquable. Le nouveau film du réalisateur calabrais aborde les relations familiales et le dédale de sentiments qui en découle et en même temps une rencontre de voisinage avec une gentille famille, une sorte d’ailleurs à domicile et c’est tellement autre chose ! Et pourtant! Encore un film remarquable, avec pour interpréte Elio Germano. Allez-y,  si vous en avez l’occasion, vous ne regretterez pas. (*****)

 

Tutto quello Che vuoi « tout ce que tu voudras » de Francesco Bruni, Inédit,

quand je pense que vous riquez de ne pas voir ce film ! J’en suis consterné. Une comédie, intelligente, sensible, émouvante, et drôle et infiniment sérieuse. Alessandro 22 ans « branleur » excède son père qui lui impose de prendre un petit boulot « s’occuper de Giorgio, poète Alzheimer ». Les italiens connaissent le tragicomique mieux que quiconque.

Une rencontre. C’est un bon moment de cinéma, vous savez ces films dont on sort avec le sourire !(****).

 

Encore un Inédit, on ne va quand même pas être obligés d’aller à Tours pour voir ce bon film !

La Stoffa dei sogni de GianFranco Cabiddu (l’étoffe des rêves est un morceau de citation de la tempête de W.Shakespaere : « Nous sommes de l’étoffe dont sont faits les rêves, et notre petite vie est entourée de sommeil »

je vous livre le synopsis : Un bateau chargé de prisonniers et d’une petite troupe de théâtre fait naufrage sur l’ile d’Asinara connue pour son pénitencier. Les gardiens de la prison recherchent les rescapés mais ne savent pas distinguer les mafieux qui doivent rejoindre la prison, des autres. Passionné de théâtre, le Directeur leur demande de jouer la Tempête de Shakespeare. Ça ne manque pas de sel ! (C’est le cas de le dire). (***)

 

Lasciati Andare (laisse-toi aller) Francesco Amato

Inédit encore un inédit, une gentille comédie. Un psychanalyste peu empathique fait un malaise, on lui prescrit de faire du sport, il rencontre une excentrique coach de sport…Avec le grand Toni Servillo. On rit, il y a de bons gags mais c’est un peu long tout de même. (***)

 

Les italiens savent manier le tragicomique. L’humour italien au cinéma a une finesse qu’on ne retrouve guère dans les films français. Sur 13 films que nous avons vu 8 ont un caractère humoristique et cependant véhiculent à profusion et  généreusement  inventions,  images étonnantes , humour sur des thèmes parfois  graves, dont on peut discuter en sortant de la salle.

4 jours de ciné, en sortant des salles, un instant, on s’étonnait de ne pas être en Italie. Bravo à Tours et Viva Il Cinéma !

Georges

« L’insulte » de Ziad Doueiri

1 Prix et 3 nominations à la Mostra de Venise 2017
Du 1er au 6 mars 2018
Soirée débat mardi 6 mars à 20h30

Film libanais (vostf, janvier 2018, 1h52) de Ziad Doueiri avec Adel Karam, Rita Hayek, Kamel et El BashaDistributeur : Diaphana 

Présenté par Jean-Pierre Robert

 

Synopsis : A Beyrouth, de nos jours, une insulte qui dégénère conduit Toni (chrétien libanais) et Yasser (réfugié palestinien) devant les tribunaux. De blessures secrètes en révélations, l’affrontement des avocats porte le Liban au bord de l’explosion sociale mais oblige ces deux hommes à se regarder en face.

Notes sur les avocats dans le film

J’ai aimé ce film, sa présentation et le débat qui soulignent à quel point la question libanaise est douloureuse et compliquée. Je souhaiterais m’attarder sur le rôle des avocats dans cette affaire.

Disons d’abord que la forme du film a quelques rapports avec les cercles produits par un caillou jeté dans l’eau. À partir d’une injure, d’un conflit interpersonnel, le cercle des personnes concernées s’étend. Celui des amis et des proches, celui des groupes de pression, celui de la foule et de l’opinion, celui de l’institution représentée par le Président en personne.

La toile de fond : Beyrouth, une ville particulièrement dense. Un patchwork de communautés et de religions enchâssées. Selon wikipédia « Le Liban compterait 54 % de musulmans (dont environ 27 % de chiites et 27 % de sunnites), 5 % de druzes, 41 % de chrétiens (23 % de maronites,etc… » et les guerres…regarder la chronologie du Liban, c’est se plonger dans « guerre, guerre civile, invasions, attentats, etc. » D’où la propagande permanente et le déploiement facile d’idéologies meurtrières.

Aussi, dans ce monde-là ou la différenciation est la règle, quand deux personnes entrent en conflit, s’injurient, qu’elles en viennent aux mains, elles portent en elles leur système religieux et communautaire, les blessures de la guerre, celles qui les ont souvent opposées. Sans oublier les discours idéologiques et propagandistes haineux (politico-militaro-religieux) dont ils se laissent bercer, et c’est le cas de Toni et peut-être Yasser. Ils expriment l’un et l’autre d’une manière emblématique, par leurs blessures et leurs souffrances profondes, les blessures de leur pays et en même temps, « le prêt à penser » des préjugés et de la propagande. Ce qui se joue dans l’insulte tient  à la fois du psychodrame et du sociodrame.

Toni poursuit Yasser en justice. Romanesque et intéressante, « l’invention » dans le scénario des avocats des deux protagonistes. L’avocat de Toni est un vieux monsieur, l’avocate de Yasser est une jeune femme. L’un est un défenseur des chrétiens, l’autre est défenseur de minorités opprimées, ici les Palestiniens. L’un est le père et l’autre la fille. L’un et l’autre ont été choisis ou conseillés par les entourages respectifs des deux protagonistes parce qu’ils sont les meilleurs. Un duel de champions en somme. On suspecte alors que ce choix de règlement du conflit, sera en même temps celui d’un conflit père/fille et qu’il risque de ne pas tendre vers l’apaisement, parce qu’il se jouera autre chose que le procès.

Et les interventions de ces deux personnages forment une sorte de récit dans le récit. On voit bien le double enjeu de ces deux avocats : S’opposer en dépit de leur parenté. Etre parents en dépit de leur opposition. Ça ne devrait pas être crédible, mais ça marche, on y croit. D’autant qu’ils démontrent par leur opposition tranchée que liberté de pensée existe encore dans ce pays. On imagine aussi que le concours de persuasion et de chamaillerie va commencer entre avocats que tout oppose et que tout réuni. Là encore on retrouve une métaphore du Liban, « être à la fois ensemble et séparés ».

Le fil conducteur du film revient pour une large part aux avocats puisqu’il permet des éclairages successifs sur Toni et Yasser. Le scénario réparti bien les billes, plus avance le procès, plus on découvre à quel point les torts sont  partagés, et que le match nul se profile. Et à chaque fois que l’un ou l’autre marque des points, la tension augmente d’un cran. Comment en sortir ? C’est le père qui découvre la voie étroite. Reformuler les termes de la plainte, la ramener à ses origines qui ne sont pas dans les passages à l’acte immédiat mais dans les vies et les actes passés. Et là on pense à « Carré 35 » de Caravaca ou à « en attendant les hirondelles » de Karim Massaoui. Soit le ressort comprimé d’un traumatisme, de la mort ou la guerre qui se dévoile à travers des passages à l’acte. Alors, le non-dit, le secret, s’incarne d’une manière sourde dans tous les actes de la vie de Toni et Yasser. Le présent sert d’alibi à un passé mal vécu qui cherche à s’exprimer par tous moyens. L’un et l’autre se pensent libres, ils ne sont que les jouets de leurs passés respectifs. Et les avocats, dans ce film, font advenir une vérité de ces personnages. Je ne m’en tiendrai qu’à ce seul aspect. Le film est bien plus riche que ça.

Alors, est-ce qu’être conscient d’un traumatisme aide à mieux vivre, à être plus heureux, à se sentir moins angoissé, moins peureux, moins coléreux ? Peut-être.

J’ajouterai que ce film a trouvé une manière de parler de simples quidams et en même temps de tout un peuple lui aussi si proche et si opposé. Lui aussi blessé, lui aussi baigné dans une propagande meurtrière. Et ce film dit à ce peuple : « Votre violence d’aujourd’hui, avant d’y céder, songez qu’elle s’est nourrie de l’écho lointain d’autres violences en partage…Remember. Ne la laissez pas gagner ». Il propose aux Libanais de vivre ensemble, ce qu’ils font déjà, disons alors de vivre ensemble lucides et vigilants,  et donc en paix…

Georges

 

 

 

 

 

 

 

Ciné d’ailleurs,vu par Pauline

 Trois petites critiques de très beaux films (je vous épargne donc celle de Wonder Wheel) que j’ai eu l’occasion de voir à Avignon et que je vous recommande vivement. Les voir, tous trois, passer à Montargis me laisse rêveuse…

Lady Bird
Lady Bird

De : Greta Gerwing

Avec : Saoirse Ronan, Laurie Metcalf, Tracy Letts, Lucas Hedges, Timothée Chalamet

Aller voir Lady Bird, c’est comme prendre place à bord d’une machine à voyager dans le temps. À voyager dans son propre temps…
Car même si les époques différent, on se retrouve à revivre notre propre adolescence, cette dernière année de lycée, ce moment si particulier où tout s’emballe. Les nouveaux amours, les amis qui comptent plus que les apprentissages et surtout, surtout, l’orientation. Rêver de rester, de partir, d’université, de culture, d’ailleurs…
Tout va se jouer, rien n’est fait, tout est encore possible et il s’agit de profiter de cet instant de félicité.
Le film nous entraîne dans l’univers de cette renommée Lady Bird qui a besoin d’affirmer sa singularité pour avoir l’impression d’exister, exister pour elle, et enfin, peut-être trouver le sens de son être au monde.
Mais y-a-t’il vraiment un sens ?
J’ai été cette Lady Bird. Et à entendre les critiques, je ne suis pas la seule. Nous avons tous un peu été une Lady Bird, dans cette recherche de soi. Quand il a s’agit de tout faire pour être unique quand parfois, souvent, c’était la seule chose rassurante à affirmer.

« Je veux que tu sois la meilleure version de toi-même. » dit la mère de Lady Bird.

Faute d’être la meilleure version de soi, être la plus singulière.

La Forme de l'eau - The Shape of Water

 

La Forme de l’Eau,

De : Guillermo del Toro

Avec : Sally Hawkins, Doug Jones, Michael Shannon, Richard Jenkins, Michael Stuhlbarg

 

Plonger dans l’univers d’Elisa, une femme de ménage muette qui va faire confiance pour la première fois, aimer et aider la seule personne qui va la voir comme un être à part entière. Et qu’importe si elle n’est pas humaine.

La photographie et l’interprétation sont absolument sublimes, on est totalement immergé dans cet univers fantastique et aquatique, les décisions des personnages ne sont jamais hasardeuses ou scénarisées, elles sont le fruit d’un cheminement d’une rare richesse et justesse. C’est redoutablement efficace. Pendant deux heures, on est au cœur de cette histoire d’amour improbable qui semble pourtant incroyablement réelle quand elle est mise en scène par Guillermo del Toro.

 

Call Me By Your Name

 

Call me by your name

De : Luca Guadagnino

Avec : Timothée Chalamet, Armie Hammer, Michael Stuhlbarg

Ça faisait longtemps, très longtemps, que je n’avais pas été bouleversée comme ça au cinéma. Cette histoire d’amour, et qu’importe qu’elle soit homosexuelle, touche à une universalité de la passion tellement humaine…. Chaque souffle, chaque toucher, chaque regard nous couvrent d’empathie de manière incroyable. À travers Elio, c’est toutes les sensations qui traversent notre être lorsqu’on tombe amoureux, lorsqu’on vit une passion dévorante, que l’on revit avec une puissance fulgurante. Et c’est fascinant. Le cœur s’accélère, la gorge se noue, les yeux se chargent de larmes… Le réalisateur a su transmettre toutes ces émotions, non pas avec des mots comme dans le livre dont il est tiré, mais avec des sensations brutes. La caméra est proche de son sujet au point de toucher un point d’intime fabuleux. Et la performance de Timothée Chalamet tient à la virtuosité. Il fait exister Elio, et avec lui, tout ce que l’on ressent quand on sent grandir le feux dévorant des sentiments pour l’autre. C’est tellement fort. Du reste, le cadre du film (une Italie érudite et luxuriante), la vibrante musique de Sufjan Stevens  et la beauté du personnage du père sublimement interprété par Michael Stuhlbarg nous font définitivement basculer dans cet univers. On aimerait que ça ne finisse jamais.
J’en tremble encore.

« Ni Juge, ni soumise »de Jean Libon et Yves Hinant

Nominé à la Quinzaine des Réalisateurs
Soirée débat lundi 5 mars à 20h30


Film franco-belge (février 2018, 1h39) de Jean Libon et Yves Hinant

Ni Juge ni soumise est le premier long-métrage StripTease, émission culte de la télévision belge. Pendant 3 ans les réalisateurs ont suivi à Bruxelles la juge Anne Gruwez au cours d’enquêtes criminelles, d’auditions, de visites de scènes de crime. Ce n’est pas du cinéma, c’est pire

Nominé à la Quinzaine des Réalisateurs

Soirée débat lundi 5 mars à 20h30

Film franco-belge (février 2018, 1h39) de Jean Libon et Yves Hinant

Présenté par Marie Noël Vilain

Ni Juge ni soumise est le premier long-métrage StripTease, émission culte de la télévision belge. Pendant 3 ans les réalisateurs ont suivi à Bruxelles la juge Anne Gruwez au cours d’enquêtes criminelles, d’auditions, de visites de scènes de crime. Ce n’est pas du cinéma, c’est pire.

Comme je regrette de ne pas avoir assisté à la séance de ce lundi.

Je ne voudrais pourtant pas laisser passer l’occasion de dire tout le mal que je pense de ce film en forme de documentaire et qui ne documente rien, sauf à la rigueur, le cynisme, la bêtise et la méchanceté.

D’abord il y a cette juge, haute en couleurs pas seulement par 2 chevaux, maquillages et autres accessoires vestimentaires interposés mais aussi par son verbe, celui d’une histrionne. Cette dame joue avec ses « clients » (comme elle dit),   comme un chat avec une pelote de ficelle, où peut-être joue-t-elle au rat et à l’escargot sans discontinuer. A-t-on entendu dans ce film un  « client »  s’exprimer ? Oui, un seul (sur la consanguinité) parce que ce  qu’il a dit paraissait ridicule. Quant aux avocats, ce sont des éléments de décoration, sauf s’ils vont dans le sens du woman show de la juge. Alors bien sûr, demeure l’humour des situations, j’ai parfois ri ou souri,  mais je n’en suis pas fier. Je crois que je me suis laissé avoir par la forme du montage en pseudo-zapping qui court-circuite la réflexion.

Quant au scénario, un mot sur son fil d’ariane : Comment peut-on, à la suite d’une enquête déterrer un cadavre, le découper à la scie électrique pour faire du spectacle.  Et dans le casting, ce qui me sépare définitivement de ce spectacle c’est le choix de filmer cette femme délirante, qui a tenté d’étrangler son fils avant de le trainer dans la salle de bain et de l’égorger. Peut-on un instant imaginer ce que va être la vie de cette personne après son état délirant ? Abominable. Et cette fine équipe filme cette pauvre femme, et le juge qui lui fait relire le PV-Morbide-

Question :

le titre du film évoque « ni pute, ni soumise »… Curieuse association. A quel moment ont-ils trouvé ce titre?

Georges